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Intervention de Jean Jouzel

Réunion du 6 avril 2010 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean Jouzel :

Je vous remercie de votre invitation, car j'attache un grand prix aux contacts entre la communauté scientifique et le monde politique. Étant très impliqué dans la notion de développement durable et attaché au succès du Grenelle, je suis heureux d'évoquer devant vous les débats et les controverses liés au réchauffement climatique.

Trois éléments ont concouru à remettre en cause les conclusions du GIEC qui ont servi de base aux discussions de Copenhague.

Le premier est le Climategate, résultant du détournement et de la diffusion de méls envoyés ou reçus par un directeur du Climate research unit à l'East Anglia. Ce vol d'une correspondance privée, qui, à la veille du sommet de Copenhague, a jeté le trouble dans les esprits, ne méritait sans doute pas l'écho qu'on lui a donné. Les messages prouvent simplement que les discussions peuvent être vives dans la communauté scientifique, ce qui fait plutôt honneur aux climatologues.

Le deuxième élément tient à la présence d'erreurs ponctuelles dans le rapport du GIEC, que certains climato-sceptiques ont utilisées pour remettre en cause ses conclusions.

Le troisième est dû aux positions défendues, dans tel ou tel pays, par ceux qu'on a pu appeler les « climato-sceptiques ». J'ai pourtant envie de récuser ce terme, parce que leur démarche relève non du scepticisme authentique, qui nourrit la discussion scientifique – le cinquième rapport du GIEC montrera d'ailleurs qu'aucun débat n'est clos à nos yeux –, mais d'une volonté de jeter le trouble dans les esprits. C'est du moins le cas chez Claude Allègre et Vincent Courtillot.

Je souhaiterais rappeler les quatre conclusions principales du rapport du GIEC.

Tout d'abord, l'activité humaine modifie la composition de l'atmosphère et augmente l'effet de serre, du fait de la production de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d'azote et d'autres composés, ce qui conduit à une accumulation supplémentaire de chaleur dans les basses zones de l'atmosphère. Cette première conclusion n'a guère été contestée, sinon de manière marginale, par exemple par la présentation power point de M. Giraudon. Mais celle-ci montre seulement qu'on peut citer des températures plus élevées au XIXesiècle qu'aujourd'hui, pour peu qu'on se fonde sur des mesures ponctuelles et peu rigoureuses. Faut-il rappeler la nécessité de ne considérer que des moyennes ?

La deuxième conclusion du GIEC est que le réchauffement est sans équivoque. Beaucoup ont oublié qu'elle se fonde non seulement sur une étude des températures, mais également sur l'élévation de près de vingt centimètres du niveau de la mer au cours du XXesiècle (du fait de la fonte des glaciers et du réchauffement de l'Océan), sur l'augmentation de la vapeur d'eau dans l'atmosphère et sur la diminution de la surface minimale de glace de mer en Arctique à la fin de l'été. Pour remettre en cause cette conclusion, les climato-sceptiques ont utilisé le fait, au demeurant exact, que le réchauffement a marqué une pause depuis dix ans. L'année 2008 a été un peu plus froide que l'année 2007, elle-même plus froide que 2005, qui, avec 1998, a été l'année la plus chaude depuis longtemps. Reste que l'année 2009 a été très chaude et que le mois de janvier 2010 a été, après celui de 2007, le plus chaud qu'on ait connu depuis soixante ans.

Les climatologues considèrent toujours des périodes relativement longues en se fondant sur l'étude des décennies. Les dix dernières années ont été les plus chaudes qu'on ait jamais connues. La première décennie du XXIesiècle a été plus chaude de 0,2° que la dernière du XXesiècle, laquelle a été la plus chaude depuis cent trente ans. Le réchauffement climatologique est donc attesté. Dans ce domaine, un refroidissement d'une année sur l'autre ne prouve rien, n'en déplaise aux climato-sceptiques, lesquels ne considèrent que les années qui les intéressent et négligent d'autres phénomènes comme la fonte progressive de la calotte groenlandaise ou l'élévation du niveau de la mer, de près de 3 millimètres par an.

La troisième conclusion du GIEC, la plus attaquée par les sceptiques, est qu'une grande partie – près de 90 % – du réchauffement climatique des cinquante dernières années est liée aux activités humaines. La communauté scientifique pense pouvoir distinguer, dans le réchauffement, ce qui relève soit de l'origine naturelle soit des activités humaines, qui produisent des gaz à effet de serre et de la pollution.

Le réchauffement ne peut être expliqué qu'en tenant compte de l'augmentation de l'effet de serre. L'hypothèse alternative défendue par Vincent Courtillot, selon laquelle il serait dû à une variation de l'activité solaire, bute sur deux évidences. D'une part, celle-ci a plutôt diminué au cours des trente ou quarante dernières années. D'autre part, l'effet de serre entraîne le piégeage de la chaleur dans les basses couches de l'atmosphère, ce qui produit – phénomène que nous avons constaté – un refroidissement des hautes couches. Si l'activité solaire était principalement en cause, on devrait observer un réchauffement tant dans les basses que dans les hautes couches de l'atmosphère, ce qui n'est pas le cas. Le GIEC, qui n'a pas manqué d'étayer ses conclusions sur des arguments, a d'ailleurs consacré une cinquantaine de pages de son dernier rapport à l'examen de cette question.

La quatrième conclusion du GIEC est que le climat va continuer à se réchauffer. Peu de gens la remettent en cause, car il est difficile, dès lors qu'on admet que la chaleur s'accumule dans les basses couches de l'atmosphère, de prétendre que le climat pourrait se refroidir. On connaît les lois de la physique : pour que la température d'un milieu qu'on chauffe n'augmente pas, il faut un mécanisme de compensation, qui n'existe pas à l'échelle de la planète. À l'inverse, il existe des processus d'amplification nettement identifiés : augmentation dans l'atmosphère de la vapeur d'eau – premier gaz à effet de serre – qui résulte de l'élévation de la température de l'océan, causée par le réchauffement climatique ; remplacement des surfaces enneigées ou englacées par l'Océan ou la toundra.

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