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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 11 mai 2010 à 15h00
Respect des valeurs républicaines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, loin d'être anodin, ce débat sur le port du voile intégral pose la première pierre d'un processus législatif destiné à réagir au développement de pratiques qui font fi des valeurs de la République, parmi lesquelles le port de tenues visant à dissimuler le visage dans l'espace public.

Notre assemblée s'est donc saisie de cette question. Créée le 23 juin 2009, la commission Gerin a mené un véritable travail de fond, défriché le terrain et multiplié les consultations avant de remettre son rapport, le 26 janvier dernier. Puis cette réflexion a été prolongée par un rapport du Conseil d'État sur un éventuel texte de loi.

Ce processus se poursuit aujourd'hui par la discussion de la présente proposition de résolution, qui entend adresser un message hautement symbolique en condamnant le port du voile intégral, considéré comme contraire aux valeurs et aux lois fondamentales de la République. Loin de tout clivage partisan, il s'agit de rappeler l'attachement de notre assemblée au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques qui leur portent atteinte.

L'idée républicaine de citoyenneté, fondée sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité, pourrait-elle s'accommoder d'une pratique intransigeante qui vise à déshumaniser et à exclure la femme ? Bien évidemment, pour les radicaux de gauche, qui portent en eux l'héritage républicain, laïc et humaniste, la réponse est sans ambiguïté : le port de tenues permettant de dissimuler son visage dans l'espace public ne saurait être admis.

C'est en effet sur nos principes constitutionnels et sur nos engagements internationaux relatifs aux droits de l'homme qu'il convient de fonder juridiquement l'interdiction générale de recouvrir entièrement ou essentiellement son visage dans la sphère publique.

Tout d'abord, le principe de laïcité, auquel les radicaux sont viscéralement attachés, implique la neutralité de l'espace public afin que chacun puisse y coexister en harmonie avec l'autre.

La pratique vestimentaire du voile intégral ne relève pas de la liberté de culte : elle n'est nullement une prescription religieuse, mais bien une interprétation abusive des textes religieux, qui peut être apparentée à une dérive sectaire.

Le président du Conseil français du culte musulman a lui-même déclaré, lors de son audition par la commission, avoir pris position contre le port du voile intégral, qu'il ne considère pas comme une prescription religieuse, mais bien comme une pratique minoritaire, et a précisé qu'il s'agit d'une pratique extrême dont il ne souhaite pas qu'elle s'installe sur le territoire national.

À ceux qui prétendent que cette résolution risque de stigmatiser la population musulmane, je leur réponds qu'ils pratiquent eux-mêmes l'amalgame qu'ils prétendent dénoncer. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En effet, les quelques extrémistes qui imposent le port du voile intégral doivent être clairement et fermement distingués de l'immense majorité des musulmans français, qui y sont opposés et qui appartiennent pleinement à notre communauté, la République.

Il faut également fonder l'interdiction sur le respect du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Bien souvent imposé aux femmes, le port du niqab ou de la burqa porte en effet gravement atteinte à la dignité de la femme ; il représente une soumission de son identité, une négation totale de sa citoyenneté.

Je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel a fait de la sauvegarde de cette dignité un principe à valeur constitutionnelle, issu du préambule de la Constitution de 1946. Ce principe a également été consacré par la Cour européenne des droits de l'homme, pour qui la sauvegarde de la dignité humaine constitue, avec la liberté, l'un des fondements de la Convention.

Isoloir social ou prison ambulante, le voile intégral conduit tout droit les femmes concernées à se retrancher du champ social. Cette exclusion et ce repli sur soi sont fatalement incompatibles avec l'esprit même de la République, fondé sur le désir partagé de vivre ensemble.

Parce qu'il traduit une conception profondément inégalitaire des rapports entre les deux sexes, le port du voile intégral constitue en outre une discrimination contraire au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Loin de réduire la liberté, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui est donc un texte qui libère.

Enfin, il convient d'asseoir l'interdiction générale de toute tenue ou tout accessoire masquant le visage sur un fondement juridique solide : l'exigence de sûreté publique, droit naturel et imprescriptible de l'homme.

Au-delà des débats actuels, ces éléments ne devront pas être occultés lors de la discussion du projet de loi que vous nous présenterez, madame la garde des sceaux, et qui ne devra pas être examiné dans l'urgence, mais, au contraire, être patiemment élaboré et débattu dans la plus grande sérénité.

En outre, cette discussion ne pourra avoir lieu indépendamment d'une réflexion sur la lutte contre les discriminations et la refonte nécessaire à une véritable égalité des chances. En effet, il faut le reconnaître, le modèle républicain est en panne dans la France d'aujourd'hui.

Loin des manifestations de chauvinisme et des dérapages constatés lors du sinistre débat sur l'identité nationale, c'est sur les valeurs de libertés – au pluriel –, d'égalités – également au pluriel –, de fraternité, de laïcité et sur le vivre ensemble que repose aux yeux des radicaux l'identité républicaine.

Cela dit, il convient pour l'heure de parvenir au consensus le plus large possible sur cette proposition de résolution. À travers ce texte purement symbolique, la représentation nationale se doit en effet d'adresser à nos concitoyens un message fort d'union et de rassemblement autour des valeurs de la République.

C'est pourquoi, vous l'aurez compris, les députés radicaux de gauche approuveront ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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