Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur deux ajouts législatifs majeurs que vous avez introduits dans le Grenelle 2 et qui touchent très directement ma circonscription puisque celle-ci accueille les deux tiers du Marais poitevin et qu'elle a été l'une des plus touchées par la tempête Xynthia.
Je veux d'abord saluer l'initiative du Gouvernement de créer un établissement public de l'État dont la vocation spécifique sera d'assurer la gestion de l'eau et de la biodiversité dans le Marais poitevin. Cette création d'une structure nouvelle et fédératrice correspond à un besoin réel que ressentent depuis longtemps et profondément les acteurs du terrain. Le Marais poitevin mérite de disposer d'une instance permanente spécifique de coordination et de synthèse pilotée par l'État.
En créant cet établissement public dédié, l'État entend, d'abord – c'est du moins ainsi que nous le percevons – rationaliser l'exercice de toutes ses compétences, aujourd'hui éclatées, sur l'ensemble du territoire du Marais poitevin, territoire complexe qui touche trois départements, deux régions, quatre-vingt-quinze communes et un grand nombre de syndicats mixtes et de syndicats de marais.
Le système actuel, celui du préfet coordonnateur, a montré ses limites. Il se traduit, en fait, par une gouvernance à éclipses. Il suffît de constater, par exemple, que le comité de pilotage du plan d'action pour le Marais poitevin n'a pas été réuni une seule fois entre 2006 et 2009, que le comité de pilotage Natura 2000 n'a, lui, jamais été réuni entre 2005 et 2009, que le comité technique de l'étude « Territoires stratégiques » ne s'est pas réuni depuis 2004.
Il est indéniable que le Marais poitevin a besoin de voir l'État assumer ses compétences avec davantage de permanence et de continuité. L'établissement public d'État doit fournir l'instrument adéquat au service de cette ambition. Il le fera d'autant mieux qu'il sera le seul organe à couvrir l'ensemble du Marais poitevin, à s'inscrire dans une logique hydrographique globale de bassin versant, un bassin versant considérable couvrant plus de 630 000 hectares, réunissant en particulier le bassin versant de la Sèvre et celui du Lay, dont le point d'intersection se trouve situé à Luçon. Parmi les compétences de l'établissement public mises en évidence par la loi, je relève l'importance particulière dévolue à la réalisation des ouvrages nécessaires pour la mobilisation de ressources de substitution. Ce point me paraît particulièrement important. Il est essentiel, en effet, de mettre ces réserves à l'abri du malthusianisme en les inscrivant dans la loi comme un instrument capital pour contribuer à une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.
Certes, le rapport de Pierre Roussel de 2001 et le protocole d'accord pour la mise en oeuvre du plan d'action pour le Marais poitevin qui en est issu, signé en 2003, prévoyaient l'un et l'autre la création de nouvelles ressources de substitution. Cependant rien ne vaut, évidemment, en termes de sécurité juridique, la consécration de ces ouvrages par la loi. Grâce à cette disposition, les maîtres d'ouvrage sauront que l'État est à leurs côtés pour faciliter leurs projets. Elle va, en particulier, leur permettre d'achever le programme pilote du bassin des Autises et de pouvoir planifier dans la sérénité les programmes à venir concernant les bassins de la Vendée et du Lay.
Le programme des dix réserves de substitution du bassin des Autises, qui s'articule autour d'une gestion collective, vise à stocker en période hivernale 3,2 millions de mètres cubes, ce qui représente à peine 2 % des apports pluviométriques sur la zone, mais permettra de substituer 50 % des prélèvements estivaux et de relever de manière très significative la cote de gestion de nappe. On a déjà pu observer en 2009, avec l'utilisation pour la première fois de sept réserves de substitution en fonctionnement, une limitation considérable du rabattement de la nappe. Une fois réalisés, les projets de création des volumes de substitution des bassins de la Vendée et du Lay, auxquels le texte du Grenelle ouvre la voie, c'est l'équilibre hydraulique avec les eaux du Marais, pour l'ensemble de la nappe qui le borde au nord, qui pourra être atteint, tout en préservant la viabilité économique de l'agriculture sud vendéenne.
Si les responsabilités confiées au nouvel établissement public en matière de ressources de substitution me paraissent extrêmement pertinentes, en revanche, la volonté d'exclure la prévention des risques d'inondation de son champ de compétences me paraît constituer une anomalie. Il s'agit en effet à la fois d'un enjeu essentiel de sécurité publique et d'un volet très important de la politique de gestion de l'eau. L'article L. 211-1 du code de l'environnement ne précise-t-il pas, en effet, que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau vise, notamment, à assurer la prévention des inondations ? Et ce volet inondation revêt une importance particulière dans le cas du Marais poitevin. En tout état de cause, l'établissement public sera appelé à coordonner les SAGE qui comportent d'importantes dispositions en matière d'étude et de prévention des crues.
