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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 11 mai 2010 à 15h00
Respect des valeurs républicaines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en 2003, à la suite de la mission d'information qu'avait présidée à l'époque Jean-Louis Debré, et après avoir auditionné près de 120 personnalités, notre assemblée affirmait par une disposition législative le principe de la laïcité au sein de l'école par l'interdiction de porter des signes religieux. Les travaux de la mission et les débats dans l'hémicycle s'étaient déroulés dans un esprit républicain, climat qui s'était d'ailleurs traduit par un vote presque unanime de cette assemblée.

Aujourd'hui, à peine sept ans après, nous abordons pratiquement la même question, concernant non plus l'école mais l'espace public. La question est en effet la même, celle de l'expression d'un intégrisme religieux qui, une fois de plus, utilise le sexe féminin, les femmes, les très jeunes filles, comme symbole de leur soumission à son autorité, contre les lois et les valeurs de la République.

Notre République est celle de la liberté de penser de chaque individu, celle de l'égalité entre nous tous, quel que soit notre sexe, quelles que soient nos origines, celle de la fraternité des êtres humains, unis dans un espace commun, cela a été souligné par chacun d'entre nous. Mais, j'insiste, notre République est aussi laïque, et c'est la laïcité qui donne du sens, du lien, à ces trois valeurs.

La laïcité est à la fois une éthique et un ensemble de règles juridiques relatives au fonctionnement de l'État et de ses services publics. La laïcité de la vie sociale réclame que tout ce qui touche au religieux soit du domaine du privé et donc individuel et facultatif, et que tout ce qui concerne la vie publique, civique, politique, soit préservé des influences religieuses et communautaristes.

Le projet de résolution qui nous est soumis affirme certes la dignité de la femme, les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, il laisse cependant peu de place au principe de laïcité qui a permis de solidifier notre démocratie. C'est l'affirmation de la laïcité qui a permis à toutes les religions de s'intégrer dans la société et non d'en être exclues. C'est bien l'affirmation de la laïcité qui nous protége des dérives communautaristes et des sectes.

Si nous abordons sous cet angle la question du partage de l'espace public, du vivre ensemble, nous ne stigmatiserons aucune religion, nous laisserons simplement la religion à sa juste place.

Aucune religion n'est laïque. Les croyants comme les athées peuvent l'être, pas les religions. La laïcité est le produit de notre histoire. Elle traverse notre démocratie depuis plus d'un siècle. Souvenons-nous des débats passionnés qu'elle suscita dans cet hémicycle : à cette époque, au début du siècle précédent, il ne s'agissait pas de l'islam. Toujours, nous devons réaffirmer ce concept.

Aujourd'hui encore, les penseurs, philosophes, intellectuels de tous bords, doivent se saisir de cette question, car il ne faut aucune espèce d'indulgence à l'égard de pratiques extrémistes qui résonnent comme une provocation et un défi à l'égard de la République.

Toujours en 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre, affirmait que voter une loi interdisant le port de signes religieux à l'école n'était pas souhaitable. Il parlait de sectarisme laïque. Selon lui, les religions auraient contribué à la stabilisation de la République, elles n'en auraient jamais été l'ennemi. Ce ne sont pas les religions qui font les guerres, disait-il, mais les extrémistes qui dévoient la religion. Il affirmait préférer la jurisprudence du Conseil d'État avec la souplesse qu'elle permet, et donc ses difficultés d'interprétation, à une loi qui serait brutale avec un risque de radicalisation.

Que s'est-il passé entre-temps ? Si j'ai bien compris, la loi que vous allez bientôt nous proposer prend en effet un chemin contraire et ne tient pas compte de l'avis du Conseil d'État. Sept ans après, une fois de plus, ce ne sera pas la loi qui sera brutale, mais bien ce même intégrisme religieux : Élisabeth Badinter l'a excellemment démontré lors de son audition, et je n'y reviendrai pas.

Votre proposition de résolution va dans le bon sens, et nous la voterons, mais elle oublie de rappeler ce qui fonde justement notre République, la laïcité, composante essentielle du vivre ensemble. Seule une loi affirmant ces valeurs républicaines et ce principe de laïcité, sans stigmatisation d'aucune religion, peut répondre aux fondamentalistes, car leurs pratiques ne sont ni respectables, ni respectueuses des droits des hommes comme des femmes.

Retrouvons de la sérénité dans nos débats, envoyons un message de respect et de tolérance à toutes les religions comme aux athées. Aujourd'hui, je pense aux musulmans de France, particulièrement stigmatisés depuis le début de cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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