En engageant, avec l'accord de Cotonou de 2000, les négociations sur les accords de partenariat économique, l'Europe a-t-elle trahi la responsabilité particulière, la relation de confiance qui la liait depuis la convention de Yaoundé avec les pays en développement des zones Afrique, Caraïbes et Pacifique ?
Au nom de la compatibilité avec les règles de l'OMC, ces négociations portent en effet depuis le début la marque de l'influence d'une idéologie libérale qui ne correspond ni aux spécificités ni aux fragilités de ces pays, dont beaucoup figurent parmi les plus vulnérables de la planète.
Le développement et l'intégration régionale ont été négligés alors qu'ils auraient dû être le moteur de ces accords. Les rapporteurs, MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau, développeront l'analyse de ces accords et les conclusions que l'on peut en tirer.
Peut-on s'étonner que les pays ACP aient refusé l'option libérale imposée et que le président sénégalais Wade se soit fait, en 2007, leur porte-parole, au moment où l'on arrivait à la date limite fixée par l'OMC pour la signature de ces accords ?
Le Gouvernement français a, depuis toujours, soutenu une position plus respectueuse des intérêts des pays ACP. Vous avez, madame la secrétaire d'État, pris récemment l'initiative, avec M. Alain Joyandet, de demander à la Commission européenne de faire preuve de davantage de souplesse dans ses exigences de niveau de libéralisation et de plus d'attention au volet développement.
La proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes à la suite du rapport d'Hervé Gaymard et de Jean-Claude Fruteau mettait l'accent sur ces deux points essentiels. Pouvez-vous nous préciser votre démarche à ce propos ?
L'Europe et les pays ACP ne peuvent, en effet, se contenter des accords commerciaux intérimaires qui ont dû être signés dans l'urgence fin 2007 afin de maintenir les flux commerciaux avec certains pays ACP. Pour que les négociations progressent réellement vers des accords de partenariat économique et de développement, dans la durée, il serait nécessaire que le nouveau commissaire au commerce, Karel de Gucht, fasse preuve de clairvoyance. Espérons que son expérience en tant que commissaire au développement, même si elle fut de courte durée, lui sera profitable.
L'Europe joue sur ce terrain sa crédibilité à l'égard des pays en développement. Je voudrais d'ailleurs attirer l'attention de notre assemblée sur l'orientation plus générale qui semble être celle de la Commission européenne en matière de politique commerciale bilatérale et qui risque d'aggraver encore la perte de confiance que j'évoquais à l'instant. J'en veux pour preuve l'accord conclu en décembre 2009 sur la banane qui a certes mis un terme aux différends interminables au sein de l'OMC entre l'Union Européenne et les pays sud-américains producteurs de bananes, mais à quel prix ! Sur le fond, cet accord qui diminue les droits de douane sur les bananes « dollar » porte atteinte à l'équilibre des négociations sur les APE. Ce secteur est en effet un moteur des négociations car il s'agissait de défendre la préférence des pays ACP sur le marché européen. Les conséquences de cet accord seront encore accentuées par les accords de libre-échange que négocient actuellement la Commission européenne avec le Pérou et la Colombie.
La commission des affaires européennes a d'ailleurs donné un avis défavorable à cet accord sur la banane au cours de sa réunion du 9 mai, sur le rapport d'Hervé Gaymard.
De la même façon, alors que la conclusion des négociations commerciales multilatérales du cycle de Doha est sans cesse repoussée, les députés de cette commission s'inquiètent des conséquences de la reprise annoncée des négociations avec les pays du Mercosur. La commission des affaires européennes a adopté à ce sujet, il y a quelques jours, des conclusions défavorables au dégel de ces négociations en l'absence de garanties solides apportées aux agricultures européennes.
Comment, madame la secrétaire d'État, envisagez-vous de prendre en compte la position exprimée sur ce point par la commission ?
La France doit donc peser de tout son poids auprès des institutions européennes pour que la négociation sur des accords de partenariat économique équitables et favorables au développement et à l'intégration régionale coïncide avec une politique commerciale bilatérale soucieuse à la fois des intérêts européens et de ceux des pays en développement.
Il est essentiel que la nouvelle Commission européenne prenne en compte ces préoccupations politiques fondamentales. Le parlement européen, dont les compétences dans ce domaine ont été revalorisées par le traité de Lisbonne, doit être pour nous un allié essentiel.
Comment, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il prendre en considération ces préoccupations partagées sur presque tous les bancs de l'Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)