Il y a donc là un problème de cohérence, qui appellera sans doute, le moment venu, des évolutions. On peut même considérer que, dans un souci de cohérence globale, l'établissement public d'État a vocation à se voir confier la gouvernance des digues de défense contre la submersion marine de l'ensemble du Marais poitevin et à coordonner l'action des quatre grands maîtres d'ouvrage dans ce domaine : l'institution interdépartementale, le syndicat mixte Vendée Sèvre Autise, l'association syndicale de la vallée du Lay et le syndicat mixte du Nord Aunis.
Je peux comprendre le souci immédiat du Gouvernement d'éviter des interférences trop fortes entre un jeune établissement public naissant que l'on porte avec espoir sur les fonts baptismaux et la gestion complexe du dossier Xynthia, mais il faut laisser la porte ouverte à des évolutions qui permettraient de doter l'établissement public de compétences en matière de coordination de la prévention des risques d'inondation fluviale et marine dans le Marais poitevin.
En tout cas, la création de l'établissement public traduit une volonté forte de l'État d'assumer désormais pleinement ses compétences et ses responsabilités sur le territoire du Marais poitevin et, pour le faire, il se dote d'un instrument ad hoc. Ce retour de l'État, nous le saluons et nous nous en félicitons.
La question qui se pose ensuite est celle de savoir si, en plus d'être l'instrument d'une rationalisation de l'exercice des compétences de l'État, l'établissement public peut devenir le lieu de concertation privilégié et permanent entre l'État, les collectivités et les acteurs de terrain, en premier lieu les syndicats de marais et les agriculteurs. Le Marais poitevin en ressent le besoin, notamment après que le parc interrégional a fait la démonstration qu'il était incapable de jouer ce rôle, qu'il n'a d'ailleurs pas vocation à tenir, en tentant d'imposer de manière autoritaire un projet de charte boulimique qui a divisé le territoire au lieu de le fédérer.
À cet égard, beaucoup va dépendre du mode de gouvernance qu'adoptera le futur établissement public. Il pourra en effet intervenir, dans les nombreux domaines de compétence qui lui sont dévolus, en cherchant à se substituer aux acteurs locaux. Dans ce cas, au lieu d'apporter une valeur ajoutée aux actions menées actuellement par les collectivités, il contribuerait à brider les initiatives et à transformer cette zone fragile en espace administré.
Si, en revanche, l'établissement public souhaite que le territoire puisse continuer à bénéficier de l'engagement fort des collectivités, de la réactivité et de la souplesse des instruments qu'elles ont élaborés, des gisements de compétence qu'elles ont constitués, il pourra choisir de mettre en place un partenariat organisé avec les collectivités et les groupements concernés. Il pourra considérer de bonne pratique de passer, pour l'exercice de certaines de ses missions, des conventions de délégation avec les collectivités, leurs groupements et les organismes compétents en matière de gestion de l'eau et de préservation de la biodiversité.
De telles conventions pourraient organiser sur certains sujets un régime de cogestion comparable à celui qui permet aujourd'hui à l'État d'assurer, avec la participation des départements de Vendée, de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, réunis dans l'institution interdépartementale du bassin de la Sèvre niortaise, le fonctionnement du milieu récepteur des eaux du bassin versant de la Sèvre niortaise appelé « marais mouillé ».
C'est cette coresponsabilité, à laquelle s'ajoutent les actions de l'institution sur un réseau interdépartemental de cours d'eau et de canaux de 255 kilomètres, qui a permis, depuis près de vingt ans, de restaurer et de moderniser, jusqu'à l'installation d'un système de surveillance par télégestion, ce maillage essentiel pour le fonctionnement de cette zone et de ses exutoires.
En effet, si l'État entend aujourd'hui exercer la plénitude de son rôle – encore une fois, nous nous en réjouissons – sa présence cyclique au cours des dernières décennies a amené les collectivités à s'engager fortement sur le territoire, à la faveur des lois de décentralisation, notamment pour s'assurer du bon fonctionnement du système hydraulique qui structure le Marais. Les trois départements se sont accordés sur la définition d'un réseau principal d'intérêt commun dont ils cofinancent l'entretien – ouvrages, canaux, berges, lutte contre les végétaux invasifs...– depuis Niort jusqu'aux exutoires maritimes.
À travers l'institution et les syndicats mixtes, se sont organisés le portage des SAGE et la gestion des contrats de restauration-entretien de zone humide, le premier à être signé avec une zone humide d'importance majeure à l'échelle nationale l'ayant été en 2000 entre l'institution et l'agence de l'eau Loire-Bretagne. L'ensemble de ces acquis ne doit pas être perdu.
Il me semble bien que telle est également la préoccupation du Gouvernement, puisqu'il vient de déposer un amendement à l'article 56 ter, qui mentionne explicitement la nécessité pour l'établissement public d'exercer ses missions en tenant compte des compétences des collectivités territoriales. L'exposé sommaire justifiant cet amendement précise de manière très claire que le rôle de l'établissement public doit être complémentaire par rapport aux actions des collectivités territoriales. Cet ajout important me paraît de nature à rassurer les collectivités sur le mode de fonctionnement du futur établissement et à faciliter son appropriation par les acteurs locaux. Ces derniers seront définitivement rassurés si le conseil d'administration du futur établissement accorde la place qu'ils méritent, aux côtés des représentants des collectivités, aux syndicats mixtes et aux syndicats de marais.
