La complexité du système ne lui permet pas d'évaluer les conséquences sur sa retraite d'un départ de la fonction publique avant quinze années de service. Au bout de douze ou treize ans, elle se sent fonctionnaire puisqu'elle a été titularisée, mais c'est ce qu'on appelle un titulaire sans droits. Elle ne découvrira les impacts négatifs de son départ qu'au moment de la retraite Le système est illisible aujourd'hui. C'est un des aspects que nous comptons souligner.
Le deuxième type d'inégalité concerne les carrières à bas salaires et les carrières plates. Un salarié qui est toute sa vie au SMIC cotise « plein pot ». Celui qui démarre au SMIC et a une carrière dynamique cotise en fin de carrière sur une partie de ce dont il va bénéficier comme retraite. Les calculs que nous avons pu faire montrent que la prise en compte des 25 meilleures années favorise plutôt les carrières standards, a un effet très négatif sur les trois déciles inférieurs et un effet légèrement négatif sur les déciles supérieurs. Cela signifie que, dans le système des 25 meilleures années, les personnes qui sont aujourd'hui les plus contributives au système sont celles qui ont les carrières les plus modestes. En caricaturant à peine, on peut dire que, d'une certaine manière, les carrières plates subventionnent les carrières dynamiques.
Le troisième type d'inégalité porte sur les carrières longues. Malgré le dispositif que nous avons obtenu en 2003 et dont nous sommes très fiers, il y a encore aujourd'hui des salariés qui commencent à travailler jeunes et qui cotisent pendant des années sans que celles-ci ne génèrent aucun droit. D'une certaine manière, ces salariés subventionnent les autres.
Le quatrième type d'inégalité a trait aux carrières féminines, qui cumulent presque tous les impacts négatifs que je viens d'évoquer. La massification de l'emploi féminin s'est accompagnée de sa précarisation, si bien qu'on peut presque parler de solde nul sur les trente dernières années.
Le cinquième type d'inégalité est lié à l'espérance de vie et aux conditions de travail. Pour nous, aucune mesure ne sera équitable, si elle n'intègre pas la question de la pénibilité. Le sujet est, certes, compliqué mais il n'est pas insoluble. Le rapport Struillou, remis au Conseil d'orientation des retraites en 2003, a ciblé trois types de pénibilité et, malgré l'échec de la négociation que nous avons eue avec le MEDEF, nous avons pas mal avancé sur cette question. Les deux pierres d'achoppement avec le MEDEF et les organisations patronales sont la question du financement et la préoccupation – légitime – d'éviter que tous les salariés ne s'engouffrent dans la brèche. J'ai pour habitude de dire que tout le monde a un travail pénible sauf moi. Au-delà de la boutade, tout le monde peut faire valoir la pénibilité de son travail. C'est pourquoi, il est nécessaire de fixer des critères et de bien cibler les salariés y répondant.
Je terminerai en citant les six points sur lesquels nous comptons débattre dans le cadre de la réforme des retraites. Le congrès de la CFDT ayant lieu du 7 au 11 juin, nous pourrons, selon notre souhait, associer nos militants et nos équipes à ce débat.
Premier point : la maîtrise par les salariés de leur parcours professionnel et de leur retraite. Aujourd'hui, les salariés ne découvrent le montant de leur pension qu'en fin de carrière. Jusqu'à présent, ils avaient plutôt de divines surprises, mais plus ça va et plus ils ont le sentiment de n'avoir pas pu agir au moment où cela aurait été nécessaire pour avoir une meilleure retraite.
Deuxième point : l'équité entre les salariés. Aucune réforme ne sera juste, si elle ne répond pas à un souci d'équité.
Troisième point : l'esprit de justice sociale du système global.
Quatrième point : la lisibilité et la transparence du système.
Cinquième point : la confiance de toutes les générations.
Sixième point : les sources de financement.
Nous pensons qu'une augmentation de cotisation est inévitable. Elle était d'ailleurs prévue en 2009 par la loi de 2003. On ne peut pas faire subir les effets de la crise qu'aux salariés concernés. Un effort collectif est nécessaire.
Par ailleurs, nous estimons indispensable d'élargir le financement. Mais cet élargissement doit être affecté aux aspect non contributifs du système, car, pour nous, le coeur de celui-ci doit rester assis sur les salaires, qui sont les éléments les plus stables, même en période de crise. Si le système de retraite avait été aligné sur la CSG, par exemple, il y aurait eu l'an dernier un différentiel de 20 %. Les résultats des entreprises étant très instables, on ne peut pas non plus asseoir les retraites uniquement sur ces derniers.