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Intervention de Karine Blouet

Réunion du 7 avril 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Karine Blouet, secrétaire générale du groupe M6 :

Le marché publicitaire télévisuel est plus incertain que jamais, du fait certes de la crise mais aussi d'évolutions structurelles, comme la répartition des dépenses des annonceurs entre un plus grand nombre de médias. Sur les trente milliards d'euros auxquels se montent les dépenses de publicité, quelque trois milliards sont consacrés à la publicité télévisée, soit un tiers des quelque neuf milliards de la publicité faite dans l'ensemble des grands médias.

Le Gouvernement, le Parlement et le régulateur ont souhaité un nombre accru de chaînes de télévision, avec l'émergence de la TNT. Le marché publicitaire télévisuel, qui ne peut s'étendre de façon élastique pour s'adapter à cette nouvelle offre, sera au mieux stable, plus vraisemblablement en contraction. Les chaînes privées commerciales sont donc confrontées à un problème de financement.

Nos difficultés, concernant notamment les tarifs, ne sont pas liées à la réforme de la télévision publique mais à la crise économique et aux évolutions structurelles que j'ai rappelées. La répartition des financements entre audiovisuel public et audiovisuel privé est un autre sujet. Les pouvoirs publics nous demandent chaque année de produire de plus en plus d'oeuvres audiovisuelles françaises, notamment de fiction, et de couvrir 95 % du territoire au moment de l'extinction de l'analogique. Il faut veiller à ce que nos conditions de financement demeurent compatibles avec l'exercice de ces fonctions et avec le respect de ces obligations.

Certaines chaînes, comme M6, vivent intégralement de la publicité quand d'autres ont un financement hybride – les chaînes publiques bénéficient de la redevance, les chaînes payantes du câble et du satellite vivent en partie des redevances des distributeurs. Ces chaînes payantes ont des difficultés de financement croissantes du fait de l'émergence des chaînes gratuites de la TNT et l'avenir de nombre d'entre elles est aujourd'hui menacé. Vivre du marché publicitaire exige de s'adapter, notamment en ciblant ses programmes en fonction des publics qui intéressent les annonceurs – je ne m'étends pas sur la célèbre ménagère de moins de 50 ans ! Or, beaucoup de chaînes se font concurrence sur les mêmes cibles. Échapper à la contrainte publicitaire permet a contrario de toucher d'autres publics. La programmation de la tranche 1820 heures de France 2 est très proche de celle de TF1, car c'est une tranche-clé dans la recherche d'annonceurs. Il faut donc se poser la question de la diversité des publics et des programmes.

Si un début de sortie de crise économique semble en vue, les perspectives n'en demeurent pas moins inquiétantes du fait des évolutions structurelles. Dans ce contexte, nous nous étonnons qu'on s'interroge sur le financement du seul secteur public, et non sur celui du secteur audiovisuel dans son entier. Les chaînes privées ne pourront pas, dans le cadre très contraint qui leur est actuellement imposé et sans visibilité sur leur financement à moyen terme, continuer de remplir toutes leurs obligations, notamment investir dans la production. Il est peu vraisemblable que la part des dépenses de publicité dans le PIB se redresse et, d'autre part, la télévision est, à cet égard, un média qui est parvenu au terme de son évolution. Le risque est donc que ce soient d'autres médias qui profitent d'une croissance éventuelle du marché. J'appelle vraiment l'attention des parlementaires sur ce point.

Nous nous étonnons qu'à mi-2010 à peine, on rouvre le débat sur la réforme votée en 2009. J'avais cru comprendre qu'une clause de revoyure était prévue en 2011. Je ne vois pas ce qui pourrait justifier aujourd'hui que l'on revienne sur les mesures prévues, alors que le bilan 2010 n'a même pas encore été dressé et que le bilan 2009 montre que la réforme a plutôt protégé les chaînes publiques de la crise quand les chaînes privées s'enfonçaient dans le marasme. Tout débat sur l'avenir de la réforme concernant la publicité sur les chaînes publiques nous paraît aujourd'hui prématuré. Nous appelons l'attention sur les conséquences que ne manquerait pas d'avoir sur les chaînes privées tout recul par rapport aux mesures décidées en 2009. En Espagne, les chaînes publiques ne comportent plus du tout de publicité, ce qui les a libérées de toute contrainte de publics cibles et leur a permis d'améliorer tant leur audience que la qualité de leurs programmes. Regardons ce qui se fait dans les pays voisins.

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