Le Gouvernement pourra enfin achever de convaincre tous ses partenaires de ses bonnes dispositions s'il donne un signe fort, en répondant favorablement aux demandes de transfert du domaine public fluvial qui lui ont été présentées par l'institution interdépartementale et les départements.
Vous avez souhaité par ailleurs introduire dans le texte du Grenelle 2 un ensemble de dispositions importantes qui vont permettre à l'État de tenir les engagements pris envers les sinistrés de la tempête Xynthia et de mieux protéger à l'avenir nos concitoyens habitant les communes où existent des risques d'inondation.
Auparavant, permettez-moi de dire un mot de ce qui ne figure pas dans le Grenelle 2 : la question essentielle de la consolidation du réseau de digues de défense contre la mer et de leur gouvernance.
Le temps était évidemment trop court pour traiter dans le cadre de ce texte d'une question qui mérite une concertation approfondie avec les responsables locaux avant que ne soit élaboré un projet législatif, mais, avant que ne soit lancé ce grand « plan digues », ou, plus exactement, « plan de prévention des submersions marines et digues », nous sommes toujours, sur le terrain, dans la phase d'urgence.
Je tiens à souligner l'incroyable rapidité avec laquelle les travaux d'extrême urgence ont été réalisés pour colmater les brèches ouvertes par la tempête dans les digues de protection contre la mer, afin de prévenir une nouvelle submersion à l'occasion des grandes marées de la fin mars. Ces consolidations, réalisées dans la hâte, ont pleinement joué leur rôle. Elles étaient absolument indispensables. Au lendemain de la tempête, avec une remarquable réactivité, tous se sont mobilisés sans compter pour faire face à l'extrême urgence : les communes, les associations et syndicats maîtres d'ouvrage, les entreprises. Le préfet de la Vendée a opéré un certain nombre de réquisitions indispensables d'entreprises, dans les cas où la protection élémentaire de la population l'exigeait.
Tous ces acteurs sont en attente du versement de la part de l'État. Aucune contribution au financement de ces opérations ne leur est parvenue, ce qui les place dans une situation extrêmement difficile. Il s'agit de petites communes, de syndicats et d'entreprises de taille modeste, qui se trouvent en situation de découvert du fait de la carence de l'État et contraints de suspendre des travaux pourtant indispensables.
Une phase de consolidation des travaux réalisés dans l'extrême urgence doit en effet impérativement être menée à bien avant les grandes marées d'équinoxe, en conditions sèches, pour stabiliser les interventions faites dans l'extrême urgence. Les maîtres d'ouvrage sont techniquement prêts, mais ils ne peuvent rien entreprendre sans assurance de financement, et le seul financement départemental à hauteur de 25 % ne suffit pas.
Les engagements pris par le Président de la République le 16 mars à La Roche-sur-Yon devant tous les sauveteurs et les élus concernés, engagements très clairs et nullement restrictifs, avaient été accueillis très favorablement. Je rappelle les propos qu'il a tenus : « La tempête Xynthia a fortement endommagé les digues littorales. Au moins 150 kilomètres doivent être rénovés de toute urgence. Pour y parvenir dans les délais les plus brefs, je souhaite que l'État prenne à sa charge, de manière tout à fait exceptionnelle, 50 % du coût de ces travaux ».
Il y a urgence à mettre en place les crédits qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République. Il en va de la crédibilité de l'État et de celle à venir du « plan digues ».
Je souligne enfin l'importance et la pertinence des dispositions nouvelles introduites par le Grenelle 2 dans le code de l'environnement et dans celui de l'urbanisme pour pouvoir traiter de manière adéquate certaines conséquences très lourdes de la tempête Xynthia.
Il s'agit en particulier de permettre le financement, grâce au fonds Barnier, grâce au fonds de prévention des risques naturels majeurs, de l'acquisition amiable des biens exposés à un risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines. Cette disposition va permettre aux sinistrés traumatisés par ce qu'ils ont vécu de tourner la page dans des conditions où la solidarité nationale se fait particulièrement généreuse.
Il s'agit également d'imposer un délai incontournable, de trois ans, pour l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Il est important que tous nos concitoyens qui habitent ou souhaitent habiter dans des communes où existent des risques d'inondation sachent avec précision à quoi s'en tenir, quelles sont les contraintes de sécurité qui s'imposent à eux, sans ambiguïté ni incertitude.
Sur ces deux questions majeures, établissement public de l'État du Marais poitevin et mesures en faveur des victimes de Xyntia, ce sont des avancées importantes qui s'accomplissent à travers le Grenelle et je tenais, madame la secrétaire d'État, à vous en remercier et à vous en féliciter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)