Madame la présidente, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, la question que je me pose en premier lieu est la suivante : ce projet de loi Grenelle 2 est-il une avancée ou une régression ? Je vais essayer d'y répondre de manière équilibrée plutôt qu'avec le triomphalisme du ministre d'État.
Depuis le début du processus en 2007, les écologistes associatifs, qui en étaient partie prenante, comme nous-mêmes, les écologistes politiques, n'ont cessé d'affirmer qu'il est tout autant le résultat de nos combats militants depuis des décennies qu'une décision gouvernementale. Les deux ont joué et, de ce fait, le Grenelle n'est pas plus la propriété de M. Borloo ou de M. Sarkozy que celle des syndicats, des associations, des collectivités territoriales ou la nôtre. Le Grenelle appartient à tout le monde, mais nous, nous voulons le sauver, car il est mal en point.
Voyons d'abord le contexte.
Depuis le sommet de Copenhague, ou peut-être un peu avant, il est marqué par une sorte d'écoloscepticisme. Certains lobbies y ont contribué ; sans doute quelque peu « défrisés » par les avancées du processus du Grenelle, ils se sont dit qu'il ne fallait pas aller trop loin. Lors du salon de l'agriculture, le Président Sarkozy lui-même a dit : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » Parole malheureuse, inspirée par l'air du temps, mais parole vraie puisque plusieurs projets ou propositions de loi présentés en dehors de ce cadre ont « détricoté » le Grenelle de l'environnement. J'en cite quelques-uns.
Ce fut d'abord la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM. Le sujet n'entre pas directement dans le cadre du Grenelle mais il avait tout de même fait l'objet d'un groupe de travail. Nous avons voté contre ce texte. En effet, même si la France a recouru à la clause de sauvegarde contre le Monsanto 810, il sera possible de produire des OGM dans notre pays, en fonction des décisions du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies. À nos yeux, c'est la porte ouverte à la contamination de l'agriculture.
Il y eut ensuite la loi « Chasse » du 31 décembre 2008 qui permet aux organisations de chasseurs d'obtenir le label d'association de protection de l'environnement.
En février 2009, une autre loi a autorisé le Gouvernement à adopter par ordonnance un régime d'autorisation allégée des installations classées pour la protection de l'environnement, les ICPE, sources de pollution et de nuisance. Nous y reviendrons à propos des éoliennes qui ne doivent justement pas être des ICPE.
Puis nous avons connu l'abandon de la contribution énergie-climat du Grenelle 1, qui concernait bien ces deux domaines. Est-ce une simple faute de communication ? Je pense que cela est malheureusement plus grave.
Enfin, les deux derniers rapports dans ce domaine nous ont vraiment déçus. Je veux parler du rapport Ollier-Reynier sur les éoliennes et de celui de MM. Gatignol et Etienne du 28 avril 2010, pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, sorte de plaidoyer en faveur des pesticides qui remet en cause le plan écophyto 2 018 du Grenelle 1.
Dès lors, quelle position allons-nous adopter ?
André Chassaigne a déjà annoncé que, de toute façon, et quelle que soit la façon dont le débat se déroulera, les députés au nom desquels il s'exprimait voteront contre. Nous ne disons pas cela : nous voulons sauver le Grenelle, qui est à nous autant qu'à vous. Néanmoins notre vote final dépendra de trois séries de considérations : Allons-nous préserver et même renforcer certains acquis du Grenelle, sur lesquels je reviendrai ? Les dispositions introduites par le Sénat ou lors du débat en commission et qui constituent autant de régressions seront-elles annulées par l'adoption de certains amendements ? Enfin, l'Assemblée, dans sa grande sagesse, adoptera-t-elle quelques avancées que nous proposerons par amendement ?
Je reviens d'abord sur les acquis du Grenelle. Il y en a, nous le reconnaissons, comme la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie des bâtiments pour faire des économies d'énergie. C'est sans doute d'ailleurs le titre Ier du texte qui est le meilleur, comme cela était le cas dans le Grenelle 1. L'attestation de performance énergétique, le test acoustique réglementaire à l'achèvement des travaux et d'autres dispositions de ce type nous satisfont. M. Apparu, dont c'est le domaine, peut se réjouir si l'on va vers des logements de qualité acoustique et thermique, des logements « grenellocompatibles ».
