Monsieur le président, je ne peux que me réjouir d'être auditionnée par votre Commission. Nous avons la conviction, au CSA, que les télévisions locales ont un avenir et qu'elles intéressent tous nos concitoyens sur tout le territoire français, mais nous avons besoin, pour garantir leur développement, de la mobilisation de tous les acteurs publics, au premier rang desquels la représentation nationale.
Ce qu'a rappelé le président Kert est tout à fait conforme aux conclusions du CSA. Je souhaite néanmoins rappeler ce que nous avons fait, dire ce que nous faisons et indiquer les mesures que nous pourrions envisager.
Les chaînes locales sont un formidable outil de développement social et culturel à la disposition des territoires et, même si elles ne recueillent pas encore une audience très importante, elles sont appréciées par le public partout où elles existent. D'où notre conviction que la France doit se couvrir de télévisions locales, à l'instar de ses voisins européens. Le Conseil a donc saisi l'opportunité offerte par le passage au numérique pour lancer un plan de développement important. Il n'en est pas moins conscient des difficultés rencontrées par ces télévisions, même si elles affichent actuellement un léger mieux incontestable, et la nécessité de repenser leur équilibre économique lui apparaît flagrante.
La situation est au demeurant très contrastée parmi ces 45 télévisions – qui devraient d'ailleurs être 50 ou 55 d'ici à la fin de l'année. Et, contrairement à ce que la presse a affirmé ces derniers temps, il n'y a pas eu de dépôt de bilan. Trois d'entre elles seulement ont été soumises à une procédure de redressement – à Nantes, Orléans et Toulouse –, mais elles ont rapidement amélioré leur position. D'autre part, d'importants groupes, comme Bolloré, manifestent aujourd'hui leur intérêt pour ce monde des télévisions locales.
L'équilibre peut donc être trouvé. Plusieurs pistes ont été envisagées par le CSA. Certaines requièrent l'intervention du législateur mais, avec l'engagement de tous – pouvoirs publics, collectivités locales, presse quotidienne régionale –, nous pouvons offrir demain à tous nos concitoyens un paysage stabilisé de télévisions locales qui réponde à leur appétence pour l'information locale comme pour de nouvelles possibilités de loisirs et de découvertes.
Le développement des télévisions locales a été un axe majeur de la politique audiovisuelle numérique du CSA. Depuis 2007, ce dernier a mené une politique très volontariste, pour rattraper notre retard par rapport aux pays voisins – Espagne, Royaume-Uni, Italie ou Belgique. Dès le mois de septembre, 18 télévisions locales diffusées en analogique sont passées en numérique sur le GR1. Parallèlement, le CSA a lancé des appels à candidatures pour des zones jusqu'alors dépourvues de télévisions locales hertziennes. Aujourd'hui, 45 émettent sur la TNT, soit plus du double du nombre de celles qui fonctionnaient en analogique en 2007. Nous pouvons penser que d'ici à 2011, il y aura en métropole environ 70 télévisions locales diffusées par voie hertzienne numérique. Ce développement est voulu et réfléchi : il s'appuie sur des études économiques solides, sur l'extension de la TNT et sur la demande des départements et des régions. C'est pourquoi, après une période de fléchissement due à la crise, le CSA a repris sa politique d'appels à candidatures et de présélection de nouvelles télévisions – je citerai par exemple Direct Azur sur la Côte d'Azur ou Mirabelle TV en Lorraine.
Ce développement obéit à une logique économique. Il est en effet nécessaire d'atteindre une masse critique de chaînes locales pour envisager une syndication publicitaire, nationale et surtout régionale, indispensable à leur viabilité, mais aussi pour réduire les coûts de diffusion.
Le CSA n'oublie pas pour autant les télévisions locales diffusées sur le câble ou l'ADSL, au nombre de 116. Il veille à ce que les distributeurs respectent les engagements pris à leur égard, où à ce qu'elles trouvent leur place dans les nouveaux appels à candidatures sur la TNT, en association avec d'autres chaînes.
Partout où elle existe, la télévision locale est parvenue à fidéliser un public, preuve que cette « télévision miroir », authentique et familière, répond à une véritable attente. Il faut maintenant que cela se traduise en parts d'audience et en durée d'écoute. Le défi est d'autant plus compliqué que les histoires comme les situations sont contrastées, certaines présentant d'importants déficits structurels. C'est cette situation délicate qu'il faut analyser pour trouver des remèdes également structurels.
