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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 29 avril 2010 à 9h45
Création des maisons d'assistants maternels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

J'espère qu'il n'y a pas de lien entre les deux faits, et que ce n'est pas non plus la manifestation d'une forme de désaccord sur la proposition de loi, puisque Mme Morano n'était pas plus présente lors des débats au Sénat.

Les recherches psychologiques et médicales réalisées depuis trente ans consacrent le rôle majeur joué par les premières années de vie d'un enfant dans son développement futur. Pourtant, le Gouvernement, voire le Président de la République, y oppose parfois un discours daté, jugeant qu'il suffit d'être mère pour savoir garder des enfants.

Je ne reviendrai pas sur les déclarations malheureuses de Xavier Darcos, pour qui le rôle des professeurs des écoles en maternelle se limitait à changer des couches et à surveiller la sieste. C'est dire l'importance accordée par un ancien ministre de l'éducation à la dimension éducative de l'éveil de ces jeunes enfants.

D'une manière générale, votre politique tend à remettre en cause la spécificité de la petite enfance pour l'assimiler à un service à la personne comme un autre. C'est d'ailleurs la raison qui vous conduit, dans le projet de décret préparé par Mme Morano, à éliminer toute référence à un projet éducatif. Pour notre part, nous maintenons au contraire que cette période correspond au premier temps de l'éducation et que l'accueil de jeunes enfants n'est pas un service comme un autre.

Engagé dans une logique du chiffre pour honorer la promesse présidentielle de 200 000 places supplémentaires – alors que, tout le monde le reconnaît, il en faudrait 350 000 et que la convention avec la CAF ne prévoit que 30 000 places de crèche supplémentaires –, vous faites primer la quantité sur la qualité. Cela vous conduit à chercher à abaisser les normes d'encadrement et de formation, et à favoriser l'émergence d'un secteur privé lucratif.

L'inquiétude des professionnels de la petite enfance est telle que leur mobilisation est sans précédent depuis trente ans. Ainsi, ils ont jugé nécessaire de se rassembler en créant le collectif « Pas de bébés à la consigne » pour protester contre votre politique, de se réunir ce matin devant l'Assemblée nationale, comme ils le feront, dans le cadre d'un mouvement de protestation et de grève, la semaine prochaine, le 6 mai.

Ce qui cristallise toutes les inquiétudes, c'est le fameux décret sur la petite enfance. La concertation avec les professionnels a tourné court, puisque vous avez rédigé ce projet de décret sans eux. Il est temps de reprendre la concertation.

Sur le fond, sa tendance générale est à l'abaissement des normes. Pour les micro-crèches, la durée d'expérience exigée d'une assistante maternelle est ramenée de cinq à trois ans. Le taux d'encadrement est modifié : le nombre d'enfants pouvant être accueillis en surnombre atteindra désormais 20 %. Il semblerait que le taux d'encadrement des jardins d'éveil soit réduit à une personne pour douze enfants, sans même parler de la suppression de la référence à un projet éducatif.

La politique menée par le Gouvernement tend à contourner les normes et à assouplir les réglementations existantes pour déréglementer un secteur qui nécessite pourtant un maximum de qualité et au sein duquel nous estimons que les économies n'ont pas leur place. Si nous n'y prenons garde, la généralisation des maisons d'assistants maternels participera pleinement de cette dérégulation du secteur de la petite enfance, quand bien même ce n'est pas leur projet initial.

Nous n'avons bien évidemment aucune prévention à l'égard des assistantes maternelles, bien au contraire, ni à l'encontre de leur aspiration à se regrouper. Mais, en l'état, votre proposition nous semble comporter davantage de risques que de progrès, tant pour elles que pour les familles.

Inspirée d'expérimentations intéressantes, notamment en milieu rural, mais qui connaissent des fortunes diverses, le dispositif des MAM – qui permet un accueil plus souple mais aussi un moindre coût pour les collectivités locales – a de quoi inquiéter, puisqu'il n'est pas soumis aux mêmes exigences que les structures d'accueil collectif et risque de donner naissance à des crèches au rabais.

À titre d'exemple, notons que la formation exigée des assistantes maternelles n'est fixée qu'à soixante heures. Encore le texte initial n'en prévoyait-il que trente. Cette formation n'aborde à aucun moment les problématiques inhérentes au travail en équipe et les questions de gestion.

Notons également l'absence totale de projet éducatif, de projet social et de projet d'établissement, et surtout de supervision.

La délégation d'accueil, qui est le coeur du dispositif, voire la raison d'être de la proposition de loi, conduira à diluer les responsabilités tout en brisant le lien privilégié qui unit l'enfant à son assistante maternelle, sans apporter la véritable sécurité juridique pourtant invoquée par le rapporteur.

Pouvant accueillir jusqu'à seize enfants, ces regroupements sont en réalité des structures d'accueil collectif déguisées. Quelle différence y a-t-il entre les regroupements d'assistants maternels et les micro-crèches, si ce n'est le niveau d'exigence et les normes ?

La semaine dernière, j'ai visité dans ma circonscription une crèche associative à gestion parentale, baptisée « Ribambelle », installée dans un appartement mis à disposition par la ville et agréée pour seulement douze enfants. J'ai constaté que son fonctionnement requiert au quotidien cinq professionnels et, surtout, une fonction de supervision, d'établissement des plannings, de gestion des absences, des congés, du budget, qui ne sera pas assurée dans une MAM accueillant seize enfants avec une amplitude horaire beaucoup plus large.

De nombreuses questions restent en suspens, auxquelles ni les débats au Sénat ni ceux en commission n'ont permis de répondre. Quid de l'accueil des enfants handicapés, de la responsabilité en cas d'accident, des exigences en matière d'hygiène alimentaire et de sécurité incendie ? Quid des quarante-huit heures hebdomadaires ? La loi autorise les assistantes à travailler quarante-huit heures par semaine parce qu'elles sont chez elles. Si elles sont regroupées au sein de maisons, cette dérogation se justifie-t-elle encore ?

De façon plus pratique, comment seront gérés les congés des assistantes maternelles ? Les parents s'attendront à une continuité de service, mais les assistantes ne seront pas toujours en mesure de l'assurer, surtout lorsqu'il y aura une absence, et à plus forte raison si elle est imprévue. Il y aura alors un surnombre, même si cela n'est pas autorisé. Qu'adviendra-t-il, alors, en cas d'accident ?

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