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Intervention de Gérard Charasse

Réunion du 28 avril 2010 à 15h00
Débat sur l'évolution de l'emploi industriel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai la conviction que le débat lancé par le groupe GDR est essentiel. En effet, le sujet traverse toutes les couches de la population, les partis politiques, les organisations syndicales.

Nous sommes effectivement à un tournant. Nous avons assisté, avec désespoir, parfois aussi avec violence, au départ de nos industries, aux délocalisations, terme d'ailleurs inventé pour cela. Dans le bassin d'emploi de Vichy, ce sont ainsi 800 emplois directs qui ont disparu en quelques années.

J'ai vu Sediver, archétype de l'entreprise privée européenne, partir en Chine, déboutée deux ans après de la justification économique donnée à son départ. Ce n'était qu'une mauvaise excuse.

J'ai vu se réduire puis s'en aller Manurhin, filiale de Giat, aujourd'hui Nexter. Cinq ans après, l'analyse économique de l'époque s'avère fausse, comme nous l'avions dit, au point que la production n'a pu reprendre ailleurs et que l'armée française qui s'équipait à Cusset et Bellerive, achète plus cher sur étagère des munitions que l'on hésite à charger dans le canon d'un Rafale.

J'ai aussi vu se réduire, mais rester, Applifil. Cette délocalisation sans analyse devait se faire une nuit au coup de poing. Nous nous y sommes physiquement opposés.

Ces trois événements, qui existent hélas ! à des centaines d'exemplaires, montrent la dimension collective d'intérêt général de l'acte de production lorsqu'il mobilise des moyens à cette échelle. Cela justifie la nécessité pour l'État de s'intéresser et d'agir dans ce secteur.

Ajoutons à cet argument, qui vaut à toutes les échelles, d'abord l'interdépendance avec le secteur tertiaire, voire ce que nous appelons le quaternaire. Ce secteur mis en avant vit, dans mon département, pour moitié de la commande industrielle, pour moitié des ménages dont le dynamisme tient aux revenus du travail, de la redistribution. Dans l'Allier, en période de crise, c'est l'industrie qui amortit les chocs de conjoncture.

L'engagement public dans l'industrie a connu deux temps : le temps de l'État entrepreneur, s'appuyant notamment sur la constitution de champions nationaux ; le temps de l'État facilitateur, avec la constitution des pôles de compétitivité. Les interlocuteurs de l'État ont d'abord été les grands groupes. Mais la mesure d'une unité de production n'est pas celle du groupe qui la soutient. Nous en savons quelque chose, à Vichy notamment.

En fait, la vraie question est de savoir si la politique industrielle a encore une place. À partir de l'histoire et de l'actualité, nous, radicaux, répondons oui. C'est grâce à l'action publique que la France dispose d'entreprises dans les tout premiers rangs mondiaux et d'avantages décisifs de compétitivité dans l'aéronautique, l'espace, le TGV, le pétrole et l'énergie nucléaire. De plus, la globalisation marque à l'évidence une pause. La poursuite de la libéralisation des marchés financiers est mise en cause par la crise bancaire, les fonds souverains, la sous-évaluation de la monnaie chinoise, la raréfaction des ressources, la course à la sécurisation des approvisionnements en matières premières. Tout nous dit la nécessité d'une politique industrielle, avec cinq piliers : l'initiative, l'outil, le financement, les hommes, l'aménagement.

Premièrement, l'initiative doit être partagée. Il n'y a pas de honte pour un État à dire qu'il veut devenir terre d'accueil de la recherche, du développement de telle ou telle industrie, orientation politique à choisir et à assumer sur le long terme, où la continuité républicaine doit être respectée. Mais l'initiative doit aussi être celle des industriels. Un patron de PME ou de PMI doit pouvoir dire à l'État qu'il a besoin d'aide dans ses projets de réactivité. Nous avons malheureusement tant de corps intermédiaires qu'aucun chef d'entreprise modeste ne peut avoir accès à la pleine mesure des leviers publics. D'où l'idée d'une Agence européenne de l'innovation industrielle adossée à la Banque européenne d'investissement.

Deuxièmement, l'outil de production est le coeur de l'efficience où l'investissement doit porter. Une remise à niveau s'impose pour nos investissements. À cet égard, les fonds du CIR pourraient être efficacement utilisés.

Troisièmement, le financement. Une entreprise sur deux est en situation de sous-capitalisation, menace permanente sur l'entreprise et les emplois. Pour y remédier, au-delà des fonds d'adossement régionaux, il faut mobiliser des fonds aujourd'hui captés par des banques aux desseins variés, parfois très éloignés de notre pays. Je pense à l'épargne française notamment.

Quatrièmement, les femmes et les hommes. Comment faire fonctionner un système industriel sans eux ? La difficulté, c'est l'adaptation. C'est donc vers la formation continue que doit porter l'effort. Les radicaux ont déjà proposé la mise en place du revenu d'insertion professionnelle et du compte individuel formation. D'autres y ont réfléchi.

Cinquièmement, enfin, que celles et ceux qui regardent encore d'un bien mauvais oeil l'État s'engager dans le secteur économique veuillent bien considérer cela comme un investissement. Si l'engagement de l'État est mesuré, juste, les entreprises vivront mieux, se développeront. C'est à la clé, pour nos territoires, de l'emploi, de la redistribution, de la confiance, un cercle vertueux que, par essence et par construction, l'investisseur privé, solitaire, ignore.

Telles sont, monsieur le ministre, les options défendues par les radicaux, fruits de réflexions, de confrontation avec la réalité. Ces propositions méritent l'attention du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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