Monsieur Chanteguet, le réveil du climato-scepticisme est lié non seulement au calendrier de Copenhague – c'est dans cette perspective qu'a été lancé le Climategate –, mais aussi à la position des États-Unis. Des sondages réalisés avant le sommet ont montré que, pour les Américains, le réchauffement climatique n'est pas une question prioritaire, ce qui n'a pas favorisé la stratégie du président Obama à Copenhague. Mais je ne pense pas que le même phénomène caractérise la France, même si certains climato-sceptiques ont surfé sur la vague mondiale, avant de profiter du semi-échec du sommet.
Monsieur Caresche, nous avons beaucoup réfléchi à la manière de réagir au livre de Claude Allègre ou aux attaques virulentes de Vincent Courtillot, qui va d'université en université pour présenter un séminaire intitulé « Les erreurs du GIEC ». Si nous nous sommes adressés à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est simplement parce qu'elle est notre employeur. Nous lui avons demandé d'organiser un débat, car, si les sceptiques sollicitent tous les médias, ils refusent de nous rencontrer. Quand Le Monde a proposé d'abord à Claude Allègre, puis à Vincent Courtillot, de discuter avec moi, tous deux ont décliné l'offre.
Quoi qu'il en soit, j'espère que le débat aura lieu dans les meilleures conditions de transparence. Pendant ce temps, la réflexion se poursuit au niveau international. Dans son cinquième rapport, le GIEC examine les nouvelles données qui sont apparues, le résultat des modèles et l'évolution de la situation depuis cinq ans. À mon sens, les expériences récentes ne remettent pas cause nos premières conclusions.
En réponse à notre démarche, Mme la ministre m'a appelé pour me faire part de sa position, qui m'a pleinement satisfait, car elle vise à rappeler les règles en vigueur dans la communauté scientifique. Mme Pecresse a ensuite adressé un courrier clair et cordial à Mme Masson-Delmotte, qui a eu l'initiative de la pétition. Nous espérons qu'un débat scientifique sera organisé, peut-être à l'Académie des sciences.
Monsieur Havard, bien que le fait de savoir si le réchauffement est dû aux activités humaines intéresse tout le monde, à commencer par l'homme de la rue, l'essentiel est ailleurs. Il faut surtout savoir vers quoi nous allons. Or, depuis plusieurs années, les prévisions du GIEC n'ont pas varié : si l'on continue à émettre des gaz à effet de serre, la teneur en gaz carbonique risque de doubler au milieu du XXIe siècle, ce qui peut causer un réchauffement de quelques degrés. La prévision, jamais remise en cause depuis vingt ans, n'a fait que se confirmer d'un rapport à l'autre. Le plus récent conclut, non que 90 % du réchauffement découle des activités humaines – ce que certains prétendent à tort –, mais qu'il y a plus de neuf chances sur dix pour que les activités humaines aient joué un rôle important dans le réchauffement climatique intervenu depuis cinquante ans.
Les modèles climatiques dont nous nous sommes servis pour parvenir à cette conclusion ont fait leurs preuves, surtout si on les compare aux erreurs manifestes ou aux approximations de Claude Allègre. Celui-ci affirme par exemple que, la météo n'émettant pas de prévision au-delà de quatre jours, on ne peut prévoir le climat à l'échelle de quelques années. C'est faux. À titre de comparaison, on ne peut affirmer que, dans une cour de récréation, tel enfant parviendra à tel âge, mais tous ont globalement une espérance de vie de l'ordre de quatre-vingts ans. Les paramètres considérés par les climatologues ont une autre prédictibilité que celle de la météo, laquelle considère seulement le suivi des trajectoires individuelles depuis leur origine jusqu'à leur évanouissement.
Les modèles, qui expliquent l'évolution des saisons et le climat du passé comme celui d'autres planètes, montrent tous que la température va augmenter. Reste qu'il demeure beaucoup d'incertitudes, que nous ne cherchons pas à cacher. Même pour un scénario donné, on évalue à un facteur deux l'amplitude du réchauffement climatique. Ses caractéristiques régionales sont mal connues, tout comme les changements de précipitations. On ignore également si, dans un climat plus chaud, le rythme de progression d'El Niño évoluera. Enfin, on ne peut écarter le risque de surprises climatiques. Néanmoins, nous en savons assez pour indiquer aux décideurs politiques que nous allons vers un réchauffement d'autant plus important que nous émettrons plus de gaz à effet de serre.
M. Pancher a regretté l'effet dévastateur de certaines déclarations des climato-sceptiques. J'en suis conscient, pour en avoir parlé avec plusieurs d'entre vous à Copenhague. C'est pourquoi j'ai tenu à vous rencontrer pour reconquérir votre confiance. La thèse de Claude Allègre doit être combattue, comme nous le faisons dans un article qui paraîtra demain dans la presse, après une première contribution de Sylvestre Huet. La revue Science prépare d'ailleurs une réponse à Claude Allègre, preuve que, face à une position qui ne respecte pas la déontologie scientifique, la réaction devient internationale. Nous pouvons démonter un par un ses arguments et ceux de Vincent Courtillot. Je maintiens que rien ne permet de remettre en cause le rapport du GIEC sur lequel sont fondés le sommet de Copenhague comme le Grenelle de l'environnement.