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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 29 avril 2010 à 15h00
Recherches impliquant la personne humaine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

D'après le rapporteur, les recherches non interventionnelles ou observationnelles ne disposeraient aujourd'hui d'aucun cadre législatif, ce qui « pénalise les chercheurs français qui veulent publier dans des revues scientifiques internationales, car celles-ci exigent l'avis d'un comité d'éthique ».

Cette proposition de loi propose donc de créer un cadre pour ces recherches qui seraient dorénavant soumises à l'autorisation préalable d'un comité de protection des personnes.

Je ne m'étendrai pas sur le fait de savoir si les recherches sur des cohortes doivent être considérées comme des recherches sur la personne. En revanche, je m'inscris en faux face à l'affirmation selon laquelle elles ne sont actuellement pas encadrées. Elles le sont, par la loi Informatique et liberté de 1978, dont le chapitre IX s'intitule précisément « Traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé. »

Les revues internationales exigent l'avis d'un comité d'éthique. Or l'article 54 de la loi Informatique et liberté a instauré un comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé, dont l'avis est obligatoire.

Son article 57 protège déjà les droits des personnes, puisqu'il prévoit que « les personnes auprès desquelles sont recueillies des données à caractère personnel ou à propos desquelles de telles données sont transmises sont, avant le début du traitement de ces données, individuellement informées de la nature des informations transmises ; de la finalité du traitement de données et des personnes physiques ou morales destinataires des données ». Elles disposent par ailleurs d'un droit d'accès et de rectification et d'un droit d'opposition.

Ainsi, avec ce texte, il est prévu en lieu et place de ces dispositions de solliciter un comité de protection des personnes choisi par les promoteurs des recherches. Non seulement ce comité est incompétent en matière de protection des données personnelles, mais ses missions ne sont pas clairement définies.

De surcroît, cette proposition de loi entérine le lent processus de détournement des missions initialement confiées à ces comités de protection des personnes.

Créés par la loi d'août 2004 sur la recherche biomédicale chez l'homme, les comités de protection des personnes ont initialement pour mission de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires qui s'appliquent aux recherches sur la personne. Ils ne sont donc pas à proprement parler des comités d'éthique. J'insiste sur ce point, alors que ce texte prévoit que les membres du comité de protection des personnes appelés à statuer sur un projet de recherche soient choisis par le promoteur du projet. Ces comités sont actuellement chargés de protéger les personnes sur lesquelles sont entreprises des recherches biomédicales, et non d'informer ou de conseiller les chercheurs ou de leur fournir l'avis dont ils ont besoin pour être publiés dans des revues internationales.

Si les chercheurs ont besoin d'une instance chargée de telles missions, il faut la créer et non détourner des siennes les comités de protection des personnes. Sinon, qui protégera les personnes se soumettant à des recherches biomédicales ?

J'ajoute que les comités de protection des personnes n'auront pas les moyens d'exercer les nouvelles tâches que vous voulez leur confier puisque, si ce texte prévoit bien d'accroître leurs missions, il n'en modifie pas le fonctionnement et ne prévoit pas de moyens supplémentaires.

Dans la précipitation, le Gouvernement a présenté, par l'intermédiaire de notre collègue Olivier Jardé, un texte important mais inopportun. Il n'est pas inutile pour autant, car une réflexion sur les attributions des comités de protection des personnes et sur la nécessité d'un véritable comité d'éthique distinct est essentielle. Elle dépasse le cadre de cette proposition de loi, et c'est plutôt dans celui de la révision des lois bioéthiques que doit s'inscrire une telle réflexion.

Un dernier mot pour revenir sur l'objectif annoncé de ce texte, à savoir relancer la recherche biomédicale en France.

Ce dont souffre la recherche biomédicale dans notre pays, c'est avant tout d'un manque de moyens. Les gouvernements de l'Union européenne se sont fixé un objectif de dépenses de recherche de 3 % du PIB en 2010. Avec à peine 2,1 %, la France en est encore loin. Il suffit de voir la situation de précarité dans laquelle se débattent de trop nombreux chercheurs qui doivent se contenter d'une bourse ne dépassant guère le niveau du SMIC et qui sont condamnés à enchaîner les CDD, pour mesurer l'importance du problème.

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