Il y a aussi l'obligation des bilans d'émission de gaz à effet de serre pour les entreprises de plus de 500 salariés, les grandes administrations, les collectivités. C'est une bonne chose, et nous le disons.
Je cite encore la certification environnementale des exploitations agricoles. Nous sommes pour que l'agriculture soit à haute valeur environnementale et ce n'est pas à M. Jacob que j'apprendrai ce que cela peut être. Toutefois il ne faut pas que cela serve de masque à ce que la FNSEA appelle l'agriculture raisonnée. Nous sommes favorables non pas à l'agriculture raisonnée, mais à l'agriculture biologique, et il ne faudrait pas que le prétexte de la haute valeur environnementale freine les conversions à l'agriculture biologique. Nous verrons ce qu'il en sera en pratique.
Il est également indispensable de renforcer la trame verte et bleue, dont nous reparlerons à propos de la biodiversité. Un de mes amendements a même été adopté en commission, avec le soutien de Mme la secrétaire d'État. Comme il existe des contradictions dans cette énorme majorité que forment les groupes UMP et Nouveau Centre, nous verrons si le Gouvernement sait donner des orientations qui s'imposeront contre l'avis de certains députés de sa majorité.
Une nouvelle taxe sur les déchets est créée ; c'est très bien. La publicité pour les pesticides est encadrée et limitée au cadre professionnel ; on sait bien que les amateurs dans leur jardin sont les plus consommateurs de Round Up. On encadre aussi plus précisément le greenwashing – ou si vous voulez, pour nous exprimer en français, le verdissement « cosmétique » – de certaines entreprises qui distribuent de belles brochures vantant la croissance verte et le développement durable, mais n'en continuent pas moins à polluer. Il y a aussi le renforcement – auquel je suis très sensible pour y avoir contribué – des plans de prévention des risques technologiques, instaurés après la catastrophe d'AZF du 21 septembre 2001.
Je pourrais citer d'autres acquis car le Grenelle 2 contient de bonnes choses, je le reconnais en toute honnêteté. Cependant il faut aussi, tout aussi honnêtement, dire ce qui, dans ce texte, constitue une régression, suite au passage au Sénat et dans deux commissions de l'Assemblée.
La première est l'abandon de la taxe carbone. Pourtant, elle est inscrite dans le Grenelle 1 ; pourtant vous avez essayé d'y revenir dans la loi de finances initiales pour 2010. Certes elle avait beaucoup de défauts dans la présentation qu'en faisait le Gouvernement ; elle était un peu « riquiqui », avec une assiette insuffisante, un montant initial trop peu élevé pour être dissuasif pour certains et les inciter à réaliser des économies d'énergie.
Dans son rapport très mesuré, M. Rocard, qui est au fond un ami du Président de la République, demandait qu'elle soit au moins de 32 euros la tonne. Or on est à moins de 20 euros sous prétexte que le marché est bas. Pourtant le marché, cela va, cela vient. Un montant de 32 euros était un minimum. Pour ce qui est de la progression, vous aviez choisi une progression exponentielle. Or quand le point de départ est très bas, la progression semble toujours exponentielle au début, alors que le niveau reste bas. Mieux vaut une progression linéaire pour la taxe carbone, car au début les progrès sont plus nets, même si ensuite c'est l'inverse.
Je vous pose donc la question : le Gouvernement va-t-il remettre en chantier une vraie taxe énergie climat, sur une base plus large et avec une véritable fonction redistributive, qui soit tout à la fois efficace pour l'environnement et solidaire socialement ? Et va-t-il le faire bientôt ? Il ne s'agit pas de nous renvoyer après 2012 ni de nous demander d'attendre une harmonisation fiscale en Europe. Cela fait quarante ans qu'on l'attend ; on peut attendre encore longtemps !
Autre régression sur laquelle il faut revenir : pourquoi avoir repoussé l'étiquetage énergétique ? C'était pourtant l'engagement n° 52 du 25 octobre 2007 et l'engagement n° 63 proposait d'instaurer explicitement l'indication du prix carbone d'ici à la fin de 2010. Il reste quelques mois. Allez-vous le faire ?
En troisième point je veux citer la taxe sur les poids lourds : l'eurovignette est également reportée.