Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Lionnel Luca

Réunion du 6 avril 2010 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca, rapporteur :

Ce rapport s'inscrit dans la lignée des précédents sur les conventions semblables qui nous ont été soumises. Le ministre Eric Besson, lors de son audition par la commission la semaine dernière, nous a fait un point d'étape en rappelant que quatorze ont d'ores et déjà été conclues dont près de la moitié sont entrées en vigueur. Le rapport qui vous est présenté aujourd'hui concerne les projets de loi déposés relatifs aux conventions signées avec le Burkina Faso et le Cap-Vert, ce qui portera à huit le total des accords dont le parlement aura autorisé la ratification.

Tous les accords en matière migratoire n'ont pas la même ambition et ceux qui concernent l'Afrique subsaharienne et l'Afrique du Nord sont les plus complets et établissent précisément et clairement la gestion des migrations et le développement. En plus des accords déjà en vigueur, un autre a été conclu en mai 2009 avec le Cameroun. Les négociations sont achevées avec la Guinée équatoriale et celles avec l'Angola, l'Algérie et le Maroc devraient débuter prochainement.

Chacun sait en effet que la politique de la France en matière migratoire n'est pas isolée et qu'elle s'inscrit dans un contexte international,dans un vaste courant de réflexion internationale et européenne, notamment coordonné par les Nations. On ne compte plus aujourd'hui les rencontres internationales, - « Dialogue de haut niveau sur les migrations et le développement », « Forum global sur les migrations internationales » et autres « Conférences euro-africaine sur les migrations et le développement » -, qui en débattent. On se rend compte désormais que le fait d'avoir des migrations temporaires et non plus définitives peut être un atout en termes de développement pour les pays du sud.

En d'autres termes, on est parti d'une réflexion sur la contribution des migrants au développement de leur pays d'origine via leurs transferts, ce qui a permis d'infléchir les politiques migratoires en travaillant sur le principe de la complémentarité entre migration et développement, pour s'intéresser davantage aux migrations temporaires et, dans une perspective de développement, au principe d'un retour des migrants dans leurs pays.

Le fait migratoire est désormais traité dans le cadre d'un dialogue et d'une politique bilatérale et c'est précisément ce qui est au coeur des préoccupations du gouvernement, lorsqu'il met en oeuvre en négociant avec ses partenaires du sud des conventions de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Le gouvernement français n'est pas le seul en Europe à traduire dans les faits ces réflexions. La politique de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire se retrouve par exemple au Royaume Uni ou encore en Espagne ou en Italie.

En d'autres termes, l'heure est à la recherche de synergies, pour un jeu gagnantgagnant entre migrants, pays d'origine et pays accueillants, et c'est l'orientation prise par les dispositifs législatifs en France depuis la loi de 2003, ou encore par l'Union européenne, très récemment, avec notamment l'approbation du Pacte européen sur l'immigration et l'asile en octobre 2008.

La question est d'autant plus importante pour notre pays que l'immigration en direction de la France est, traditionnellement et d'une manière générale, plus familiale que professionnelle. En cela, elle présente un rapport totalement inversé par rapport à d'autres pays. Alors qu'au Royaume-Uni, au Danemark ou au Portugal, c'est l'immigration de travail qui constitue le premier motif d'entrée, avec des taux qui peuvent aller jusqu'à 60 %, en France, au contraire pour près des deux tiers, il s'agit d'une immigration essentiellement pour regroupement familial. C'est précisément aussi pour tenter d'inverser cette tendance que le choix gouvernemental est fait pour tenter de privilégier une immigration choisie, temporaire, tenant à la fois compte des besoins du marché du travail national et des capacités des pays d'origine.

On n'a pas encore le recul suffisant pour voir si les précédentes conventions, signées avec le Gabon, le Bénin, le Sénégal, le Congo et la Tunisie ont réussi à inverser cette tendance, mais on devrait y voir plus clair d'ici à quelques temps.

Les profils migratoires du Burkina Faso et du Cap-Vert sont les mêmes que pour les autres pays. Il s'agit dans les deux cas de pays pour lesquels les visas accordés sont majoritairement octroyés, c'est un euphémisme, pour motifs familiaux, et en provenance desquels en revanche, l'immigration pour motifs professionnels ou d'études est très marginale. Sur une communauté capverdienne de près de 11 000 personnes en 2008 en situation régulière, en augmentation, les trois-quarts des 700 capverdiens auxquels est octroyé chaque année un premier titre de séjour le reçoivent pour motifs familiaux. En revanche, l'immigration pour motifs professionnels ou d'études reste comme dans les cas précédents extrêmement marginale puisqu'elle a très exactement concerné 5 salariés en 2007, 20 en 2008, un seul travailleur temporaire en 2007 et trois en 2008. La situation est identique en ce qui concerne le Burkina Faso, qui compte une communauté de près de 3800 personnes en situation régulière selon les données de 2008, également en augmentation. En 2008, 36 % des visas de long séjour délivrés l'ont été pour motifs familiaux, et 49 % à des étudiants. En revanche, seuls 12 titres de séjour ont été délivrés au titre de la migration professionnelle, qui reste par conséquent encore très marginale.

