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Intervention de Colette Le Moal

Réunion du 11 mai 2010 à 15h00
Respect des valeurs républicaines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Le Moal :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues : « La burqa ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n'est pas l'idée que la République française se fait de la dignité des femmes. » Tels étaient, voilà près d'un an, les mots du Président de la République lorsque, devant le Parlement réuni en Congrès, il avait invité notre assemblée à poursuivre la démarche dans laquelle elle s'était engagée en créant, autour de nos collègues André Gerin et Éric Raoult, une mission d'information sur la pratique du port du voile intégral sur notre territoire national.

C'est un fait, quand bien même il s'agirait en France d'un phénomène encore marginal, le port du voile intégral interpelle depuis de longs mois les responsables politiques de gauche comme de droite. Avec eux, c'est une large majorité de Français, quelle que soit par ailleurs leur sensibilité politique, qui s'interrogent sur les réponses qui doivent y être apportées.

Avec cette proposition de résolution, nous abordons aujourd'hui l'ultime étape d'un débat engagé depuis en réalité bien plus d'un an, après que l'unanimité s'est faite, au sein de notre mission, pour dire combien le port du voile intégral s'oppose à nos valeurs communes, à ces valeurs parmi les plus intangibles et les plus fondamentales de notre République.

En cet instant, il nous appartient donc avant tout de mesurer la responsabilité, qui est celle de la représentation nationale tout entière, de répondre à cette pratique, de répondre à ceux qui, dans notre pays, s'estiment en droit d'asservir des femmes en leur imposant ce qui n'est rien d'autre qu'une véritable mort sociale, pour leur adresser le message unanime d'une République rassemblée et confiante en la force de ses valeurs comme en celle de son idéal.

Pour autant, mes chers collègues, nous ne sommes pas aujourd'hui réunis dans cet hémicycle pour légiférer ou définir les contours juridiques de cette réponse, mais bien pour proclamer et faire vivre cet idéal républicain qui tous ici nous rassemble.

La révision constitutionnelle de 2008 a ouvert aux assemblées parlementaires la possibilité de voter des résolutions. Ce faisant, notre assemblée s'est ainsi vue doter d'un moyen, qui lui était refusé depuis 1958, de s'exprimer solennellement sur une question en formalisant sa position par le vote d'un texte.

Ne nous y trompons pas, avec la discussion de cette résolution, nous nous trouvons donc bien sur le terrain des symboles. Aujourd'hui, c'est d'abord à ces femmes que nous nous adressons, à toutes celles qui, sur notre territoire, subissent la loi du voile intégral, mais aussi à toutes celles qui, de par le monde, luttent durement encore pour la reconnaissance de leurs droits.

C'est pour elles qu'il nous faut à présent renouer avec l'extraordinaire incandescence des premières lignes du Préambule de 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Oui, mes chers collègues, le port du voile intégral est bel et bien une pratique aux antipodes de nos valeurs républicaines.

Certes, le port du voile intégral interroge, en apparence, d'abord notre conception de la laïcité. Si la République reconnaît à chacun la liberté de culte, sous réserve que celle-ci ne trouble pas l'ordre public, au nom du principe d'égalité, nul ne peut se prévaloir de son appartenance communautaire ou religieuse pour s'affranchir des règles communes.

Ne mélangeons cependant pas, mes chers collègues, la question du voile intégral avec celle des signes religieux portés à l'école. Il ne s'agit pas aujourd'hui de protéger la neutralité de la République, celle de ses institutions comme celle de ses agents, car elle n'est pas en cause. Ce dont il s'agit en réalité, c'est bien d'une pratique observée dans l'espace public par des personnes qui y sont libres de leurs opinions. Ce n'est donc pas de laïcité qu'il s'agit et c'est pourquoi toute réflexion placée dans cette perspective ne pourrait immanquablement qu'achopper.

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