Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Colette Le Moal

Réunion du 11 mai 2010 à 15h00
Respect des valeurs républicaines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Le Moal :

Regrets quant au fond car, au gré des négociations qui ont mené à la rédaction du présent texte, un élément à nos yeux essentiel en a disparu : la référence explicite faite au vivre-ensemble républicain.

Il ne s'agit pas là, mes chers collègues, d'une simple question de principe.

Passé le vote de cette résolution, il nous faudra pousser le débat à son terme et légiférer pour mettre en conformité les discours et les actes. Or, nous le savons – le Conseil d'État l'a d'ailleurs rappelé dans son avis rendu à la demande du Premier ministre – la voie qui mène à l'interdiction générale du voile intégral est étroite et juridiquement fragile.

En effet, si le constituant est souverain dans notre ordre juridique, le législateur, pour sa part, ne l'est que partiellement, dans la mesure où ses travaux font l'objet d'un contrôle de la part du juge constitutionnel, contrôle s'opérant aussi bien a priori, lorsqu'un projet de loi lui est soumis préalablement à son entrée en vigueur, qu'a posteriori, depuis la possibilité ouverte, voici quelques semaines, d'invoquer la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à nos concitoyens de contester devant la justice la constitutionnalité des lois qui leur sont opposées.

Les travaux de la mission d'information comme ceux du Conseil d'État ont montré que la difficulté réside dans le fait qu'une interdiction générale du voile intégral, mesure que nous soutenons, se trouve aux carrefours de plusieurs principes ayant valeur constitutionnelle : la garantie des libertés individuelles, qui, selon certains, peut aller jusqu'à accepter certaines formes d'asservissement volontaire ; l'égalité entre hommes et femmes ; mais aussi la préservation de la dignité de la personne humaine, des divergences significatives existant du reste autour de cette notion entre la jurisprudence des juridictions françaises et celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

Certains principes sont moins souvent mis en avant, bien qu'ils nous semblent juridiquement plus prometteurs. Je pense notamment à la préservation des droits des tiers, traduction juridique de cette notion de vivre-ensemble républicain qui veut que chacun soit, en République, à même d'identifier ou de reconnaître la personne avec qui il échange, discute ou entre en contact. Ce droit des autres doit être respecté lui aussi.

C'est en ce sens, mes chers collègues, que nous regrettons l'absence d'une référence claire et explicite à la notion de vivre-ensemble.

Sur un sujet d'une telle prégnance, ne négligeons pas les effets dévastateurs qui accompagneraient immanquablement une censure de la part du juge constitutionnel. Ce ne serait pas alors la défaite d'un camp contre un autre, mais bien plus, un camouflet pour la République.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le débat que nous aurons ici même dans quelques semaines revêtira bel et bien une importance cruciale. Passé le vote de cette résolution, il nous appartiendra de définir ensemble les contours d'un texte juridiquement viable pour que, sur cette question du voile intégral, valeurs et principes républicains coïncident enfin avec le droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion