Vous dites, monsieur le ministre, que la stratégie culturelle de la France était très imprécise mais le texte ne dissipe pas le flou artistique, au risque de décevoir. On a l'impression que vous n'avez pas osé. Il aurait fallu donner non seulement de la cohérence à l'ensemble en jouant sur la complémentarité, mais aussi une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d'action culturelle des ambassades et aux 144 centres culturels français à l'étranger. Or le sentiment prévaut que vous êtes pressé par Bercy qui fait de l'action extérieure de la France, comme de la culture en général, une variable d'ajustement budgétaire. Le corps diplomatique ne veut pas non plus perdre son pouvoir, si bien que le texte rend encore plus illisible l'action du réseau culturel français.
Quelles sont les dispositions du texte qui précisent qui doit faire quoi, avec qui et comment ? Comment se coordonnera l'action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles seront les relations avec les Alliances françaises qui, j'en suis bien d'accord, ne doivent pas être intégrées à l'ensemble ? Les déclarations d'intention ne suffisent pas, il faut des outils. L'article 6 du projet assigne notamment comme mission à l'Institut français « la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ». Et l'AEFE dans tout ça ?
Pourquoi attendre trois ans, et un énième rapport sur la diplomatie d'influence pour envisager de rattacher le réseau culturel de la France à un établissement public contribuant à l'action extérieure ? Vous invoquez la difficulté technique, mais elle subsistera dans trois ans. Le rapporteur a lui-même proposé d'ouvrir le chantier en procédant à des expérimentations. L'opération permet de mieux masquer le désengagement considérable de l'État et la baisse de 20 % ces trois dernières années des financements du réseau culturel est indéniable. Des programmes ont été arrêtés et les 750 000 euros prévus pour la modernisation des médiathèques ont été supprimés. L'action culturelle extérieure croule sous le poids de la diplomatie tout en perdant ses moyens. Les augmentations dont vous vous prévalez sont insuffisantes, vous le reconnaissez vous-même.
La création d'un EPIC est un signe avant-coureur du désengagement financier de l'État, mais aussi de son désengagement politique – un EPA permettrait aussi bien de faire fonctionner des billetteries –, et de la marchandisation de la culture. L'État est en permanence en retrait. En outre, le statut d'EPIC ne permettra pas d'intégrer dans des conditions satisfaisantes les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Le texte permet en fait de retarder les échéances.
Je conclus sur la dénomination. Victor Hugo continue de nous intéresser, ne serait-ce que parce que nombreux sont les pays à avoir choisi de donner un visage à leur culture : Goethe, Cervantès, Camões, Confucius, Adam Mickiewicz,… Les valeurs d'humanisme portées par Victor Hugo serviraient la France. André Schneider peut témoigner que je défends la belle idée de la francophonie mais je trouve qu'« Institut français » fait un peu franchouillard et je préfère Victor Hugo.