Les conventions qui ont été négociées avec les gouvernements du Burkina Faso et du Cap-Vert reprennent une architecture désormais classique, articulée autour de quatre objectifs : premièrement, faciliter et privilégier la circulation des ressortissants des deux pays tant aux plans économique, commercial, culturel, professionnel, scientifique, universitaire ou sportif. Le principe est accordé d'une augmentation du nombre des visas de court séjour à entrées multiples, - les visas de circulation -, qui ont une validité de un à cinq ans. D'une manière générale, ces accords sont plus restrictifs que les précédents, dans la mesure où ceux-ci prévoyaient que les membres des familles de ressortissants résidant sur le territoire étaient aussi concernés par les dispositions relatives aux visas de circulation pour des courts séjours. Deuxièmement, encourager la migration professionnelle temporaire, en tenant compte des besoins du marché du travail français et des possibilités des deux pays d'origine. L'immigration pour motifs professionnels pour laquelle les visas de longue durée sont octroyés est essentiellement traitée moyennant la délivrance de titres de séjour dits « compétences et talents » ou « salariés ». 100 cartes « compétences et talents » peuvent ainsi être délivrées chaque année pour les ressortissants capverdiens et 150 pour les candidats burkinabè. Les titres de séjour « salariés » portent dans les deux conventions sur un nombre de 500 ressortissants par an, chiffre qui peut être révisé par les comités de suivi. Des listes de métiers ouverts aux ressortissants du Burkina Faso et du Cap-Vert sont annexées aux conventions. Elles comportent 40 métiers de 13 secteurs d'activité en ce qui concerne le Cap-Vert et 64 métiers dans celle avec le Burkina Faso, représentant 19 secteurs d'activités. Il y a en outre dans le cas du Burkina Faso une seconde liste de 21 « métiers considérés comme prioritaires » pour lesquels dans le cadre du renforcement de la participation française au développement du Burkina Faso, il est accordé une attention particulière, s'agissant de métiers correspondant aux compétences supplémentaires et prioritaires que requiert ce pays pour son développement socio économique. La question des migrations temporaires tend aujourd'hui à être privilégiée et trouve ici une application concrète, moyennant la mise en oeuvre de stratégies concertées entre la France et le Burkina Faso pour permettre le retour d'émigrants au Burkina Faso installés en France. Il s'agit de participer par la réinsertion des migrants, au développement du pays d'origine. Bien évidemment, le troisième point concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, moyennant une coopération policière accrue et la réadmission des nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie. Il est important de souligner qu'il s'agit d'un accord, qui doit permettre d'éviter les situations les plus douloureuses. Enfin, le quatrième volet porte sur les opérations de développement solidaire définies en direction du Cap-Vert et du Burkina Faso, par la mise en oeuvre de projets spécifiques. Plusieurs projets ont été retenus qui figurent en annexe de la convention avec le Burkina Faso. Le secteur de la santé est tout particulièrement concerné, notamment par des actions en matière de santé maternelle et infantile. On peut citer aussi la prévention de la malnutrition, la sécurité alimentaire, les secteurs de l'eau et de l'assainissement, ou la formation. Au total, les crédits mobilisés par la convention se montent à plus de 6 millions d'euros sur trois ans, hors coopération policière, pour quelque 770 000 euros.

Par contre, il faut remarquer que le développement solidaire au bénéfice du Cap-Vert dans le cadre de cette convention apparaît beaucoup plus modeste. Si la convention parle de soutien aux projets de développement local portées par des migrants, de réduction des coûts de transferts des fonds des migrants, mais il n'y a pas de chiffrage ni d'engagement précis en la matière. Il y a même un certain décalage : Par exemple, la France s'engage à développer un outil de comparaison sur Internet des prix des transferts de fond, alors que l'Agence française de développement a créé en 2006 un site sur la question, sur lequel figurent les données relatives au Cap-Vert.

Dans le même ordre d'idées, les conventions reprennent le thème de la promotion des instruments financiers à destination des migrants pour orienter l'investissement de leur épargne dans des projets de développement, via le compte épargne codéveloppement et le livret d'épargne pour le codéveloppement. Il faut rappeler que ces instruments créés par les lois de 2006 et de 2007 ne sont toujours pas commercialisés. Il nous faut donc inciter le gouvernement à y apporter des améliorations concrètes afin que l'articulation entre migrations et développement trouve une véritable traduction avec des instruments probants.

Ces quelques réserves faites, je n'imagine pas qu'on n'approuve pas ces deux accords partenariaux négociés avec des pays du Sud, qui leur sont bénéfiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion