Le choix du DMP est celui d'un dossier individuel comprenant toutes les informations, mais qui appartient au patient et qu'il est difficile de traiter de façon transversale. Dans un cabinet britannique, au contraire, la base du travail proactif consiste à sortir, par exemple, la liste informatique de tous les patients diabétiques qui n'ont pas eu un dosage d'hémoglobine glyquée dans les six derniers mois et de les prévenir. La vision française actuelle du système d'information médicale est une vision verticale et non pas horizontale d'aide à la gestion.
Il en va de même de la coopération entre les professionnels. Le fait de permettre aux infirmières d'effectuer certaines tâches accomplies précédemment par les médecins est une démarche positive. Pour autant, cela ne suffit pas pour constituer une équipe. Il faut à cet effet que les infirmières soient salariées dans un cabinet dirigé par le médecin, seul moyen d'accompagner les patients de façon pluridisciplinaire. Or non seulement une telle possibilité est très loin d'être envisagée en France, mais les infirmières elles-mêmes n'imaginent leur avenir professionnel qu'à côté du médecin, après éventuellement une modification des frontières d'intervention, et non au sein d'une équipe – on retrouve là le résultat de la prégnance du paiement à l'acte.
Finalement, ce qui est le plus transposable en France, c'est le desease management, ainsi que l'expérimente la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avec le programme Sophia d'accompagnement des diabétiques. Toutefois, des contraintes existent dans notre pays par rapport à ce qui se fait aux États-Unis. C'est ainsi que le consentement explicite du patient américain n'est pas demandé pour son intégration dans un programme – c'est la procédure dite de l'opt out. En définitive n'adhèrent, avec le consentement explicite, que ceux qui sont déjà préoccupés par la maladie, c'est-à-dire ceux qui, à la limite ont le moins besoin d'un accompagnement. Le résultat est que si l'on touche 30 % des patients avec le consentement explicite, l'opting out permet d'en atteindre 95 %.
Il en va de même en matière d'information. Dans les organismes de desease management, lorsque les résultats d'une analyse biologique font apparaître chez un patient un niveau de dosage d'hémoglobine glyquée passant de 7 à 9, l'infirmière, qui détecte ainsi un patient à risque, appelle aussitôt ce dernier. En France, de tels résultats d'analyse sont la propriété du laboratoire d'analyses, du patient et du médecin. Il faudrait donc payer ce dernier pour qu'il accepte de transmettre les résultats au programme Sophia, ce qui non seulement coûterait cher, mais n'aurait pas la même souplesse.
Sans même parler de grande réforme, mais simplement de ce qui est transposable, c'est-à-dire le desease management, un long chemin reste à parcourir.