Je n'ajouterai que quelques chiffres à ceux déjà cités pour que chacun mesure bien ce qui s'est passé sur le marché publicitaire depuis 2007. En deux ans, l'ensemble des recettes médias a chuté de 15 %, soit d'un milliard et demi d'euros. Pour retrouver un niveau semblable, il faut retourner dix ans en arrière ! Pour l'ensemble du marché télévisé, la baisse a été de 14 %, soit de 600 millions d'euros, et pour TF1, de 17 %, soit de quelque 300 millions d'euros. Pour retrouver de tels niveaux, il faut respectivement remonter à 2003 et 2001. L'ensemble du secteur traverse donc une très grave crise et certaines chaînes thématiques, comme l'a dit Karine Blouet, sont aujourd'hui très fragiles sur le plan financier. La perte de 300 millions d'euros subie par TF1 est considérable et il est sans doute peu d'industries qui aient autant souffert depuis le début de la crise.
En quelques années, on est passé de six à dix-huit chaînes avec pour conséquence une explosion du nombre d'écrans publicitaires. L'entrée en vigueur de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) a assoupli les règles quantitatives, autorisant la diffusion de davantage de publicité. Il a fallu aussi compter avec l'arrivée de nouveaux médias, Internet en particulier, dont on ne sait pas encore très bien comment les annonceurs vont les utiliser. Sur ce, est arrivée la crise qui a touché l'ensemble des secteurs, dont bien entendu celui des annonceurs, lesquels, en bons gestionnaires, ont adapté leurs dépenses de communication, nul ne leur reprocherait. La conjugaison de ces éléments structurels et conjoncturels a fait que l'on est passé d'un marché de l'offre à un marché de la demande. Ne nous faisons pas d'illusion. Le marché publicitaire est très lié à la croissance économique et à la consommation des ménages. Or, même si toute prévision est difficile, la croissance future ne s'annonce pas très forte. Par ailleurs, les évolutions structurelles ne seront pas réversibles. On restera donc durablement dans ce marché de la demande.
J'en viens aux perspectives. Il y a quelques années, on avait sur le marché publicitaire quelque idée des budgets des annonceurs à l'horizon d'un an, voire d'un an et demi. Depuis le début de la crise, et la tendance perdure, la visibilité s'est réduite à quelques mois seulement. On attend certes à TF1 une croissance en volume à deux chiffres pour le premier trimestre 2010, mais avec toujours une très forte pression sur les prix, et il faudra de toute façon mettre ce résultat en regard de la diminution de 27 % du chiffre d'affaires enregistrée au premier trimestre 2009. Sur l'ensemble de 2010, la croissance devrait être légèrement positive, mais il faut rester très prudent. Nul ne s'aventurerait à faire des prévisions au-delà. En tout état de cause, il faudra des années et des années pour revenir au niveau de recettes de 2007 – au minimum cinq ans avec une croissance de quelques points par an.
Pour autant, la télévision n'est pas « morte », contrairement à ce que l'on entend parfois çà et là. La durée individuelle d'écoute est en constante augmentation, comme cela a encore été mesuré en début d'année, et ce média reste pour les annonceurs un moyen incontournable d'atteindre leurs cibles.
TF1 s'est adaptée à la situation, diminuant l'an passé ses coûts de 100 millions d'euros, alors qu'elle doit financer sa grille de programmes sur plusieurs années, compte tenu des engagements à prendre vis-à-vis des producteurs. Le marché est en pleine mutation, avec l'arrivée d'Internet dont on ignore encore l'incidence exacte sur le marché publicitaire. Si TF1 avait une demande à formuler, ce serait en faveur d'une stabilité de l'environnement législatif et réglementaire. On entend maintenant dire que la publicité pourrait être maintenue sur France Télévisions avant 20 heures. Il est vraiment difficile pour nous de bien gérer notre entreprise dans un contexte aussi mouvant.