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Intervention de Martine Pinville

Réunion du 29 avril 2010 à 9h45
Création des maisons d'assistants maternels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Pinville :

Nous comprenons bien la volonté des auteurs de cette proposition de loi, qui entendent permettre aux assistants maternels de se regrouper pour assurer leur activité professionnelle. Toutefois, permettez-moi de rappeler, en amont, la situation à laquelle nous sommes confrontés ; mes collègues l'ont déjà évoquée, mais je tiens à y revenir.

Il manque près de 350 000 places de garde, tous modes confondus. Selon le Gouvernement, 200 000 places seulement feraient défaut. Le Président de la République avait pourtant promis, initialement, la création de 400 000 places d'accueil !

En effet, dans notre pays, le travail des femmes a sensiblement bousculé les habitudes des familles en matière de garde d'enfant. Cette question devient ainsi un véritable enjeu de société pour la France, dont le taux de natalité est supérieur à deux enfants par femmes. Cette situation est moins liée à une politique nataliste ambitieuse de notre pays qu'à l'existence de mesures sociales et législatives protégeant les salariées désirant devenir mères. Pour autant, elle est souvent synonyme, pour de très nombreux parents, d'importantes difficultés.

Le manque de place est aujourd'hui criant, comme nous l'avions dénoncé à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Un constat s'impose : le mode de garde est le plus souvent dicté par des contraintes financières. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales nous indique que, lorsque les parents travaillent, le mode de garde diffère selon le niveau de vie des ménages. Les familles, en milieu rural, ont peu de possibilités d'accès à des modes d'accueil collectif, et celles dont les revenus sont modestes ne peuvent employer d'assistants maternels. Un des deux parents est alors contraint de réduire ou d'interrompre son activité professionnelle.

L'absence de places dans les structures collectives, en particulier les crèches, est évident. C'est très logique, compte tenu du fait que les crèches pratiquent des tarifs différenciés en fonction des revenus ; pour les familles les plus modestes, la crèche reste le mode de garde le moins onéreux. C'est pourquoi de nombreuses familles demandent clairement l'augmentation du nombre de places en crèche.

Dans ce contexte de pénurie, le Gouvernement a néanmoins fait le choix d'accroître par de nombreux moyens la capacité d'accueil des assistants maternels. Il a ainsi modifié les règles d'attribution de l'agrément départemental et décidé de porter à quatre le nombre d'enfants que les assistants maternels sont autorisés à garder.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend à donner un cadre juridique aux maisons d'assistants maternels.

En fait, de quoi parlons-nous ? De la création d'un nouveau mode de garde collectif qui ne dit pas son nom. Or les règles proposées en matière de sécurité, de qualité d'accueil, d'information et de formation des professionnels sont très insatisfaisantes, notamment lorsqu'on les compare à celles qui sont en vigueur dans les crèches familiales ou les micro-crèches.

Je regrette que les règles minimales en matière d'accueil collectif, comme le projet éducatif ou encore l'encadrement nécessaire pour travailler dans de telles structures, soient totalement absentes. Le travail individuel chez soi est pourtant bien différent du travail effectué collectivement dans un local distinct de l'habitation.

Ce dernier mode d'exercice requiert des compétences particulières comme celles permettant d'animer et de gérer un groupe d'enfants, qui peut compter jusqu'à seize jeunes enfants d'âges différents, ainsi que des relations privilégiées avec de nombreux parents.

De plus, en rendant facultative et non plus obligatoire la convention entre les assistants maternels, le conseil général et la CAF ou la MSA, on ne garantit plus le minimum de sécurité juridique, le minimum de critères harmonisés pour assurer un bon fonctionnement, garantissant au plan national la qualité de l'accueil comme le souligne l'Assemblée des départements de France.

Par ailleurs, les maires souhaitent qu'un minimum de règles soient édictées avant d'accorder des aides sur ces futurs projets, aides qui pourraient consister en la mise à disposition de locaux ou en l'octroi de subventions.

Je voudrais également évoquer les modalités de mise en oeuvre de la délégation d'accueil. En effet, les parents auront le droit d'accorder à l'assistant maternel qui garde leur enfant le droit de déléguer cet accueil à un autre assistant. Dans ce contexte, nous aurons des horaires d'accueil élargis, au risque de voir trois assistants maternels s'occuper de treize ou quatorze enfants.

Comment réagiront les assurances si l'accident se produit lors d'une délégation à un autre assistant maternel et que les plannings ne sont pas tout à fait à jour ? Quelles seront les suites juridiques pour les maires qui mettront à disposition un local pour les assistants maternels ? La délégation représente en soi une remise en cause du lien traditionnel entre l'enfant, les parents et l'assistant maternel. Nous devons donc réfléchir aux conséquences de la rupture de ce contrat très fort qui existe aujourd'hui et auquel toutes les parties sont très attachées.

Enfin, il ne faut pas oublier que le premier critère de choix du mode de garde est essentiellement financier, comme je le rappelais précédemment. En effet, même si les familles bénéficient du remboursement d'une partie des frais de garde à travers la prestation d'accueil du jeune enfant, les coûts qui restent à leur charge, dans le cas où elles confient leur enfant à une assistante maternelle à son domicile ou, demain, au sein d'une maison spécifique, sont plus élevés que les sommes exigées dans le cadre d'un accueil collectif.

Encore une fois, je regrette que la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner ne soit pas destinée, par essence, aux familles disposant de faibles revenus, qui attendent du Gouvernement des propositions garantissant l'égalité de droits en matière d'accueil des jeunes enfants. Un service public de la petite enfance est donc nécessaire et urgent.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite, avec mes collègues, que vous nous fassiez part de l'avis de Mme Morano. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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