Il est donc bien difficile de franchir l'obstacle constitutionnel de la procédure, bien que vous ayez imaginé de passer par le Parlement pour y parvenir. Vous vous appuyez sur une jurisprudence qui a fait largement débat au Conseil d'État, et qui concerne la Nouvelle-Calédonie : la décision du 23 mai 1979. Vous constaterez, en lisant les attendus de cette décision, qu'en aucun cas, elle ne s'applique aux conditions dans lesquelles vous nous proposez l'abréviation – puisque tel est le terme consacré – du mandat des élus de Polynésie française.
Je remarque – quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d'État – que votre projet remet en cause des éléments du statut de 2004, qui allaient vers une autonomie du territoire polynésien. Il n'est pas avéré que le Gouvernement soit légitime et n'outrepasse pas ses pouvoirs, en demandant au Parlement de voter la dissolution de l'assemblée nationale d'un territoire qui dispose d'un statut d'autonomie.
Une abréviation, dans les conditions prévues par votre texte, pourrait être considérée comme affectant les conditions d'exercice de la libre administration des collectivités territoriales, en l'occurrence d'un territoire qui, le premier, a obtenu un statut d'autonomie dans notre histoire.
Monsieur le secrétaire d'État, avant même que le débat parlementaire soit engagé, vous avez annoncé la date des élections anticipées pour l'Assemblée de Polynésie française : le 1er tour aurait lieu le 27 janvier, et le second tour le 10 février, moins d'un mois avant le 1er tour des élections municipales, qui se déroulera le 9 mars, comme en métropole.
Moins de deux mois s'écouleront entre l'adoption de ces textes et les élections. Le délai entre ce scrutin et l'échéance des municipales sera encore plus court. La succession de ces deux élections ne facilitera pas la transparence que vous prétendez rechercher. Elle suscitera, au contraire, la confusion la plus totale.
Il est à craindre, dans la mesure où les élections à l'Assemblée de Polynésie n'auront pas pu dégager de majorité absolue – hypothèse probable de l'avis même des élus polynésiens –, que les municipales ne se déroulent pendant les opérations électorales pour l'élection du président de l'assemblée.
Les élections à l'Assemblée de Polynésie vont donc interférer sur le vote des municipales. Il sera ainsi porté atteinte à l'objectivité et à la sincérité qui doivent présider à toute consultation. C'est une difficulté sur laquelle nous souhaiterions aussi connaître vos propositions.
Monsieur le secrétaire d'État, il est bien difficile de justifier cette réforme. En réalité, elle ne répond pas aux objectifs que vous lui assignez. Il s'agit seulement d'un texte d'opportunité pour le Président de la République et pour le Gouvernement. Mais, c'est un texte d'inopportunité pour le peuple polynésien.
Cette réforme improvisée s'apparente à un coup de force. Ces méthodes ont déjà existé. En 2004, la majorité était dans une stratégie purement politicienne. Aujourd'hui, elle essaie d'influer sur les urnes et sur le vote des Polynésiens, en jouant sur le calendrier électoral. C'est ce que l'on pourrait appeler une manipulation.
Le statut, taillé sur mesure pour Gaston Flosse, ne l'avait pas mené à la victoire. Les réformes ad hominem sont souvent des boomerangs. J'ai cru comprendre que vous refusiez d'assumer la continuité de la politique polynésienne et de l'équipe précédente. Pourtant, vous ne vous en écartez ni dans les principes ni dans les méthodes. Vous ne voulez pas prendre vos responsabilités et dissoudre vous-même l'Assemblée de Polynésie. Vous demandez donc au Parlement de prononcer une dissolution, tout simplement pour ne pas paraître tirer les ficelles et exercer une sorte de mise sous tutelle. C'est assez peu glorieux, monsieur le secrétaire d'État !
Au passage, j'observe vous ne vous inscrivez pas dans la rupture, mais plutôt dans la continuité de vos prédécesseurs. Vous cherchez à provoquer le retour au pouvoir de vos amis. Ces manipulations sont mal vécues, chacun le comprend, par le peuple polynésien sur lequel elles font peser une présomption d'immaturité.
Ces méthodes, mon groupe n'y souscrit pas. Nous n'avons aucune raison politique de procéder à cette ingérence, et aucun droit pour le faire. Je pense même avoir démontré qu'avec ces projets de loi, vous dérogez au droit constitutionnel.
La Polynésie est mûre pour vivre sa vie sans interférences de Paris. Du reste, j'imagine comment est appréciée la manoeuvre scélérate, dirai-je, que tente le Nouveau Centre avec le Fetia Api, pour assurer ses fins de mois, grâce à une petite OPA amicale, dont je n'imagine pas qu'elle ne soit pas avalisée par l'UMP.