Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la France est une République, tout en étant, depuis longtemps, mais aujourd'hui plus encore qu'auparavant, une terre d'immigration.
Elle est de ce fait confrontée à ce qui apparaît désormais comme un véritable défi : faire en sorte qu'une partie de ceux qui ont acquis la nationalité française partage ses valeurs. Il s'agit bien là d'un défi : les symboles de notre nation font, depuis plusieurs années déjà, l'objet d'outrages répétés – Marseillaise sifflée, drapeau brûlé et souillé, pour ne citer que quelques-uns des exemples les plus scandaleux.
La tentative d'imposer la burqa dans notre espace public constitue une étape supplémentaire d'une démarche communautariste et intégriste qui met en cause l'un des principes fondamentaux de notre République : l'égalité des citoyens – mais aussi le respect de leur mode de vie.
Cette offensive n'est le fait que d'un très petit nombre, qui instrumentalise à des fins politiques une religion dont la très grande majorité des croyants ne demande qu'à vivre en paix au sein de la République.
Il s'agit bien d'un détournement et d'une manipulation de la religion musulmane, qui repose sur les préceptes d'une intégration librement consentie. Dans l'un de ses hadith, le Prophète ne dit-il pas aux croyants : « Si vous êtes de passage dans un pays étranger, à partir du quarante et unième jour, vous devez obéir aux lois de ce pays. Si vous êtes résident permanent dans un pays étranger, c'est dès le premier jour que vous devez obéir aux lois de ce pays, à savoir accomplir vos devoirs et bénéficier de vos droits » ?
Sans doute ce hadith fait-il formellement référence aux lois du pays où vit le musulman, et non à ses moeurs. On peut en tout cas, si l'on s'en tient à son esprit, considérer que le vote d'une loi sur le port de la burqa ne lui serait pas contraire.
Du reste, les représentants du Conseil français du culte musulman, comme les plus hautes autorités spirituelles de l'islam sunnite, ont proclamé que le port du voile intégral n'était pas une prescription coranique.
Il est particulièrement remarquable que ceux qui, parmi nos esprits éclairés, ne comprendraient pas que l'on s'oppose au port de la burqa invoquent l'une de nos valeurs fondamentales, le respect de la liberté individuelle. Ce faisant, ils ne semblent pas gênés de bafouer d'autres valeurs, au moins aussi importantes : le droit à la sécurité et le respect de la dignité de la femme. Nous retrouvons là une difficulté constante à faire coexister les valeurs auxquelles nous sommes attachés, que Saint-Just exprimait de manière lapidaire en s'écriant : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! »
Il ne faudrait pas, en tout cas, que l'affirmation des droits de l'homme, le respect des libertés individuelles, la tolérance et la laïcité et, plus généralement, les principes inscrits dans le préambule de notre Constitution nous empêchent de défendre nos valeurs. Il n'est que temps d'affirmer notre identité par un geste politique fort et symbolique. L'interdiction du port du voile intégral nous en donne l'occasion.
Elle nous conduit également à rappeler que le droit est dit par le politique, expression de la souveraineté populaire, et que, par conséquent, une conception statique de l'État de droit ne doit pas entraver l'affirmation de nos valeurs, lesquelles n'ont d'autre ambition – mais elle n'est pas négligeable – que de faire vivre ensemble dans la fraternité tous les citoyens français, quelle que soit leur religion.
J'ajouterais volontiers que nous y parviendrions plus facilement si les Français aimaient un peu plus leur pays, à l'image d'autres peuples qui préservent leur patrie en ces temps de mondialisation. Alain Finkielkraut ne disait pas autre chose lorsqu'il s'exclamait : « Il sera difficile d'intégrer des gens qui n'aiment pas la France dans une France qui ne s'aime pas ! » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)