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Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 29 avril 2010 à 9h45
Restitution par la france des têtes maories à la nouvelle-zélande et gestion des collections — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Fourneyron :

..permet d'aboutir enfin.

En tant que députée-maire de Rouen, je ne peux que me réjouir que nous ayons pu faire avancer ce débat, modestement peut-être mais sûrement. Car de nombreux pays, à l'instar de la Grande-Bretagne, de l'Australie, de la Suisse, du Danemark, de l'Argentine, des Pays-Bas, de l'Allemagne et des États-Unis ont restitué près de soixante-dix têtes maories depuis 1987. Il est heureux que notre pays puisse rattraper son retard en la matière, même si la forme juridique de la loi de circonstance n'est sans doute pas totalement satisfaisante.

Nous pouvons donc considérer que, grâce à l'adoption de ce texte, la question du déclassement des têtes maories est réglée. Il appartiendra à chaque institution et collectivité d'entamer des démarches en vue de leur remise à la Nouvelle-Zélande. J'en profite pour rappeler qu'il ne s'agit pas de précipiter les choses, même si l'on peut comprendre l'impatience de certains. Je pense à notre collègue sénateur Richard Tuheiava qui souhaitait fixer un délai de restitution, car les autorités néo-zélandaises ont souligné le temps que prennent parfois certaines procédures et cérémonies. Pour autant, l'incertitude qui entoure le statut des restes humains – personne ou objet de collection – n'est pas levée.

Je reviens sur les interprétations contradictoires du juge administratif et du juge judiciaire. Le premier considère que la non-patrimonialité du corps humain ne s'applique pas aux restes humains détenus dans les musées puisque la vocation de ces derniers n'est pas marchande mais scientifique. Le second annule l'exposition Our body qui présentait des cadavres et des pièces anatomiques à des fins pédagogiques, au motif que « la commercialisation des corps par leur exposition porte une atteinte manifeste au respect qui leur est dû ». L'absence de consentement préalable à leur exposition était également mentionnée, ce qui n'était pas le cas pour les têtes maories.

Il s'agit donc de sujets complexes qui ne peuvent faire l'objet de législations passionnelles ou à l'emporte-pièce, mais dont la commission nationale des collections devra se saisir avec plus d'ardeur que précédemment si nous voulons sortir du statu quo.

Ce texte ouvre-t-il la boîte de Pandore ? Il faut tordre le cou une bonne fois pour toutes aux fantasmes du vortex des restitutions aspirant les collections des musées occidentaux, comme cela a d'ailleurs déjà été fait à maintes reprises. Les critères évoqués afin d'examiner ces demandes paraissent à la fois pertinents et raisonnables : demande officielle du pays d'origine, portée par un peuple vivant dont les traditions perdurent ; acquisition douteuse du bien culturel en question, contraire aux principes de dignité humaine ainsi qu'à celui du respect des cultures et croyances des autres peuples ; intérêt scientifique non démontré. Aux dernières nouvelles, les collections des pays qui ont procédé à des restitutions ne se sont pas vidées.

Le débat plus général sur les musées, l'éthique, la restitution est passionnant et complexe. Cela dit, la question spécifique des têtes maories, à laquelle répond l'article 1er, entre en résonance avec une série d'autres interrogations qui la dépassent. Le colloque très riche qui s'est tenu au musée Branly en février 2008 a permis à un certain nombre de scientifiques et de professionnels internationaux de les soulever. Les enjeux scientifiques, culturels, éthiques, identitaires, politiques s'enchevêtrent. Les uns mettent en avant la spoliation historique et artistique subie par les pays colonisés et plus généralement l'acquisition douteuse de certains de leurs biens culturels, tandis que d'autres en sont presque à défendre le droit au butin. On assiste parfois à une forme d'instrumentalisation démagogique des demandes de restitution, qui permet de masquer d'autres questions parfois plus essentielles. La vocation universaliste, scientifique et culturelle des grands musées sur laquelle chacun s'accorde, prend dans certains cas la forme d'un nouveau discours colonial. Et l'on s'inquiète, à juste titre, des dangers de restitutions précipitées qui malgré tout appartiennent aussi à notre histoire, qu'on en soit fier ou pas.

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