Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voici arrivés au terme de la discussion générale d'un débat dont j'ai apprécié la qualité et la hauteur de vues. Je vous remercie d'avoir préservé cet état d'esprit qui correspond à l'image que je souhaitais donner à l'ensemble des Polynésiens.
Je salue l'intervention de Jean-Christophe Lagarde, qui a eu le mérite, dès 2004, d'adopter une position contraire à la majorité de l'époque et de s'y être constamment tenu depuis. Je le remercie d'avoir rappelé toutes les questions qu'il avait posées à l'époque et de mettre en regard de chacune de ces questions la réponse que nos textes lui apportent aujourd'hui.
M. Lagarde a évoqué, non sans émotion, certains symboles tels que l'île d'Hiva Oa, où se trouvent les tombes de Paul Gauguin et Jacques Brel. C'est avec émotion que je pense aujourd'hui à Guy Rauzy, maire d'Hiva Oa, qui m'a confié un soir qu'il avait passé son bac au lycée Masséna de Nice. Eh bien oui, mon cher Jean-Christophe, ce maire, qui a maintenant cinquante ans de mandat, a mené pendant près de trente ans un véritable combat pour trouver les moyens d'aménager un musée dédié à la mémoire de Gauguin et de Brel, pour commémorer leur passage sur l'île. Et s'il a fallu attendre toutes ces années pour parvenir à la réalisation de ce musée, qui est évidemment un élément d'attractivité touristique et donc de soutien à l'activité économique et à l'emploi, c'est que les maires de Polynésie n'ont pas les moyens de leur action. Alors qu'ils ont une capacité d'inventivité et de créativité très forte, ils n'ont pas les moyens de prendre l'initiative. Voilà pourquoi ce maire est arrivé à ses fins après avoir été confronté à des rapports de force très difficiles. J'ai moi aussi été très ému par cette histoire, monsieur Lagarde.
Nous allons donc faire en sorte de résoudre, dans la loi organique, les problèmes que vous avez soulevés. La confiance que nous devons déléguer aux maires de Polynésie doit se traduire clairement dans le texte. Je vous remercie pour la contribution que vous nous apporterez sur ce point.
De même, vous souhaitez que nous apportions plus de liberté et de capacité d'initiative aux acteurs économiques, aux talents, à la matière grise, à l'intelligence, que nous savons si présente dans l'ensemble de la Polynésie française. Cela me paraît en effet fondamental. Je tiens donc à ce que, dans le prochain projet de loi de programme, un volet soit consacré à ce problème. Nous sommes d'accord avec vous pour renforcer le rôle que peut jouer le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, dont le sérieux des avis et des études doit d'ailleurs être salué. Un amendement du Sénat y contribue déjà. Je souhaite que vous le confirmiez.
En matière de liberté d'entreprise, vous avez évoqué, en filigrane, les monopoles, qui, dans le statut actuel, ne favorisent pas cet épanouissement et cette libre concurrence qui pourraient apporter des services de plus grande qualité à l'ensemble des populations et des offres tarifaires plus attractives dans un certain nombre de domaines.
Pour confirmer votre propos, je prendrai un exemple qui éclairera l'Assemblée nationale. Il porte sur un domaine qui m'est cher, et qui m'était déjà cher lorsque j'étais ministre délégué à l'aménagement du territoire. L'objectif était alors de faire passer de 60% à près de 95 % le nombre de foyers ayant accès à internet sur l'ensemble de la métropole. Aujourd'hui, je voudrais que nous parvenions au même résultat pour l'ensemble de l'outre-mer. Alors que le câble, cher Pierre Frogier, cher Gaël Yanno, arrive désormais à Nouméa depuis Sidney, je souhaiterais que nous apportions une desserte de qualité à Tahiti mais aussi à l'ensemble des archipels.
Je rappelle à cet égard que l'arrivée de l'internet haut débit par le câble sous-marin dépend du pays. Certes, l'État peut apporter sa contribution pour accompagner le pays. J'en serai tout à fait d'accord. Mais seul le pays peut prendre l'initiative en la matière. Dans un de ses avis, le Conseil économique, social et culturel avait précisément souhaité que les services découlant de l'arrivée du câble soient ouverts à la concurrence. Il est vrai que les chiffres résultant du manque de concurrence sont éloquents : 19 000 abonnés sur une population de 260 000 habitants, soit un ratio de un pour treize, avec un tarif de 4 950 francs pacifiques, c'est-à-dire 41 euros par mois pour un débit extrêmement limité, 128 kilobits, et à 14 850 francs pacifiques, ou 125 euros par mois, pour un débit plus rapide mais restant très limité, 512 kilobits. En métropole, nous comptons 14 millions d'abonnés à internet sur une population de 60 millions d'habitants, soit un ratio de un pour quatre. Quant au tarif, le plus bas est à 30 euros pour un débit limité mais beaucoup plus élevé que celui proposé à 40 euros en Polynésie française. Il donne en outre un accès illimité à internet et comprend la téléphonie et la télévision.
Or cette différence est inéquitable. Je vois là une injustice sociale. En Guadeloupe, par exemple, chère Gabrielle Louis-Carabin, où, vous aussi, vous avez pris des initiatives importantes en la matière, nous comptons déjà 11 000 foyers connectés par l'ADSL sur une population de 440 000 habitants, ce qui nous donne un ratio de un sur quarante. En outre, le câble sous-marin qui relie la Guadeloupe à Porto Rico permet désormais, avec 39 euros par mois, de bénéficier d'un forfait apportant quasiment les mêmes services qu'en métropole.
En fait, traiter cette question, c'est s'attacher à la stabilité qu'on veut apporter au pays.