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Intervention de Jean-Louis Malys

Réunion du 7 avril 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT :

Je ne cherche pas la polémique, monsieur Gremetz. Je dis simplement que nos enfants ont des doutes sur le système par répartition et qu'il faut les rassurer à ce sujet.

Nous essayons de prendre en compte ce que disent les gens, en étant le plus objectifs possibles. Un de nos défauts, à nous tous ici, est de connaître les structures et les mécanismes. Il nous faut regarder le système à la manière d'un salarié lambda. Sans ce petit décalage, nous tiendrons des discours techniques ou idéologiques, qui ne répondront pas forcément aux attentes de la population.

Ce que nous avons trouvé très intéressant dans le rapport du COR de février, c'est qu'il a été procédé, dans l'hypothèse d'un changement de régime, à une étude précise du fonctionnement de notre système actuel pour voir comment le décliner en régime en comptes notionnels. Tous les membres du conseil lui reconnaissent énormément de vertus à notre système, mais il est apparu qu'un certain nombre de mécanismes, qui fonctionnaient jusque-là, fonctionnent de moins en moins du fait des nouvelles carrières des salariés. Ce regard critique sur notre système est très intéressant pour nous, non pour le rejeter, mais pour le corriger et l'améliorer.

En 2008, nous avions préconisé, pour abonder le Fonds de réserve pour les retraites, un doublement de la taxe. Cela ne résolvait pas tout, mais cela était destiné à renforcer le fonds.

Commencer à puiser dans ce fonds aujourd'hui serait un très mauvais signe en direction des nouvelles générations. On pourrait éventuellement y toucher si on mettait en place, parallèlement, un dispositif répondant au problème du papy boom. Mais, ce n'est pas ce qui se dessine.

Nous sommes en train de travailler sur la question des financements. Les revenus d'activité représentent 800 milliards d'euros et les revenus du capital, 150 milliards, ce qui montre que la masse sur laquelle il faudra principalement agir est celle des salaires. L'effort sur les cotisations devra être conjoint aux salariés et aux entreprises. Il ne devra pas être supporté que par les salariés.

Le financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), par exemple, est actuellement assuré par une partie de la CSG. On peut imaginer d'augmenter la CSG pour alimenter ce fonds, actuellement en déficit.

Je ne peux en dire plus aujourd'hui, puisque nous travaillons en ce moment sur cette question. Nous présenterons des propositions plus précises lors des rendez-vous avec le Gouvernement. Nous sommes à l'écoute de tous ceux qui travaillent sur le sujet, car nous ne prétendons pas avoir une solution miracle.

Nous évitons d'étudier l'hypothèse d'une unification des systèmes de retraite, voire du régime général et des complémentaires, sous l'angle des institutions. Nos collègues qui gèrent l'ARRCO et l'AGIRC – et qui les gèrent plutôt bien – nous demandent ce que deviendraient leurs institutions dans un régime unique. Nous leur répondons qu'une réforme systémique prendrait du temps et qu'il y aurait donc une période de transition assez longue. Nous leur faisons ensuite valoir que l'architecture d'un système est toujours définie après le système lui-même. La mise en place des réceptacles et des tuyaux vient toujours après l'élaboration du système lui-même.

De même que les régimes d'assurance maladie et de chômage ont été créés à l'origine pour certaines catégories, puis se sont diffusés à toute la société, de même l'unification des régimes de retraite nous semblerait une mesure de justice. Nous estimons, en tout cas, que c'est un objectif à atteindre politiquement. Cela nécessitera peut-être de passer par une réforme systémique, hypothèse qui doit être examinée et en aucun cas rejetée.

S'agissant de la pénibilité, la dernière réunion des partenaires sociaux, le 16 juillet 2008, s'est achevée sur un constat de désaccord portant sur le bilan lui-même. Nous souhaitions, en effet, que l'on ne se limite pas à acter l'échec patent de la négociation mais qu'un document de synthèse récapitule ce à quoi nous étions parvenus, et sur la définition des critères de pénibilité et sur la prévention. Les organisations patronales s'y étant refusé, trois organisations syndicales – la CFDT, la CFE-CGC et la CGT – l'ont fait. Le Gouvernement peut légitiment s'appuyer sur ce document, qui permet de mesurer le chemin parcouru.

