La grande distribution n'aurait-elle pas intérêt à cette certification de façade pour gonfler une fois de plus ses marges sur le dos des producteurs ?
Lors des débats sur le précédent projet de loi Grenelle, j'avais d'ailleurs soumis un certain nombre d'amendements pour fixer, comme pour les produits biologiques, des objectifs en matière de produits locaux ou sous signes officiels de qualité, comme les AOC, les IGP ou le Label Rouge, dans la restauration collective. Nous pouvions profiter là d'un véritable effet de levier pour des produits de grande qualité gustative et environnementale, issus de systèmes de production plus durables, dans lesquels sont engagés des dizaines de milliers d'agriculteurs, mais, comme toujours, vous avez préféré en rester à l'affichage sur l'agriculture biologique, sans même vous donner les moyens de votre ambition.
Pendant ce temps, les agriculteurs aux pratiques les plus respectueuses de l'environnement se meurent, faute de prix et de revenus corrects. Au rythme actuel des cessations d'activité des exploitations, vous n'aurez bientôt plus rien à convertir en haute valeur environnementale. Vous aurez ainsi répondu au grand rêve des néolibéraux en concentrant toute la production agricole française entre les mains de 100 000 « agrimanagers ». Est-ce là votre vision d'une agriculture durable et compétitive ?
J'ai également de grandes inquiétudes sur votre façon de mettre en place la trame verte et bleue si chère à Mme la secrétaire d'État. Vous avez tout d'abord refusé de lui conférer un caractère opposable. Surtout, nous ne savons rien des conditions de l'arbitrage pour inclure certains espaces au sein des trames, certaines infrastructures linéaires, certains cours d'eau. Tout risque de se faire selon la sacro-sainte loi du plus fort !
Qu'en sera-t-il de la qualité et de l'homogénéité de la trame sur le territoire national à l'heure où il n'existe plus une seule haie en Beauce tandis que le bocage bourbonnais en compte encore par centaines de kilomètres ? Doit-on penser que les schémas régionaux de cohérence écologique se fonderont uniquement sur l'existant, pour mieux concentrer leur action sur les territoires déjà les plus méritants écologiquement, laissant ainsi libre court à la détérioration de l'environnement sur les espaces déjà très artificialisés ? Doit-on penser que toute inclusion dans les trames bleues sera exclue pour les cours d'eau les plus dégradés, alors que, naturellement, les bassins versants qui font déjà le plus d'efforts et obtiennent les meilleurs résultats en terme de continuité écologique, de qualité du milieu et de biodiversité se verront imposer des contraintes strictes ?
C'est une drôle de traduction globale de la restauration de la continuité écologique et de la préservation de la biodiversité qui pourrait ressortir de la mise en place des trames, car vous semblez valider ce qu'Elisée Reclus, célèbre géographe français du XIXe siècle et précurseur de l'écologie, avait bien compris lorsqu'il écrivait en 1869, dans son Histoire d'un ruisseau : « Ainsi, tout n'est pas joie et bonheur sur les bords de ce ruisseau charmant où la vie pourrait être si douce, où il semble naturel que tous s'aiment et jouissent de l'existence. Là aussi la guerre sociale est en permanence. »
Avec tant d'incertitude sur le devenir de ces trames, tout ne sera pas joie et bonheur, et il ne semble pas, madame la secrétaire d'État, que l'appui de votre majorité soit à la hauteur de votre conscience environnementale pour traduire l'ambition incarnée dans cet outil écologique pour notre pays.
À la lecture des titres et chapitres consacrés aux déchets et à la fameuse « gouvernance », l'orientation reste tout aussi confuse et les mesures lapidaires.
Ainsi, vous n'avez pas souhaité renforcer la responsabilité des producteurs de déchets, ce qui aurait évité un transfert de cette responsabilité sur les usagers. Bien que la question de la réduction des déchets à la source soit toujours aussi criante, aucun élément nouveau n'est apporté pour progresser plus rapidement en matière de réduction des tonnages de déchets ménagers. La gabegie de préemballages et de suremballages n'est pas près de cesser tant elle sert les industriels et la grande distribution dans leur recherche de marges toujours accrues sur les produits.
Quant aux quelques cinquante pages consacrées, comme il se doit, à la fameuse gouvernance, aux côtés de la longue revue juridique concernant les études d'impact, seules quelques lignes concernent directement les entreprises et la consommation. C'est pourtant là que se situe le coeur de la transformation écologique de nos modes de production.
Je ne note, en effet, aucun apport de ce texte à l'élargissement des droits et pouvoirs des salariés en matière de veille environnementale dans l'entreprise. Ce texte aurait pourtant pu permettre de faire avancer une nouvelle citoyenneté au coeur même de l'outil de production, ce qui me semble indispensable pour infléchir certaines logiques entrepreneuriales et financières particulièrement préjudiciables à l'environnement. En effet, qui mieux que le salarié lui-même peut identifier les possibilités d'amélioration de l'outil de production pour en minimiser les impacts environnementaux ? Grâce à votre sens de la modernisation, nous nous en tiendrons donc aux possibilités offertes par les lois Auroux de 1982 !