Certes, il serait déplacé d'établir une hiérarchie entre les humiliations et les violences infligées aux femmes ; mais la « consternation unanime » évoquée dans l'exposé des motifs à propos du voile intégral doit s'étendre à toutes les pratiques qui portent atteinte à la dignité et à l'intégrité de l'esprit comme du corps – je songe par exemple à l'excision.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la montée en puissance d'une pratique tout à fait marginale au sein de l'islam et condamnée par le Conseil français du culte musulman. Cette pratique est contraire à l'idée que nous nous faisons de la dignité et de la liberté de la femme. Elle nous surprend et nous choque, car elle supprime toute rencontre avec l'autre, avec son visage.
Emmanuel Levinas, qui a livré une réflexion essentielle sur le visage, écrit : « Le visage de mon prochain est une altérité qui ouvre l'au-delà. » « Confronté à autrui, je ne suis plus un simple spectateur du monde. Dans cette rencontre de l'autre, toujours singulière, dans cette présentation d'un visage, désarmé et désarmant, se joue l'essentiel, l'absolu. Je dois apprendre à chaque fois que je ne suis pas seul au monde, et cela, seul autrui peut me l'apprendre. Je ne suis pas seul au monde, cela signifie que le monde n'est pas tout simplement mien, mon monde, ou qu'il ne l'est que dans la mesure où je peux l'offrir, le partager avec l'autre. On ne peut aborder le visage de l'autre, soutenir son regard, les mains vides. »