Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
En cette semaine où nous allons célébrer le soixante-cinquième anniversaire de la victoire sur le nazisme, le film Hors-la-loi, réalisé par Rachid Bouchareb, déjà auteur il y a quatre ans du film Indigènes, entend rappeler d'autres faits survenus à partir de ce même 8 mai 1945.
À Sétif, Guelma et Kherrata, dans la région de Constantine, un défilé de joie célébrant cette victoire vire au drame. À la suite de l'interdiction faite aux indépendantistes présents dans le cortège d'arborer leurs revendications, un engrenage de violences s'ensuit. Certaines sont commises à l'encontre des populations européennes, parmi lesquelles on recensera 102 victimes. Des représailles militaires sont alors conduites contre les Algériens, faisant 1 340 victimes, selon le chiffre minime du gouvernement général de l'époque, au moins 10 000, selon plusieurs historiens.
À partir de ces faits, Rachid Bouchareb a choisi de faire une oeuvre artistique qui a été sélectionnée en compétition officielle pour le prochain Festival de Cannes. C'est un film, que je n'ai pas vu, comme tous ici, je pense. Mais ce n'est qu'un film, une oeuvre de fiction par nature. Or, à la demande de certains de nos collègues, M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, a demandé au service historique de la défense d'enquêter sur son scénario, dans la volonté revendiquée que notre pays écrive sur ce sujet une « histoire officielle ».
La question n'est pas de savoir si le réalisateur de ce film a commis ou non des inexactitudes. Elle est de comprendre par quel mécanisme des fonctionnaires et un ministre peuvent, aujourd'hui encore en 2010, vouloir contrôler la lecture de faits qui se sont déroulés il y a soixante-cinq ans, au point, dixit Monsieur Falco, de « veiller, au nom de la défense de la mémoire, à ne pas cautionner ce film. »
Monsieur le ministre de la culture, est-ce bien le rôle du gouvernement d'un État démocratique de « cautionner » ou non une oeuvre de fiction ? (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, aujourd'hui, de deux choses l'une : soit le Gouvernement assume une volonté de s'immiscer dans un certain nombre d'oeuvres artistiques pour contrôler leur écriture, soit vous nous confirmez que l'État se refuse d'écrire l'Histoire, de la contrôler et vous devez alors désavouer (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR)…