Ajoutons qu'il ne s'agit pas pour la Nouvelle-Zélande d'exposer les têtes, mais de permettre aux Maoris d'offrir à leurs ancêtres une sépulture digne, conforme à leurs rites.
Quatrièmement, l'intérêt scientifique des biens culturels n'est pas démontré. En effet, ces têtes, entrées dans les collections des musées comme objets de curiosité, n'ont pas suscité de recherches scientifiques. Si l'on considère néanmoins qu'elles constituent un témoignage historique et culturel intéressant, les méthodes actuelles de numérisation permettront d'en conserver la mémoire.
Dès la promulgation de la loi, les musées et leurs collectivités de tutelle devront donc rapidement tout faire pour restituer ces têtes à la Nouvelle-Zélande. Notre retard, alors que de nombreux pays ont déjà procédé à des restitutions, ne nous honore pas.
Quant aux trois articles ajoutés par le Sénat, ils découlent du constat d'un fait regrettable : la commission scientifique nationale des collections des musées de France, créée par la loi de 2002 relative aux musées de France à la suite du précédent de la « Vénus hottentote », ne joue pas son rôle en matière de déclassement, puisqu'elle n'a encore rendu aucun avis. Le rapport sur l'inaliénabilité des collections publiques remis par Jacques Rigaud en février 2008 – et sur lequel je ne reviendrai pas, puisque monsieur le ministre l'a longuement évoqué – le souligne du reste également.
L'article 2 confie plusieurs missions à la nouvelle commission scientifique nationale des collections. Celle-ci devra notamment formuler des recommandations en matière de déclassement des biens appartenant aux collections publiques et émettre un avis sur les décisions de déclassement de biens appartenant aux collections des musées de France, mais aussi au fonds national d'art contemporain. Elle conseillera en outre les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain dans l'exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant à leurs collections.
D'autre part, la composition de la commission est étendue à des personnalités qualifiées – notamment des anthropologues et des philosophes, qui pourront apporter un éclairage intéressant sur ces questions de déclassement –, aux représentants des collectivités territoriales, mais aussi aux parlementaires, alors que la précédente commission était très majoritairement constituée de conservateurs et de professionnels des musées.
L'article 4 précise que la commission devra remettre, un an après la publication de la loi, un rapport au Parlement établissant sa doctrine en matière de déclassement et de cession des biens appartenant aux collections. En effet, il est important que le Parlement soit informé de ses travaux, afin de s'assurer des suites concrètes qu'elle entend donner à la volonté, maintes fois exprimée par le législateur, d'amener les professionnels à étudier cette question, notamment le problème spécifique des restes humains.
Il faudra veiller à ce que la nouvelle commission puisse travailler dans un contexte dépassionné à l'élaboration de cette doctrine. Le sujet reste en effet sensible et son traitement ne doit pas conduire à affaiblir le régime de la domanialité publique et de l'inaliénabilité des collections. La procédure de déclassement doit être fondée sur une démarche scientifique rigoureuse et mise en oeuvre selon une procédure très encadrée. En ce sens, je pense que le texte transmis par le Sénat apporte toutes les garanties.
Je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi dans sa rédaction issue du Sénat : il s'agit d'une proposition équilibrée, résultat d'une réflexion et d'une démarche éthique, légitime et opportune…