Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean Grellier

Réunion du 28 avril 2010 à 15h00
Débat sur l'évolution de l'emploi industriel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier nos collègues du groupe GDR qui ont permis la tenue de ce débat sur l'emploi industriel.

Compte tenu du temps qui lui est consacré, il faut souhaiter qu'il soit le départ d'une réflexion et d'une action d'envergure de notre assemblée sur l'avenir de l'industrie en France, avec deux priorités que sont les emplois correspondants et l'urgence de la situation.

En effet – cela a été dit –, depuis huit à dix ans, ce sont plus de 500 000 emplois qui ont été perdus dans le secteur industriel dans notre pays, avec le cortège de pertes d'activités, de fermetures d'usines, de délocalisations et de licenciements que cela suppose.

Trop longtemps, on a cru que le libéralisme, voire l'ultralibéralisme, liés à la mondialisation, allaient permettre de rebondir et de trouver des solutions, y compris avec des transferts d'emplois dans les services. Pendant ce temps, l'action publique s'est réduite à sa plus simple expression ou a été diluée dans une panoplie d'aides peu efficaces. Seule la notion de pôle de compétitivité a été mise en oeuvre, sans pour cela corriger totalement les effets de cette mondialisation non maîtrisée qui continue de fragiliser notre industrie.

La crise financière de l'automne 2008 a accentué les difficultés, qui se sont traduites par une accélération depuis deux ans des fermetures d'usines, des licenciements et des délocalisations, même si certains secteurs tentent courageusement de résister ou de se transformer. En conséquence, si une mobilisation générale de nos capacités industrielles, accompagnée fortement par la puissance publique, n'est pas décrétée rapidement, nous pouvons avoir de grandes craintes pour les prochains mois et les prochaines années.

À l'automne dernier, monsieur le ministre, vous avez effectivement lancé les états généraux de l'industrie, initiative que l'on peut considérer comme positive, que ce soit dans son concept ou dans son déroulement, même si les délais pour l'échange et la réflexion ont été trop courts au regard des enjeux. Ces états généraux ont permis de dresser le constat selon lequel l'industrie française souffrirait de problèmes de compétitivité en matière de prix, d'un manque de recherche et d'innovation, et de difficultés de financement, ces différents handicaps – sans doute trop rapidement résumés –, étant en partie liés.

Le jeudi 4 mars dernier, après qu'un rapport lui eut été remis le 16 février à l'Élysée, le Président de la République, chez Eurocopter à Marignane, a clos les états généraux de l'industrie. Malheureusement, permettez-moi de vous le dire, cette journée ne marquera certainement pas l'histoire de l'industrie française, les propositions du Président de la République étant, à mon avis, très loin de la révolution industrielle que vous aviez annoncée, monsieur le ministre, lors du lancement de ces mêmes états généraux. Elles s'additionnent aux autres procédures déjà engagées ou en cours, voire se confondent avec elles. Je pense notamment à certaines propositions du rapport Attali, à la notion de pôle de compétitivité et aux activités qui y sont liées, aux récentes assises des territoires ruraux, aux objectifs annoncés du grand emprunt, voire, pour certains territoires, à la mise en oeuvre des schémas régionaux de développement économique, sans oublier certaines missions confiées à des parlementaires sur les PME ou encore sur l'économie sociale.

Tout cela ne permet pas d'obtenir de la cohérence, avec une vision, des objectifs clairs sur l'avenir de l'industrie en France, si bien que les quelques annonces faites par le Président de la République ne répondent en aucun cas à ces enjeux, ni aux conclusions – nettement plus ambitieuses – des groupes de travail nationaux et régionaux des états généraux.

L'affectation annoncée de 6,5 milliards du grand emprunt – il s'agit donc d'une dette supplémentaire pour l'État – n'est pas a priori, à ce jour, déterminée précisément. Ainsi, le douloureux problème du financement et de la capitalisation des entreprises industrielles n'a toujours pas de solution à la hauteur des besoins.

L'évolution de la place des salariés au sein des entreprises, mais aussi les thèmes de l'orientation des jeunes vers les filières industrielles et de leur formation, n'ont pas été abordés par le Président de la République. Il n'a pas manqué toutefois de faire des incantations vis-à-vis de l'Europe ou encore du G 20 et du G 8, mais sans perspective de résultats à court terme.

Par ailleurs, l'idée, qui peut apparaître positive, du médiateur de la sous-traitance, ne pourra s'exprimer que s'il y a une vraie stratégie de rapprochement et de complémentarité entre les grands donneurs d'ordre et les sous-traitants, dans un véritable esprit de coopération.

L'idée de l'organisation en filières s'inscrit dans la même exigence stratégique et il est difficile de comprendre comment elle s'intégrera dans la réalité des pôles de compétitivité.

Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une grande déception affecte aujourd'hui toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour ces états généraux, au regard de l'ambition que vous aviez affichée lors de leur lancement et du peu de retombées que nous constatons aujourd'hui pour assurer l'avenir de notre industrie, mais surtout des emplois et des richesses qu'elle procure encore à nos territoires ?

Il est aujourd'hui nécessaire d'engager politiquement une action publique forte, qui passe, à mon avis, par la création d'un outil financier public qui soit puissant et d'envergure ; un outil qui apporterait un soutien significatif aux différentes filières industrielles, compensant le trop fort intérêt des fonds d'investissements pour les gains à court terme, et le peu d'empressement du secteur bancaire traditionnel à prendre des risques – ce qui ne doit pas empêcher de solliciter sa participation.

Il faut également achever la décentralisation de 2004 en donnant aux conseils régionaux la totalité de la compétence en matière de développement économique, afin de leur permettre d'agir sur les principales filières industrielles se trouvant à proximité, en s'appuyant sur des coopérations interrégionales et – pourquoi pas ?– sur une contractualisation claire avec l'État sur les problématiques d'amont et d'aval de l'industrie,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion