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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 7 avril 2010 à 11h45
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Monsieur Lecoq, d'aucuns estiment que je suis trop pro-israélien, d'autres que je suis exagérément pro-palestinien. Nous ne menons pourtant qu'une politique. Celle-ci est peut-être insuffisante mais, au demeurant, nous faisons pression. J'ajoute que le problème palestinien et le problème sahraoui sont totalement différents et je réfute l'expression « diplomatie de la honte ». Nous n'avons cette image ni en Israël ni en Palestine ; nous sommes au contraire réputés proches des gens et porteurs de projets communs avec eux, surtout après la Conférence de Paris, en faveur des Palestiniens et de Gaza.

Nous condamnons très fermement la colonisation et la façon dont elle se poursuit, à Jérusalem comme dans l'ensemble des territoires palestiniens occupés. Les discours du Président de la République devant la Knesset et à Ramallah étaient explicites ! Toutefois, pas plus que la Russie, la Chine ou les pays arabes, nous ne pouvons empêcher que ces décisions soient prises. Il convient de tenir compte de cette réalité, non pas pour l'accepter mais pour remettre en cause nos analyses : comment faire, maintenant ? Si la solution était évidente, elle aurait été trouvée.

L'opposition israélienne, pour le moment, est attentiste. Mme Livni, qui dirige Kadima, n'entend pas rejoindre la coalition mais elle pourrait changer d'avis. Elle s'est montrée particulièrement décidée dans ses prises de position consécutives à certains attentats et elle a souligné que la politique menée du temps où elle était ministre s'était montrée plus efficace, tant pour la colonisation que pour le dialogue avec les Palestiniens – les pourparlers de paix directs étaient plus avancés qu'aujourd'hui, avec des résultats tangibles, notamment sous la forme d'une carte. La coalition a changé et, après les élections aux États-Unis, eu égard à son positionnement sur l'échelle gauche-droite, il était prévisible que le nouveau président américain se montre plus déterminé. Personne ne connaît la recette et je vous assure que la position de la France est très appréciée, en particulier du côté palestinien.

Quoique je connaisse bien Tindouf, je ne suis pas responsable du problème sahraoui ! La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques du monde. À l'instar de l'ONU, nous avons salué comme une avancée la proposition d'autonomie déposée par les Marocains sur la table du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.

Monsieur Rochebloine, ce n'est pas moi qui écris les communiqués de M. Lieberman ; notre politique n'est pas du tout la sienne. Cela dit, que faire ? J'ai pris mes responsabilités. Mon opinion personnelle demeure, mais la politique de la France n'est pas de reconnaître par avance un État palestinien. Le discours de la France est clair : promouvoir des négociations véritables, interrompues actuellement.

Madame Ameline, j'ai assisté, hier soir, à Versailles, au spectacle merveilleux donné devant M. Erdogan et la délégation turque. M. Larcher, qui recevait, et M. Erdogan ont prononcé des discours clairs : la France n'a pas fermé la porte aux négociations d'adhésion et un certain nombre de chapitres seront successivement ouverts ; la Turquie, de son côté, veut devenir membre à part entière de l'Union européenne. Ma position personnelle est connue et demeure mais elle est parfois desservie par la façon dont la position turque s'exprime.

Bien malin qui donnerait les résultats des élections britanniques du 6 mai. Il y a huit jours, on aurait parié que les travaillistes pouvaient l'emporter mais, d'après le dernier sondage, l'écart se creuse à leur détriment. M. Cameron et M. Hague, qui devrait être son ministre des affaires étrangères, m'ont assuré que le partenariat entre nos deux pays serait maintenu. Ainsi, M. Hague m'a affirmé qu'il aurait participé à l'opération de maintien de la paix que nous avons organisée au Tchad.

Votre serviteur, qui a prononcé le discours de Rome sur la CPI, souhaite évidemment que le projet de loi soit adopté. Toutes les dispositions du Traité relatives à la coopération ont déjà été transposées en droit français mais il reste nécessaire d'adopter un projet de loi.

Madame Aurillac, dans son discours de Prague, M. Obama a proposé un monde sans armes nucléaires. Nous y sommes très favorables mais ce n'est pas pour tout de suite. Je rappelle que 95 % des têtes nucléaires déclarées appartiennent aux États-Unis et à la Russie. Nous en annonçons entre 200 et 300 mais nous n'en sommes pas là. Les Britanniques affirment qu'ils ont réduit leur arsenal des trois quarts quand nous nous serions contentés de démanteler la moitié du nôtre, mais il faut dire que nous maîtrisons toute la chaîne et n'avons besoin d'aucune assistance, ni pour la maintenance ni pour le démantèlement.

Les ministres des affaires étrangères du G8, à Ottawa, la semaine dernière, ont discuté du sujet et voici la position que j'ai défendue : il est hors de question que la France, qui n'est pas une nation belliciste, change de politique, alors que le Traité signé depuis lors entre la Russie et les États-Unis reste très déclaratoire ; notre force de dissuasion n'attaquera jamais personne mais nous la maintenons. Après mes propos, la réaction la plus vive est venue des Japonais, qui ont le souvenir des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. Avant d'envisager un monde débarrassé des armes nucléaires, nous souhaitons que soient réglés les problèmes de dispersion manifeste ou du moins suspectée en Iran et en Corée du Nord.

Monsieur Christ, j'ai essayé de nous faire participer à la MONUC en y affectant au moins quelques officiers français pour y entraîner les forces à Goma mais j'ai échoué. Au demeurant, nous réduisons plutôt le format de nos forces en Afrique : c'est bien, mais tout dépend des situations. La mise en oeuvre du droit d'ingérence régresse. Des opérations en faveur de la défense active des droits de l'Homme, qui ont plutôt bien réussi il y a quelque temps, ne seraient plus possibles aujourd'hui. Du point de vue de la conscience universelle, nous n'accomplissons pas de progrès. C'est pourquoi j'ai été si heureux de m'être débattu avec succès à propos de la Guinée. La semaine dernière, nous avons reçu Sékouba Konaté, le président intérimaire ; les élections sont toujours prévues pour le 27 juin : espérons qu'elles puissent se tenir.

Pour revenir à la MONUC, nous avons expliqué à Joseph Kabila qu'il n'est pas raisonnable de demander le départ des forces – nous avons d'ailleurs accompli la même démarche en direction d'Idriss Déby, qui formulait une demande similaire – avant 2011. Après cela toutes les installations seront transmises à l'armée congolaise. Le président Kabila demande plus particulièrement un retrait de tous les territoires hormis ceux des deux Kivus. Mais les Kivus sont-ils vraiment protégés ? La MONUC, hélas, n'a pu réagir aux derniers massacres perpétrés par l'Armée de résistance du Seigneur, venue d'Ouganda, car, au-delà de trente ou quarante kilomètres de Goma, où je me suis rendu il y a peu, il devient difficile d'intervenir.

Monsieur Garrigue, il existe un problème de frontières entre le Koweït et l'Irak. L'Irak ne doit pas le traiter avec dédain, nos rapports avec les Koweïtiens sont suffisamment bons pour que nous nous fassions leur avocat en la matière. Je note que, ce week-end, les attentats en Irak se sont succédé. Quand il est question d'indemnisations, la négociation globale entre les deux États n'est pas même entamée.

Monsieur Boucheron, les discussions relatives à la nouvelle stratégie de l'OTAN ne sont pas bouclées. Les menaces ont changé et nous manifestons une attitude très ouverte s'agissant du recours aux forces de l'OTAN. Un entretien est du reste prévu, dans quelques jours, entre Mme Merkel, M. Sarkozy et M. Medvedev. L'OTAN doit-elle prendre la responsabilité de la lutte contre le terrorisme ? La piraterie doit-elle être prise en compte par une organisation internationale alors que l'Europe a pris des initiatives pour lutter contre ce risque et que tous les pays s'y joignent ?

S'agissant de la défense antimissiles, il n'est absolument pas question d'engager le moindre financement, surtout au regard du coût assumé par la France pour sa force de dissuasion. Nous avons critiqué l'installation comme le retrait, sans grande concertation, de missiles américains. Nous venons d'apprendre que les onze États entrés récemment dans l'Union européenne seront prochainement conviés à Washington ; les États-Unis invitent qui ils veulent, nous ne saurions protester, mais cette démarche relève d'une « psychopolitique » singulière vis-à-vis de l'Europe !

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