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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 4 mai 2010 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur de la Commission des affaires étrangères :

Ce projet de loi est important par son contenu, que vous avez, monsieur le ministre, exposé avec détail et conviction, mais surtout pour ce qu'il recèle : les rendez-vous fixés dans les prochaines années en font une loi « évolutionniste », en devenir, pour différents aspects dont celui de l'agence culturelle extérieure. En outre, l'application du texte dépendra fortement, comme toujours, du facteur humain : le président de la nouvelle agence aura un rôle très important pour imposer l'établissement dans un paysage administratif et politique par nature mouvant.

Deuxième remarque, ce texte est très réglementaire. Même dans sa version primitive, beaucoup de dispositions ne sont pas forcément d'ordre législatif. Cela dit, chacun doit balayer devant sa porte : nous sommes toujours tentés d'introduire des dispositions réglementaires dans un texte législatif.

Enfin, comme le président Axel Poniatowski, je regrette l'engagement de la procédure accélérée. Qu'un texte aussi important ne fasse l'objet que d'une lecture et d'un examen en commission mixte paritaire, cela me semble un peu hâtif. Il nous faudra accomplir en commission et en séance publique un travail extrêmement minutieux et rigoureux : le diable se cache dans les détails !

Le projet concerne trois politiques publiques. La première est la politique culturelle extérieure de la France, qui existe, dans sa forme moderne, au moins depuis la fin du XIXe siècle. La deuxième est la politique de l'expertise publique et de la coopération internationale. La troisième est celle de l'attractivité de notre enseignement supérieur sur le marché international de la formation : la nécessité d'attirer dans nos universités, nos écoles et nos instituts de formation des étudiants boursiers et solvables.

S'agissant de la création de l'agence culturelle extérieure, vous avez exposé les différentes configurations possibles. Je salue, à cet égard, le pragmatisme du projet. C'eût été en effet une erreur de vouloir fusionner les services de l'État et les Alliances françaises, dont le statut est le plus souvent de droit local, alors qu'il faut développer les synergies existantes.

Pour ce qui est de l'intégration totale du réseau des centres et instituts culturels dans l'Agence, certains souhaitent que les choses aillent plus vite, d'autres, plus conservateurs, souhaitent qu'elles restent en l'état. La démarche du Gouvernement – construction de l'agence au niveau national, labellisation homogène partout dans le monde, absence de fusion dans un premier temps mais clause de rendez-vous – me semble tout à fait pragmatique et intéressante, à condition que nous sachions où nous allons. En ce sens, je proposerai par amendement que l'on procède à des expérimentations réversibles dans des pays cibles afin d'évaluer les effets avant le délai de trois ans prévu dans le texte.

Par ailleurs, je salue l'effort consenti en matière de formation des personnels et de sélection des candidatures, qui permettra une plus grande professionnalisation des agents.

Il convient ensuite de souligner l'importance des politiques d'expertise publique et de renforcement de l'attractivité de la France auprès des étudiants étrangers.

La politique d'expertise publique se situe dans un « angle mort » de notre stratégie d'influence, non qu'il ne se fasse rien – nombre d'organismes publics et de sociétés privées accomplissent un travail remarquable – mais le rapport de M. Nicolas Tenzer a bien montré que nous perdons des parts de marché, qu'il s'agisse de celui des appels d'offres des organisations internationales – en particulier de la Banque mondiale et des banques régionales de développement – ou du marché privé. Cela rend d'autant plus nécessaire une vraie politique publique dans ce domaine.

Même nécessité en ce qui concerne l'attractivité de la France auprès des étudiants étrangers. La création de CampusFrance en 2007 a constitué un réel progrès. Je rappelle que plusieurs ministères et institutions sont concernés : outre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, celui de l'intérieur – pour la question de visas –, mais aussi les universités, devenues entre-temps autonomes, et les collectivités territoriales, qui ont un rôle considérable pour l'hébergement des étudiants français et étrangers et qui attribuent également des bourses.

Cela dit, la création de cette nouvelle agence soulève une véritable interrogation. Rassembler dans un même établissement le volet de l'expertise internationale et celui de l'attractivité en matière d'enseignement et de recherche ne me semble pas une bonne solution car ce n'est pas le même sujet. Je comprends bien que Bercy est à vos trousses, que la RGPP impose des économies d'échelle, des fonctions communes, etc., mais je pense néanmoins que c'est une erreur en termes d'efficacité.

Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen des amendements. Sans doute peut-on imaginer un établissement public « chapeau » assurant les fonctions horizontales de gestion du personnel, des locaux, de l'hébergement, etc., mais il faut très clairement distinguer les deux politiques publiques. Deux marques existent déjà : France Coopération internationale et CampusFrance, elles ont maintenant une certaine notoriété et ce serait une erreur de les abandonner au profit d'un acronyme qui restera ignoré de tous.

Dernière remarque d'ordre général : dans tous ces domaines, le ministère des affaires étrangères ne peut que travailler avec les partenaires concernés : le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale – dont est issue une part non négligeable des agents des instituts culturels français – pour l'agence culturelle extérieure ; l'ensemble des ministères intervenant sur le marché de l'expertise et de la coopération internationales, mais aussi le secteur privé, pour ce qui est de l'expertise. Il faut affirmer clairement qu'il n'y aura pas de distorsion de concurrence aboutissant à évincer des sociétés d'ingénierie privées. En effet, certaines d'entre elles s'inquiètent des « dérives » que le texte pourrait permettre. Pour ce qui concerne les étudiants, il conviendra de travailler en confiance et en coresponsabilité avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, avec les trois conférences (celle des présidents d'universités, celle des grandes écoles, celle des directeurs d'écoles d'ingénieurs), et avec les collectivités territoriales.

Enfin, si nous comprenons bien l'inspiration des dispositions du titre IV, relatives aux opérations de secours à l'étranger, nous souhaiterions obtenir une précision : le 22 juillet 2009, c'est-à-dire le jour de l'adoption du présent projet de loi en Conseil des ministres, une loi « de développement et de modernisation des services touristiques » était promulguée. Les dispositions que le Gouvernement nous propose aujourd'hui semblent présenter certaines redondances avec ces dispositions législatives déjà applicables. Un peu de toilettage ne serait peut-être pas superflu afin que nous légiférions à bon escient.

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