Une étude de Didier Bailleux, datant de 2008 mais réactualisée en 2009, montre que, sur les trente chaînes locales examinées, huit sont à l'équilibre, les autres affichant un déséquilibre beaucoup moins important en 2009 qu'en 2008, et a fortiori qu'en 2007. Pour autant, elles traversent une période délicate en raison de la crise et du retrait, parfois brutal, de certains groupes comme les Caisses d'épargne et le Groupe Hersant Média, ou de journaux importants comme Ouest-France ou Le Progrès de Lyon.
Il est très difficile d'établir une corrélation directe entre la taille du bassin desservi et la situation économique des chaînes ; en revanche, celle-ci dépend beaucoup de la programmation, qui n'est pas sans effet sur les recettes publicitaires, du modèle plus ou moins récent de la chaîne, qui influe sur les coûts de structure, ainsi que de la participation ou non de la presse quotidienne régionale et des collectivités locales.
S'agissant de la programmation, c'est l'information locale qui est la plus fédératrice. La durée d'écoute des télévisions locales est souvent trop faible, ce qui rend leur audience difficilement « monétisable » pour la publicité nationale. De toute façon et quelle que soit la régie, les dirigeants de ces télévisions ne s'attendent pas à des ressources publicitaires nationales excédant 5 ou 10 % de leurs ressources totales. En revanche, la publicité locale ou régionale, qui est déjà très importante, peut être très largement développée.
Le Conseil n'est pas opposé, bien au contraire, à une syndication horizontale, sur un vaste espace régional, qui permet de proposer des programmes communs. En revanche, nous sommes extrêmement réservés, et moi la première, quant à l'idée d'une syndication verticale, nationale, qui consisterait à reprendre les mêmes programmes sur toutes les chaînes métropolitaines pour augmenter leur durée d'écoute, aux mêmes horaires, dans l'espoir d'attirer une publicité nationale. Au fil des études effectuées tant par nos services que par les intéressés eux-mêmes, il est apparu que ces syndications nationales étaient très difficiles à mettre en place, si ce n'est impossibles, et surtout qu'elles aboutiraient à priver les chaînes locales de leur spécificité, de leur âme même. Le public désire le plus possible de programmes locaux et de proximité et le risque de désaffection serait donc grand, comme le confirme l'exemple des télévisions d'agglomération allemandes qui ont suivi cette voie. Nous sommes donc favorables à un assouplissement, mais sans remettre en cause l'esprit de la programmation de proximité.
S'agissant des partenariats que peuvent nouer les chaînes locales, on songe d'abord, bien sûr, à la presse quotidienne régionale : si, comme je l'ai rappelé, le Groupe Hersant Média, Ouest-France ou Le Progrès se sont retirés des télévisions locales, d'autres groupes y sont très présents.
L'autre partenaire sur lequel nous comptons beaucoup, ce sont les collectivités territoriales. Depuis 2004, la loi permet en effet à des sociétés d'économie mixte de répondre à des appels à candidatures dans ce secteur. La participation moyenne des collectivités, faible dans les chaînes analogiques – autour de 15 % –, est ainsi passée à environ 40 % dans les chaînes locales de la TNT, et la proportion ne cesse d'augmenter.
Il faut donc essayer de développer des partenariats avec les collectivités locales et, le cas échéant, avec la PQR.
Le CSA avait mis à l'étude et même en application différentes mesures pour alléger les charges des télévisions locales : assouplissement temporaire des règles relatives aux émissions en première diffusion, renforcement des synergies entre les chaînes, mise en place de syndications de programmes à l'échelle régionale, reprise sur le câble ou l'ADSL, établissement de liens avec les clubs sportifs, arrêt anticipé de la diffusion en analogique.
La réglementation publicitaire pourrait également être revue : nous souhaitons que la publicité pour les promotions exceptionnelles des grandes surfaces, actuellement interdite, devienne possible sur les télévisions locales, en partenariat avec la PQR, dans une optique de complémentarité plus que de substitution.
Le Conseil propose également de permettre les rapprochements capitalistiques entre certaines chaînes issues du même bassin régional, en vue de former des ensembles ayant la taille critique, et d'encourager la mutualisation des moyens techniques. Déjà, la loi du 5 mars 2009 a assoupli les règles relatives au chevauchement géographique pour les télévisions locales détenues par le même opérateur.
Nous pourrions enfin faire d'autres propositions. Pourquoi ne pas réfléchir à des partenariats avec France 3 ? Pourquoi ne pas demander aux chaînes locales de participer à l'information des Français sur le passage au tout numérique, au travers d'émissions pédagogiques ? Mais je laisse à d'autres d'aborder l'épineux problème des coûts de diffusion…