En mai 2004, vous légifériez pour asseoir, selon vos dires, une majorité homogène, mais vous avez hérité de la majorité que vous ne souhaitiez pas. C'est peut-être là qu'il faut chercher les véritables causes de l'instabilité qui s'en est suivie !
Chers collègues de la majorité, vos attentes ne sont pas celles que vous affichez ! La majorité de l'Assemblée de la Polynésie française et la présidence ne vous agréeront que si elles ne viennent pas, si peu que ce soit, bousculer votre conception de l'ordre économique et social mondial, autrement dit, si vous pensez qu'elles ne menacent pas la pérennité de la présence française sur un territoire qui revêt des enjeux géostratégiques considérables.
Dès janvier 2007, les mêmes élus, qui avaient pourtant adopté dans l'enthousiasme les modifications du mode de scrutin que j'évoquais, demandaient un retour aux règles qui prévalaient avant 2004. Or voilà qu'aujourd'hui, il nous est à nouveau proposé d'en changer !
Les motivations profondes du pouvoir que vous représentez sont restées les mêmes : ne pas laisser les Polynésiens et la Polynésie s'éloigner politiquement de Paris. En d'autres termes, au couple Chirac-Flosse devrait impérativement succéder un autre couple présentant pour vous les mêmes garanties.
Fidèles à nos principes nous considérons qu'il appartient aux citoyens polynésiens eux-mêmes de décider librement de leur destin. C'est à eux, à eux tous, mais à eux seuls de décider des évolutions institutionnelles qu'ils considèrent nécessaires à l'amélioration de la très difficile situation économique et sociale dans laquelle se trouve leur territoire. Les inégalités sociales y sont, en effet, criantes. À cet égard, je ne citerai que deux exemples : 30 % d'une classe d'âge seulement arrive au baccalauréat, et l'espérance de vie d'un Polynésien est de dix ans inférieure à la moyenne nationale.
Notre responsabilité est d'aider les Polynésiens, sans décider à leur place, car notre conviction est faite : ce qui sera bon pour la Polynésie et les Polynésiens ne se décrétera pas d'en haut et de loin, mais d'en bas et dans la proximité de chacune des communes que compte ce territoire.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai apprécié que vous ayez dit vouloir offrir aux communes de Polynésie française des compétences renforcées avec les ressources correspondantes, et je me réjouis de l'annonce d'un nouveau projet de loi organique pour 2008 en vue d'accroître sensiblement les compétences et les moyens des communes de Polynésie. En effet, et vous le dites vous-même, il n'y aura pas de stabilisation politique durable en Polynésie sans une véritable autonomie des communes par rapport aux autorités de Papeete. Je vous rejoins sur ce point mais, évidemment, nous jugerons sur pièce en 2008.
La France a une dette considérable à l'égard de ces populations, elle doit s'en acquitter. Elle ne peut le faire qu'en continuant de les accompagner jusqu'à ce qu'ils accèdent à une pleine autonomie économique, financière, sociale et administrative. Il reviendra ensuite aux Polynésiens de dire le statut qu'ils souhaitent pour leur territoire et la nature des liens qu'ils voudront maintenir avec la France.
Si la France apporte son aide sans arrière-pensées mais avec le seul souci du bien-être des populations de chacune des îles de cet archipel, j'ai la conviction que ses intérêts et ceux de la Polynésie se rencontreront ; que les liens entre nos deux territoires se raffermiront ; qu'une coopération durable et mutuellement avantageuse pour nos peuples s'établira pour sur longue période, quel que soit le statut que les Polynésiens choisiront.
La seule exigence que nous ayons à formuler aujourd'hui concerne l'aide de la France : il faut qu'elle profite, de façon égale, à chaque citoyen polynésien et à chacune des îles de tous les archipels.
Au-delà de la réforme électorale, ces deux projets de loi, nous proposent de renforcer la transparence de la vie politique en Polynésie. Nous souscrivons à cet objectif car nous sommes depuis longtemps convaincus que le manque de transparence nuit non seulement au bon fonctionnement des institutions, mais également au développement économique et social de ce territoire. Cette transparence est partout d'une impérieuse et urgente nécessité, peut-être là-bas plus qu'ailleurs. Elle ne devrait inquiéter personne.
Une grande partie des dispositions du titre II du projet de loi organique ne suscite pas de notre part de remarques particulières. Nous estimons qu'elles vont plutôt dans le bon sens. Il en va de même pour celles qui concernent le contrôle juridictionnel financier et budgétaire ainsi que celles contenues dans le projet de loi simple. À cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds publics en Polynésie française – réquisitoire cinglant contre la gestion du président Gaston Flosse alors en exercice – est tout à fait convaincant quant à la nécessité d'un meilleur contrôle de l'utilisation des fonds publics.
Certaines de ces mesures sont contestées par l'Assemblée de la Polynésie française, qui estime que « sous couvert de moralisation de la vie politique, l'État reprend certaines compétences et s'immisce dans le fonctionnement des institutions de la Polynésie française ». Cette préoccupation exprimée par la majorité des représentants élus des Polynésiens ne peut être ignorée et, quoi qu'il en soit, les citoyens polynésiens, dans leur ensemble, doivent être rassurés sur ce point.
Nous ne reprendrons pas à notre compte l'avis formulé par l'Assemblée de Polynésie française lorsqu'elle estime que le système électoral retenu est une prime à l'instabilité, mais nous ne sommes pas du tout convaincus, vous l'avez compris, qu'un changement de mode de scrutin puisse mettre un terme à l'instabilité politique dans ce territoire. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même dans le débat il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d'État, vous ne savez pas « si avec ce mode de scrutin nous aurons la stabilité en Polynésie ».
Avant de conclure, permettez-moi de formuler quelques remarques à propos de la décision du gouvernement de retenir la date du 27 janvier 2008 pour l'organisation du premier tour de scrutin aux fins de renouvellement anticipé de l'Assemblée de Polynésie française. J'avoue ne pas comprendre cette précipitation.
Vous avez fait remarquer, monsieur le secrétaire d'État, que les fêtes de fin d'année sont des moments particulièrement importants pour les Polynésiens. Elles suscitent une mobilisation intense des familles et des églises. La date retenue pour les élections ne laissera donc pas le temps nécessaire à un vrai débat, ni à une véritable campagne. Pour ces raisons très légitimes, la majorité des représentants des Polynésiens demande que les élections pour le renouvellement intégral de l'Assemblée soient organisées après qu'auront eu lieu les élections municipales de mars 2008. Pourquoi ne pas accéder à cette demande ?
Comment les Polynésiens peuvent-ils croire que Paris veuille favoriser la stabilité de leurs institutions si l'on commence par leur refuser ce qu'ils souhaitent majoritairement ?
Monsieur le secrétaire d'État, les députés de notre groupe ne croient pas que ces textes permettront de garantir un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes – et pourtant, c'est ce que nous souhaitons les uns et les autres. Ainsi que vous le dites vous-même, les citoyens polynésiens ne supportent plus de voir ces querelles politiques l'emporter sur l'action concrète. Ils ne supportent plus cette instabilité qui nuit au développement d'un territoire confronté à une situation économique et sociale difficile. Or nous redoutons que la portée limitée des dispositions de ce texte ne réponde pas à leurs attentes.
J'ai évoqué précédemment la loi organique promise pour 2008. À condition de ne pas manquer d'audace dans l'élaboration de son contenu, c'est cette loi qui permettra de donner à la Polynésie les moyens de la stabilité politique et du développement, et non ces textes. Nous le regrettons et, pour cette raison, notre groupe ne votera pas ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)