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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 4 mai 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Soit, les remue-méninges... afin de mieux répondre aux appels d'offres des organisations internationales et développer ainsi notre influence auprès de ces organismes de recherche.

Deuxièmement, il permet de recruter nos experts non seulement parmi les fonctionnaires et les agents des trois fonctions publiques, mais aussi parmi les fonctionnaires des pays membres de l'Union européenne, et les agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public. L'objectif est de gagner en réactivité. Lorsque j'étais au Kosovo, ce qui faisait la supériorité de l'offre britannique ou allemande en matière d'expertise, c'est que les experts, venus du privé ou du public, étaient sur le terrain au bout de quinze jours, restaient quelques semaines ou quelques mois et n'étaient pas pénalisés à leur retour, bien au contraire. La diversification des modes de recrutement nous permettra, à notre tour, d'être plus réactifs.

Troisièmement, le texte permet de redéfinir le principe et les conditions de durée des missions. Elles seront limitées à trois ans renouvelables une fois, afin que les experts se retrouvent régulièrement à exercer dans leur coeur de métier. Il clarifie également le statut des experts à l'issue de leur mission de coopération. Les périodes d'exercice seront assimilées à des périodes de service public, et seront comptabilisées dans les années d'ancienneté indispensables pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques. Dans le domaine de l'expertise médicale, par exemple, ne pas trouver sa place prise lorsque l'on revient constituerait une révolution !

Ce statut rénové de notre expertise internationale offrira un cadre d'action efficace pour notre nouvel opérateur de l'expertise et de la mobilité qui sera chargé d'animer cette politique stratégique et d'entretenir un vivier d'experts réactifs et compétents.

Le titre III du projet de loi crée l'allocation au conjoint. C'est une revendication très ancienne des conjoints de nos personnels. L'allocation sera désormais versée directement aux conjoints des agents expatriés, c'est une avancée sociale importante. Le « supplément familial » prévu par le décret du 28 mars 1967, était versé à l'agent. Son périmètre reste inchangé : l'allocation s'appliquera aux conjoints n'exerçant pas d'activité professionnelle ou ayant des revenus professionnels limités. Elle sera attribuée aussi bien aux conjoints qui restent en France qu'à ceux qui s'expatrient.

Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace un élément de rémunération de l'agent par une allocation au conjoint – en toute neutralité budgétaire – n'en est pas moins d'une grande portée pour les familles d'agents expatriés. Elle doit apparaître comme le premier pas vers la création d'un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses voeux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007 et que j'entends mettre en oeuvre.

Pour finir, je voudrais dire un mot du titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l'État à l'occasion des opérations de secours à l'étranger.

La question est délicate : nos compatriotes sont attachés au secours apporté par l'État, fût-ce à l'autre bout de la planète. Mais cette mesure est nécessaire et elle sera très certainement bien comprise. Je rappelle qu'il n'existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l'État envers ses ressortissants à l'étranger, en dehors de l'assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne, qui est d'une portée très limitée. Il y va du respect de la souveraineté des États où ces opérations de secours peuvent être nécessaires.

Nous faisons bien sûr le maximum pour aider nos compatriotes en difficulté. L'efficacité du centre de crise que nous avons créé est reconnue par tous.

Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s'exposer à un danger immédiat, dans des pays notoirement dangereux et déconseillés – en particulier dans la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère, très largement consultée – où ils séjournent pour leur loisir ou dans le cadre de leur activité professionnelle. Ces personnes secourues ne se voient pas réclamer le remboursement des frais qui sont engagés en raison d'une conception exorbitante de la gratuité des secours qui n'a pas d'équivalent à l'étranger !

Les professionnels du tourisme, des transports et de l'assurance sont eux aussi tentés de s'en remettre à l'État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n'est pas véritablement constituée. Ce fut le cas lors du blocage de l'aéroport de Bangkok en novembre 2008. Cette question fut encore évoquée tout récemment lors de la fermeture des aéroports européens due à l'éruption du volcan islandais : lorsque les vols ont été réservés auprès de petites compagnies, c'est vers l'État que l'on se tourne pour être rapatrié.

Que se passe-t-il alors ? Les services de l'État doivent supporter des dépenses qui peuvent s'élever à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d'euros. Lors de la crise de Bangkok, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros pour le seul affrètement des avions.

Il vaut mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques qu'ils prennent et qu'ils font prendre aux équipes de secours. Avec ce projet, l'État aura les moyens d'une part, d'exiger des personnes qui se sont mises en danger délibérément – sauf motif légitime –, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours à l'étranger ; d'autre part, d'exercer une action récursoire à l'égard des opérateurs défaillants, qu'ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d'assurance, qui n'ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, sans être en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure.

Entendons-nous bien : l'objet de cette mesure n'est pas de limiter la liberté de voyager ou bien d'exercer une profession, mais d'inciter les voyageurs à mieux mesurer les risques de ce monde difficile.

S'agissant des professionnels, la demande de remboursement ne pourra s'appliquer qu'en l'absence d'un motif légitime. Cette réserve est susceptible de préserver, par exemple, le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information, et bien sûr celui des volontaires humanitaires.

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