Cette femme s'expose, elle se manifeste. Ce faisant, elle incarne l'un des principes majeurs de la vie en démocratie. Sous ce régime exigeant, le citoyen a le devoir de se manifester dans l'espace public, de dire ce qu'il est, de dénoncer les injustices dont il s'estime victime, d'exposer ses attentes. Cela ne va pas sans conflit, mais, comme l'écrivait Montesquieu, « toutes les fois qu'on verra tout le monde tranquille dans un État qui se donne le nom de République, on peut être assuré que la liberté n'y est pas ».
Face au voile intégral, nous ressentons un malaise ; nous nous arrêtons et regardons, intranquilles, passer ce grand morceau de mauvais drap. Est-ce là le trouble qu'attendait Montesquieu, cette manifestation-là à laquelle Marianne nous invite ? À ces deux questions, je réponds par la négative.
Que manifeste la porteuse du voile intégral ? De quoi cet objet est-il le signe ? Les motivations de cette pratique sont nombreuses, nos travaux au sein de la mission d'information l'ont assez démontré. Néanmoins quelle que soit leur diversité, le résultat seul importe : ce que nous voyons se manifester, c'est la soumission des femmes et le rejet de la République. Marianne et le voile intégral expriment des conceptions du monde très opposées.
Les défenseurs du voile intégral nous parlent de pudeur. En démocratie, la pudeur consiste à considérer l'autre avant d'agir, de manière à ne rien faire qui puisse le gêner au-delà du sens commun. Dans notre pays, aller le visage découvert est encore la meilleure façon de passer inaperçu. Allez sous un voile intégral, tout le monde vous regardera, tout le monde vous jugera !
Que la porteuse manifeste sa foi, c'est à la fois vrai et faux. Vrai, elle manifeste sa foi ; faux, c'est un vêtement qui manifeste à sa place. Elle, elle a disparu, elle n'est plus rien, et certainement pas une femme pieuse que tout passant pourrait identifier comme telle. La femme s'est éteinte sous la foi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
Je voterai cette résolution. Elle rappelle tous les principes de la République. Celle-ci repose sur le primat de l'individu, la supériorité de ses droits sur les droits que certaines communautés s'arrogent pour soumettre leurs membres et leur dicter leur façon de penser et d'agir.
Qui, en France, aujourd'hui, connaît la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Qui est en mesure de dire ce qu'est une République ? Je ne crois pas que les femmes portant un voile intégral le sachent et le puissent, sinon elles n'abandonneraient pas une vie libre pour la vie d'une esclave.
Cette résolution devrait marquer la première étape d'un effort commun, d'un retour sur soi opéré par la République. Au sein de la mission, nous nous étions accordés sur la nécessité d'enseigner la démocratie à nos enfants, pour éviter le développement des pratiques discriminatoires, du communautarisme, du déni de solidarité.
Je ne me fais pas d'illusion sur ce moment solennel. Je m'en fais d'autant moins que cette résolution a perdu de sa portée, comme nos travaux de leur sérénité, par l'intervention constante d'éléments extérieurs qui ont perturbé, de leurs invectives et déclarations péremptoires, la recherche de consensus à laquelle nous oeuvrions. Je ne parlerai pas des débats sans rapport sur l'identité nationale et les minarets suisses. Ils se reconnaîtront, ceux qui, depuis le début, sans respect pour leurs collègues, c'est-à-dire pour le peuple français, agitent le voile intégral dans les médias, promettent une loi, invoquent l'urgence. La loi, l'interdiction, il n'a plus été question que de cela. Cette attitude dégrade notre parole.
Par la résolution, nous demandons aux Françaises et aux Français de renoncer à une pratique ridiculisant la liberté, violant le principe d'égalité, reniant toute idée de fraternité. Nous le demandons en cherchant à la comprendre, pour donner au malaise dont elle témoigne un autre débouché.
Ne serait-ce que pour cela, je m'oppose à l'interdiction générale du port du voile intégral dans l'espace public. Elle n'agirait que sur les conséquences du phénomène, pas sur ses causes : l'absence d'éducation civique, la ghettoïsation d'une part croissante de la société, la persistance des discriminations, l'inculture et l'ignorance d'une jeunesse sans repère. Le voile intégral est le fruit de tout cela. Ce n'est pas en supprimant un par un les symptômes d'une maladie qu'on la soigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)