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Intervention de Jean-Pierre Dufau

Réunion du 18 mai 2010 à 15h00
Débat sur les relations entre l'union européenne et les pays d'afrique des caraïbes et du pacifique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau pour leur rapport sur les accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays ACP. Ce rapport, dans sa version écrite et de par les préconisations qu'il contient, va dans le bon sens. L'Union européenne s'honorerait en en tirant toutes les conséquences. J'ajoute même que la présentation orale de ce document en commission des affaires étrangères, et aujourd'hui dans l'hémicycle, m'a encore davantage convaincu. J'y ai perçu comme une prise de position en faveur des pays ACP, pour en faire de véritables partenaires d'une politique partagée. À l'approche du baccalauréat, j'aurais tendance à dire : « C'est bien à l'écrit, c'est encore mieux à l'oral. » (Sourires.)

Sur le fond, les accords de Lomé, puis ceux de Cotonou, d'inspiration libérale, se sont soldés par un échec, qui a été vécu par les pays ACP comme une véritable humiliation.

Il n'est pas acceptable de vouloir imposer aux pays ACP, en voie de développement, des politiques de libre-échange et une compétition qu'ils ne peuvent supporter. Les intégrer rapidement, brutalement, dans l'OMC relève soit d'une faute, soit d'un odieux cynisme. Allez-vous demander à un jeune convalescent, non entraîné, de s'aligner dans la compétition d'un marathon olympique et vous étonner qu'il ne termine pas l'épreuve ou qu'il y laisse la vie ?

Il faut donc un autre regard, une autre attitude, une autre philosophie, si l'on veut réellement aider au développement de l'Afrique, berceau de l'humanité, comme à celui des autres pays ACP. Le préalable concerne à mon sens l'abandon effectif de la dette de ces États. Faut-il rappeler que l'histoire – esclavage, pillage des ressources naturelles et parfois, il faut le reconnaître, excès de la colonisation – devraient inciter les pays européens en particulier, mais aussi d'autres pays développés, à une attitude plus respectueuse, plus humaniste.

Ce qu'il faut, pour les pays ACP, c'est la mise en oeuvre concrète d'un partenariat de développement, ce développement n'étant pas forcément celui de la pensée unique ou de la mondialisation, qui appliquent indistinctement les mêmes règles, avec le succès que l'on sait.

La situation économique actuelle et la crise financière mondiale devraient aiguiser notre esprit critique, nous inciter à vérifier les dogmes intangibles et, avec modestie, à accepter pour chacun des voies de développement qui lui conviennent mieux. Par exemple, comment ne pas comprendre que l'agriculture demeure le secteur primaire de l'économie, et que la première des règles morales, depuis la nuit des temps, est de permettre que le développement d'un État le conduise à assurer prioritairement les productions agricoles dont il a besoin pour se nourrir ? Comment ne pas reconnaître aujourd'hui qu'un pays qui néglige son industrie, secteur secondaire de l'économie, s'expose à bien des désagréments ? Et dire que, parfois, même en France, on feint de s'en étonner ! Comment, contre vents et marées, penser que le commerce via l'OMC est capable, à lui seul, de régler les problèmes de développement dans le monde ? C'est une croyance vaine qui m'évoque la pierre philosophale ou la panacée : toujours recherchée, jamais atteinte ! Une chimère !

Une véritable coopération, source de développement, ne peut donc s'appuyer que sur une politique de partenariat sincère basé sur la satisfaction des besoins réciproques. Pour autant, je n'aurai pas la naïveté de croire que tout est blanc ou tout est noir – oserai-je dire, et réciproquement –, et je sais qu'il ne faut pas céder à l'angélisme.

L'Afrique et les pays ACP n'ont pas que des droits et, en particulier en matière de gouvernance et de démocratie, de sérieux progrès restent à réaliser. Utiliser les aides et ressources financières pour lutter contre la pauvreté, donner à l'éducation et au système de santé la priorité absolue est indispensable. Les ACP ont à relever leurs propres défis et à assumer leurs choix.

La suite que l'Union européenne donnera à ce rapport peut être déterminante. Ou ce sera un rapport de plus dans un enfer pavé de bonnes intentions, ou il débouchera sur la mise en oeuvre d'une politique équitable liée à une prise de conscience et à une espérance sans faille dans la volonté des hommes de dépasser leur condition, voire leurs contradictions.

L'Assemblée nationale doit exercer un droit de suite à ces débats et constituer un groupe de travail qui, sans relâche, assure le suivi de ces accords de partenariat économique. Que, le cas échéant, on puisse saisir régulièrement l'Union européenne et les pays ACP sur l'évolution de la situation !

Le groupe socialiste soutient ce rapport en réclamant un suivi vigilant de la situation pour refonder un partenariat économique juste, orienté vers le développement partagé des pays ACP et avec le soutien de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)

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