Vous avez insisté sur la dimension évolutive de la réforme ; elle ne réussira en effet que si le ministère réussit à s'inscrire dans une dynamique. Or je m'interroge sur sa capacité à créer un effet d'entraînement, pourtant indispensable. Je suis favorable à la réforme mais elle doit se faire avec les personnels et dans un climat de confiance. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer sur ce terrain.
On a créé des bases de défense qui reposent sur le principe de la mutualisation interarmées des soutiens. Toutes ne respectent pourtant pas ce concept et on s'étonne ensuite de ne pas avoir d'économie d'échelle. J'ai l'impression qu'on a simplement changé le nom mais conservé les structures existantes, sans que cela amène la moindre amélioration. En Charente, il devait y avoir deux bases de défense, une à Cognac et une à Angoulême. Finalement, c'est Rochefort, dans le département voisin, qui servirait de structure de base à la constitution d'une base de défense englobant Cognac, la situation d'Angoulême n'étant pas réglée. Je m'étonne de ce changement de position et de la faiblesse des justifications. Le fait qu'une école soit implantée à Rochefort suffit-il à contrebalancer l'importance opérationnelle de Cognac, où sont installés d'importants moyens aériens avec des contrôleurs, la plateforme de permanence de sécurité aérienne, mais aussi avec des capacités d'accueil pour le commandement des opérations ou des forces étrangères ? J'ajoute que Cognac a montré l'exemple en accueillant une des premières externalisations. Cette réussite, car tout le monde s'accorde à reconnaître que ce projet fonctionne bien, devrait-elle lui nuire ? Le fait d'être en avance est-il une contrainte ?
Globalement la logique d'armée semble encore prévaloir alors même que la réforme s'inscrit dans une dimension interarmées très nette. Il faut être très attentif à ce point car j'ai le sentiment que la philosophie même de la réforme est fragilisée.
Je considère pour ma part l'externalisation comme un outil parmi d'autres, sans aucun a priori. Il ne faudrait pas renoncer à cette possibilité, d'autant qu'il y a des précédents réussis. Je m'étonne qu'on renonce à des solutions parfois de bon sens en se fondant sur des positions dogmatiques difficilement compatibles avec les impératifs opérationnels. On risque de créer des blocages par simple manque d'explication et de pédagogie ; ce serait dommage. Pour autant, l'externalisation n'est pas une solution parfaite et mérite d'être encore améliorée et surtout examinée au cas par cas. Je ne suis pas choqué que l'alimentation de nos troupes soit prise en charge par des prestataires privés, y compris en opérations extérieures, à condition que cela apporte un réel gain et que cela ne nuise pas à l'opérationnel.
Au final, je suis donc inquiet sur ces deux sujets car aucune ligne claire n'apparaît, entretenant de fait les inquiétudes et les approches doctrinales. Le ministère doit faire un effort d'explication et de pragmatisme pour gagner l'adhésion de tous.