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Intervention de Jean Lassalle

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Engagement national pour l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Je vois des villes ou plutôt, là où il y avait des faubourgs naguère, des banlieues comme on les appelle maintenant, où des voitures brûlent les soirs de la Saint-Sylvestre. Je vois, dans les villages que j'ai tant aimés, le retour des bandits de grand chemin pour bientôt, car je ne sais pas bien ce qu'ils pourront faire d'autre.

Je ne vois pas cela qu'en France, mais dans les quatre-vingt pays des cinq continents qui composent l'Association des populations des montagnes du monde, que j'ai l'honneur de présider.

Ne le prenez pas mal, mais j'y retrouve aussi de temps en temps Nicolas Hulot et je me dis que, décidément, tout nous sépare. Lorsque je vois Nicolas Hulot rôder autour du Président de la République et de vous, monsieur le ministre d'État, je me demande si tout cela ne serait pas qu'un grand nuage de fumée pour masquer ce capitalisme féroce qui a définitivement pris l'avantage sur l'homme.

Cet écologisme international en est devenu le prolongement, comme pour donner bonne conscience à des femmes et des hommes qui vivent toute la journée sous calmant, qui prennent un tranquillisant le soir pour dormir, une vitamine le matin pour se réveiller et qui se tuent devant le journal télévisé.

Et si cela était l'occasion d'entraîner la sensiblerie, l'espoir, le chagrin qui leur restent sur des points qui puissent les faire rêver et croire en un monde meilleur ?

J'ai pensé au vent, mais j'ai cru comprendre que les éoliennes dérangeaient. J'ai pensé au soleil et j'en ai parlé ; il m'a été répondu que ma salle polyvalente était trop exposée à l'est pour que le soleil puisse tomber dessus. Alors, j'ai pensé au bois avec lequel on peut faire de petites targettes très calorifères ; il m'a alors été dit que j'allais déforester toute la montagne. J'ai donc pensé à l'eau, pour être un peu moderne. Pas de microcentrales, m'a-t-on répondu, parce que les Pyrénées sont un réservoir d'eau exceptionnel auquel il ne faut surtout pas toucher !

Ne sachant que faire j'ai trouvé dommage que l'on ne m'utilise pas un peu mieux.

Pourquoi M. le ministre d'État ne répond-il jamais à mes courriers ? M. le Président de la République est très occupé, je comprends. Quant à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie, je n'ai pas eu la chance de la connaître. J'ai lu son CV et je suis très admiratif de son parcours : elle a quinze ans de moins que moi et elle est merveilleuse. Ils ne me répondent pas.

Pourtant, moi aussi j'aurais mon mot à dire, parce que j'aime autant ce pays que vous !

J'aimerais qu'on retrouve du souffle, de l'énergie, le plaisir de parler ensemble, avec d'autres mots que ceux, vertigineux, qui me font peur et mal : contraintes, directives, préfets perdant l'ordre des valeurs, DDAE qui font joujou avec le DIREN en attendant le gentil loup.

Pendant ce temps, les paysans de soixante-dix ans pleurent sur le pas de leur porte où les arbres attendent impatiemment avant de rentrer dans les cuisines, parce qu'il n'y a rien pour les en empêcher.

Monsieur le ministre d'État, excusez mon infinie tristesse mais j'ai quand même une joie : mon père et même son père et son grand-père sont heureux maintenant, parce qu'ils sont enterrés dans un parc national. Mon père était un homme libre, indépendant ! C'était un sacré indépendant qui ne pouvait pas supporter que l'on dise du mal du pays. Pour lui, les Pyrénées étaient la France et la France était le monde, l'univers. Il était gardien des Pyrénées.

Maintenant, je pense qu'il ne serait pas content. Je vais devoir l'exhumer pour aller l'enterrer ailleurs. Je ne peux pas supporter qu'il soit enterré dans un lieu où ne restent que les gardes des parcs nationaux qui ont remplacé les instituteurs, les postiers, les médecins. C'est le seul combat qui me reste puisque, décidément, plus personne ne veut me répondre. Je pense que je ne me ferai pas enterrer là, et que j'enlèverai aussi mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père pour les mettre ailleurs.

Je pense que notre pays peut conjuguer un espoir, un souffle, un amour du terroir et de la vie, sans toutes ces servitudes. On peut inventer autre chose et parler de nouveau les uns avec les autres, hommes à la rencontre d'autres hommes pour sauver des territoires et pour retrouver leur terre.

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