Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, en écoutant ce qui a été dit – la remarque vaut aussi bien pour M. le ministre que pour les rapporteurs –, j'ai remarqué que, au lieu de parler strictement du Grenelle 2, vous vous étiez beaucoup exprimé sur le Grenelle en général.
Paradoxalement, vos plaidoyers en faveur d'un bilan qui considérerait le Grenelle dans sa totalité sont en même temps un aveu de faiblesse sur le Grenelle 2. En effet, il vaudra mieux retenir la première phase du Grenelle, celle que nous avons approuvée et votée, qui a initié tout ce que vous avez rappelé, plutôt que la seconde, celle de l'après-régionales, celle du Grenelle 2 et des renoncements politiques.
C'est pourtant ce Grenelle 2 que nous examinons aujourd'hui, qui est dit « portant engagement national pour l'environnement » et dans lequel sont censés se trouver les outils de mise en oeuvre du Grenelle. Toutefois le temps des débats a été limité à trente heures, c'est-à-dire deux fois moins de temps que n'en a eu le Sénat pour un texte qui était alors beaucoup plus réduit. Ce n'est plus une loi que l'on discute ; c'est une loi que l'on expédie !
Ce matin, en conférence des présidents, nous avons proposé de passer à cinquante heures de discussion en utilisant notre droit à un allongement exceptionnel du temps de discussion. Pour ceux qui ne le sauraient pas, un groupe peut bénéficier une fois par session d'un « allongement exceptionnel » sur un texte qui lui paraît extrêmement important. Nous avons donc proposé de passer de trente heures à cinquante heures. Malheureusement, et de façon surprenante, cela nous a été refusé.
Le président de l'Assemblée nous a expliqué qu'il ne fallait pas bousculer l'agenda des députés. Jamais encore la question de cet allongement exceptionnel ne s'était posée. Le président a donc établi une jurisprudence, mais elle aurait pu être tout à fait différente ; il aurait pu, compte tenu de notre demande, qui montrait l'importance que nous attachons au Grenelle 2, donner le temps du débat. A contrario, votre refus montre que, pour vous, le Grenelle, ça suffit !
D'ailleurs, si l'on ne peut pas augmenter le temps imparti, le Gouvernement pourrait de son côté ne pas faire jouer la procédure accélérée. Cela est toujours possible et nous aurions alors, comme pour le Grenelle 1, deux lectures, donc le temps de discuter.
En fait depuis les élections régionales, pour une bonne partie de votre majorité, et au plus haut niveau, « L'environnement, ça commence à bien faire ». Ce n'est pas une phrase banale et, après avoir abandonné la fiscalité écologique – ce qui crédibilise malheureusement cette déclaration –, on souhaite tourner la page du Grenelle. Cela est particulièrement inquiétant pour une loi de mise en oeuvre, censée donner des outils et dont l'application dépend essentiellement de nombreux décrets.
Compte tenu des récentes déclarations et décisions du Président de la République, ces décrets seront-ils pris ? On connaît beaucoup de lois qui n'ont pas été appliquées parce que les décrets n'ont jamais été pris. En l'espèce, on peut douter qu'ils le soient, car il n'y a plus de volonté politique. Or, sans volonté politique, pas de décrets, et sans décrets, pas de mise en oeuvre de la loi.
On comprend alors pourquoi vous ne souhaitez pas approfondir la discussion et pourquoi vous préférez passer rapidement sur ces thèmes, qui ne sont plus d'actualité dans votre majorité.
Dans l'immédiat, nous comprenons le malaise de ceux d'entre vous qui se sont sincèrement investis dans la démarche du Grenelle, que nous avons soutenue en votant le Grenelle 1. Toutefois nous devons constater, non seulement que le Grenelle 2 n'apporte pas les outils de mise en oeuvre du Grenelle, mais encore qu'il est même, sur certains points importants, en régression par rapport à ce que nous avons voté.
Monsieur le ministre, le Grenelle ne va pas plus loin, il recule ; il revient sur nombre de ruptures annoncées. Et, paradoxalement, au fil des négociations et des reculs, il sert d'alibi à des cadeaux fiscaux ciblés. Par exemple, la réforme de la taxe professionnelle a été présentée comme une compensation, pour les entreprises, de l'établissement de la taxe carbone. La taxe carbone a été supprimée, mais la réforme de la taxe professionnelle demeure ; elle fragilise particulièrement les collectivités territoriales. Autre exemple : la taxe à l'essieu a été baissée pour les poids lourds dès 2009, pour compenser l'écotaxe poids lourds applicable au 1er janvier 2011.