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Intervention de James Jansen

Réunion du 12 mai 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

James Jansen :

S'agissant du marché du carbone, le système de cap and trade présente l'inconvénient d'être difficile à étendre au niveau mondial, puisque l'Inde et la Chine n'accepteront jamais de plafonnement. En revanche, ces pays ont toutes les raisons d'imposer un prix sur les émissions de carbone.

La Chine, par exemple, a énormément investi dans le nucléaire et elle est assez en avance dans le solaire et l'éolien. Pour disposer d'une énergie plus propre, la Chine a besoin que l'on impose un prix au carbone, sachant que cela lui permettra de réduire la pollution de ses eaux et de son environnement atmosphérique, lesquelles résultent des émissions de carbone. Si le combustible fossile reste le moins cher, il continuera d'être utilisé. Nombre d'indices laissent à penser que la Chine est prête à débattre de l'instauration d'une taxe carbone.

J'ai le sentiment que le système d'échange de droits, dont on parle beaucoup au sein du gouvernement américain, ne permettra pas d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de CO2 nécessaire pour stabiliser le climat.

Contrairement à la taxe carbone, qui présente l'avantage de la stabilité, le système d'échange de droits est, par essence, irrégulier. De plus, le prix actuellement pratiqué est trop bas pour avoir un impact réel sur le mode de vie. Toutefois, comme je l'ai dit dans mon introduction, pour que le public accepte une augmentation du prix du carbone, il faudra réinjecter tout ou l'essentiel des sommes recueillies. Il revient à ceux qui réduiront leur empreinte carbone de bénéficier du dispositif, en vue d'adapter leur mode de vie, par exemple en investissant dans des véhicules ou des maisons propres.

D'un point de vue théorique et sur la base des éléments empiriques dont nous disposons, le système de Kyoto est un système de plafonnement. Mais si vous instituez un plafond d'un côté et que, de l'autre, les combustibles fossiles restent moins chers, ils continueront d'être utilisés. De plus, le système ne peut réussir que si l'on institue un plafond mondial ; or c'est impossible.

En revanche, si l'Europe, les États-Unis et la Chine se mettaient d'accord sur le prix du carbone, un mécanisme mondial pourrait se mettre en place. Il serait alors possible de soumettre à des taxes à l'importation les produits fabriqués dans les pays dont la fiscalité serait dépourvue de taxe carbone, sachant que les règles de l'Organisation mondiale du commerce permettent déjà, sous certaines conditions, de procéder à ce type d'ajustement. Grâce à de telles taxes, les prix des produits en provenance de ces pays seraient équivalents à ceux des mêmes produits fabriqués aux États-Unis, en Europe ou en Chine. Je pense que la plupart des pays seraient d'accord avec la mise en oeuvre d'un tel dispositif.

Avec une taxe carbone qui augmente, les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire peuvent entrer en concurrence, de même que les technologies de capture et de stockage de carbone qui, à mon avis, n'ont pas un grand avenir. Par définition, la capture de CO2 nécessite une quantité substantielle d'énergie. Le prix de l'énergie électrique produite à base de charbon augmentera s'il faut capturer le carbone. S'ajouteront en outre les prix du transport et de stockage. Il restera aussi les autres problèmes liés aux mines. Nous devons plutôt aller vers d'autres sources d'énergie que le charbon si le prix des émissions de carbone augmente. Le charbon « propre » est, à mes yeux, un mirage. Néanmoins, on peut tout à fait le mettre en concurrence avec les autres systèmes. Le marché tranchera.

En ce qui concerne le sommet de Copenhague, ce n'est finalement pas plus mal qu'il n'y ait pas eu d'accord car la discussion portait sur un système d'échange de droits, de cap and trade, tout comme à Kyoto. Même si un accord avait été conclu, il aurait encore fallu dix ou quinze ans pour qu'il trouve à s'appliquer. De toute façon, certains pays ne l'auraient jamais accepté, comme l'Inde ou la Chine. Il vaut donc mieux prendre le temps de la réflexion pour envisager ce qui marche vraiment pour réduire les émissions au rythme nécessaire.

Les scientifiques peuvent aider à la fixation des objectifs et des échéances. Selon les évaluations, les gisements de charbon, de pétrole et de gaz contiennent des quantités considérables de carbone, de même que les combustibles fossiles non conventionnels. Leur combustion aurait des conséquences dramatiques, notamment la disparition de la glace, synonyme d'une élévation du niveau des eaux. Des incertitudes entourent le montant des réserves mais les conséquences de leur exploitation sont connues.

Le stockage naturel du CO2, c'est-à-dire dans les sols et la biosphère, participera à la solution globale. On peut s'appuyer sur deux chiffres fiables en ce qui concerne le cycle de carbone : les émissions de CO2 et l'augmentation des quantités contenues dans l'atmosphère. Or leur augmentation ne correspond qu'à 55 % des émissions de combustible fossile. Autrement dit, 45 % sont absorbés par les milieux naturels : les océans pour 25 %, et la biosphère – les forêts ou les sols – pour les 20 % restants. Les mécanismes ne sont pas très bien connus, mais les résultats sont encourageants. Si on arrive à réduire les émissions de carbone, le niveau de carbone dans l'atmosphère pourra tomber en dessous de 389 ppm, niveau actuel auquel on ne peut pas rester sans que la banquise disparaisse. Il s'agit d'un point de non-retour. Le changement climatique pèse sur des espèces naturelles déjà menacées par la disparition de leur habitat. Toutefois, il ne faut pas compter sur l'environnement naturel pour absorber tout le CO2 qui résulterait de la combustion des réserves d'énergies fossiles. Et c'est précisément pour cette raison qu'il ne faut pas les exploiter jusqu'à épuisement.

Vous m'avez interrogé sur le système d'échange de droits à polluer européen, l'Emissions Trading Scheme – l'ETS –, qui fait ressortir un prix peu élevé, et, corrélativement, sur la plus grande efficacité d'une éventuelle taxe. Je partage entièrement cet avis.

Si les évaluations des réserves de combustibles fossiles font apparaître des écarts très importants, c'est que la quantité restante dépend du prix. Si nous continuons à consommer les combustibles fossiles auxquels on accède facilement et si nous ne changeons pas le système énergétique, l'accroissement des prix poussera à trouver de nouvelles sources d'énergie. Ainsi, aux États-Unis, on obtient du gaz naturel par fracture de certains sédiments rocheux. Des recherches sont menées pour forer encore plus profond, dans des conditions extrêmes, et traquer le pétrole jusqu'à sa dernière goutte. À mon sens, c'est une impasse ! Les estimations divergent parce qu'elles reposent sur des approches économiques différentes, en fonction de la rentabilité de telle ou telle technique, et de l'évolution supposée des prix. On peut toujours trouver une technique pour produire toujours plus de charbon, quitte à détruire des montagnes entières, mais avec l'assurance que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants un climat complètement déréglé.

Pourquoi ne pas réunir les pétroliers et les climatologues pour qu'ils s'entendent sur les réserves ? De toute façon, il en reste largement assez pour détruire entièrement le climat actuel et nous ramener à l'ère holocène où la glace avait disparu de la surface de la Terre !

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