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Intervention de James Hansen

Réunion du 12 mai 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

James Hansen :

Au plan international, il n'y a pas d'évolution en faveur d'une taxe carbone. Comme je l'ai dit, nous avons besoin de pays qui se lèvent pour dire haut et fort ce qu'il en est réellement. Toutes les expériences montrent que les contingentements sont inefficaces. Avant le protocole de Kyoto, les émissions augmentaient globalement de 1,5 % par an ; après, de 3 %. Le mécanisme n'a pas d'impact sur les émissions mondiales. On a beau imposer un plafond quelque part, tant que les énergies fossiles seront moins chères ailleurs, elles seront utilisées. La plupart des économistes reconnaissent cependant qu'une taxe serait beaucoup plus efficace.

Pourquoi la Chine l'accepterait-elle ? Pour de très bonnes raisons. D'ailleurs, elle s'y prépare : elle investit massivement dans les énergies renouvelables et dans l'énergie nucléaire, afin d'être en mesure, en cas d'augmentation du prix du carbone, d'utiliser des énergies propres et même d'exporter des technologies propres. La pollution atmosphérique et aquatique est considérable, et suscite dans le public des réactions hostiles que les dirigeants politiques chinois ont du mal à endiguer. L'impact du réchauffement climatique sera sensible dans ce pays où 300 millions de personnes vivent dans des zones qui risquent d'être englouties. Je crois raisonnablement à un accord entre la Chine, les États-Unis et l'Europe. J'ignore quand les gouvernements en prendront conscience mais je pense que c'est inévitable. La Chine se prépare pour être en bonne position dans les négociations.

La façon dont la question de l'énergie nucléaire a été traitée au plan international est vraiment regrettable. Pour produire de l'électricité, il y a pour le moment deux grandes options : les combustibles fossiles et le nucléaire. L'efficacité énergétique devrait être en tête de la liste, puis viendraient le caractère renouvelable des énergies. Mais ces deux paramètres ne suffiront pas. Il est avéré que, même en subventionnant largement les énergies renouvelables, comme en Allemagne et en Espagne, elles ne produisent qu'une faible part de l'électricité consommée, malgré un prix élevé.

Si vous m'aviez interrogé il y a une dizaine d'années sur le problème des déchets nucléaires, j'aurais été gêné pour vous répondre. Aujourd'hui, je pense que le problème peut être résolu. Des technologies prometteuses sont apparues avec les centrales nucléaires de quatrième génération, et les réacteurs rapides qui permettent aux neutrons de tourner à une vitesse suffisante pour brûler l'essentiel des déchets. Avec les réacteurs à eau légère, les déchets produits conservent un volume important et une durée de vie très longue, mais, avec les réacteurs de la génération suivante, il est envisageable de brûler plus de 90 % du combustible et l'essentiel des déchets. Il existe donc des marges d'amélioration, notamment en trouvant la source d'énergie dans les océans, comme l'ont fait les Japonais. Cela tend à prouver que la ressource nucléaire est quasi inépuisable, à l'instar des énergies renouvelables.

Il est essentiel de comparer les avantages respectifs des différentes sources d'énergie. Or le charbon a fait beaucoup plus de victimes que l'énergie nucléaire. C'est à chaque pays de décider, mais, à mon avis, il est nécessaire que l'Inde et la Chine réduisent leur consommation de charbon en lui substituant du nucléaire. La Chine construit de nouvelles centrales nucléaires et l'Inde prévoit qu'en 2050, l'essentiel de sa consommation d'énergie sera d'origine nucléaire. Le nucléaire constituera donc dans l'avenir un facteur de l'énergie propre.

Ce que l'on peut appeler l'ignorance du grand public aux États-Unis justifie-t-elle une campagne sur le changement climatique ? Nous ne pourrons pas changer de politique sans que les populations en aient compris la raison. À cet égard, je suis extrêmement déçu du manque d'information claire délivrée au plus haut niveau. Ceux qui préfèrent que rien ne change ont réussi à semer le doute dans l'esprit du public. Mais le problème pourrait être surmonté si, par exemple, le Président des Etats-Unis demandait à l'Académie des sciences de publier un rapport sur l'état des lieux.

Il n'y a aucun doute possible : nous voyons que le climat évolue et nous savons qu'il dépendra à l'avenir des émissions humaines. Il est temps d'ouvrir le débat public et je suis déçu que l'académie fondée par Abraham Lincoln ne contribue pas à informer le public américain. Nous pouvons et nous devons faire mieux.

Quelle est la hausse de température acceptable ? Nous avons réalisé ces dernières années, grâce à une meilleure connaissance de l'histoire du climat et de la composition de l'atmosphère, qu'une hausse de la température de deux ou trois degrés Celsius – hausse qu'il y a dix ans encore, nous pensions possible sans conséquence dramatique – entraînerait une élévation catastrophique du niveau de la mer. Il est certain que cela se produira, même si l'on ne sait pas quand. Le niveau acceptable d'émissions de carbone doit se situer bien en dessous de 350 ppm pour stabiliser le climat à long terme.

Quant à l'intérêt de maintenir un système cap and trade, par réalisme, je n'y crois pas eu égard à son incapacité d'atteindre le niveau requis de réduction des émissions. Encore une fois, l'expérience a montré qu'il n'a pas contribué à réduire les émissions. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que le système d'échange soit maintenu, mais il faut fixer un mécanisme de prix du carbone à l'échelle mondiale, afin de parvenir à réduire les émissions dans des proportions appropriées.

À l'heure actuelle, l'aviation ne représente que quelques pour cent des émissions de carbone. Sa part augmente plus vite que les autres sources, mais il n'y a pas, pour le moment, de carburant alternatif au pétrole. Les avions pourraient sans doute utiliser des biocarburants, même s'ils ne sont pas très pratiques pour les voitures au quotidien.

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