Pour autant, que l'on ne nous renvoie pas à une nouvelle négociation paritaire : elle se traduirait par un nouvel échec. Les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. M. Xavier Bertrand a voulu, à juste titre, précipiter la fin de la négociation. Constatant l'échec, il s'était engagé à prendre la main en octobre 2008, mais il a été appelé à d'autres fonctions en janvier 2009 sans l'avoir fait, et le dossier a été oublié. Par la suite, M. Hortefeux puis M. Darcos l'ont évoqué, sans le prendre en charge. Nous espérons qu'il en ira autrement avec M. Woerth.

Que le Président de la République veuille débattre du mécanisme de retraite et en parallèle de la pénibilité au travail ne nous choque pas, car les deux sont évidemment liés. Un dispositif spécifique doit être mis au point pour les salariés qui, ayant subi des carrières difficiles, ne peuvent plus travailler sans pour autant être en invalidité. On ne peut se satisfaire des mesures diverses actuelles, telles les dispenses de recherche d'emploi, etc. Outre qu'elles tiennent du bricolage, certains en bénéficient mais d'autres n'en bénéficient pas. Chacun doit admettre que de nombreux salariés sont dans ce cas. Envisager de durcir les conditions d'accès à la retraite en en faisant abstraction, c'est s'exposer à des conséquences en trompe-l'oeil.

Une réforme paramétrique donnera peut-être des effets apparents immédiats, mais elle aura des effets induits terribles sur le financement de l'indemnisation du chômage et sur l'assurance maladie-invalidité – sans parler du niveau de vie de ces futurs retraités. Gardons à l'esprit la manière dont se répartissent ceux qui liquident leurs droits à la retraite à 61 ans : 40 % environ travaillent, 30 % sont au chômage, 20 % ne travaillent plus – ce sont souvent des femmes qui ont renoncé à chercher du travail, ou des gens en grande précarité – et 10% sont en invalidité ou malades. Si, en réformant le système des retraites, on ne prend pas en compte ceux qui, en raison de la pénibilité subie au travail, ne peuvent plus travailler, on créera un système inégalitaire et l'on transférera une partie de la charge des retraites aux autres caisses ; puis, dans quelques années, un bel article dans Les Échos ou La Tribune nous fera découvrir ces effets pervers. Nous préférons que la pénibilité soit prise en compte dès à présent.

S'agissant des carrières, nous considérons que le critère juste est celui de la durée de cotisation. À cet égard, le schéma prévu par la loi de 2003 – 41,5 ans de cotisation en 2020 et 43 ans en 2050 – n'est pas mauvais, mais il est difficile à appliquer en raison du faible taux d'emploi des seniors. L'allongement de la durée des cotisations nous semble permettre le partage le plus équitable entre ceux qui bénéficient du système et ceux qui le financent ; mais, je le répète, il reste à régler la question de l'emploi des seniors.

En France, l'âge moyen d'accès à l'emploi s'établit à 21 ans et non à 24 ans. Cela signifie que de nombreux jeunes gens commencent à travailler à 18-19 ans, alternant stages, emplois et périodes de précarité. La plupart des 600 000 jeunes qui sortent des établissements d'enseignement sans formation initiale satisfaisante galèrent, mais ils travaillent. Les carrières longues continueront d'exister, mais une étude de la DREES indique que la durée d'assurance vieillesse validée à 30 ans est de sept trimestres inférieure à ce qu'elle était il y a quinze ans. Cette donnée nous ramène au point évoqué par Mme Billard, car la dégradation constatée résulte de ce qu'il faut justifier de 200 heures payées au SMIC pour valider un trimestre. Cette disposition profite peut-être à des gens qui n'en ont pas besoin : en effet, elle rend la validation très difficile à atteindre pour certains, mais ceux qui ont un bon salaire peuvent valider deux trimestres en un mois, et ceux-là auront peut-être aussi une belle carrière. Aussi, s'il ne faut pas remettre ce mode de calcul en cause brutalement, il convient d'analyser qui en bénéficie et qui y perd. Les personnes qui travaillent à temps partiel et les jeunes font vraisemblablement partie des perdants

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