J'aborderai les aspects plus proprement budgétaires.
Les dépenses de pensions des fonctionnaires de l'État ont progressé de 170 % entre 1990 et 2008. Ces dépenses de pension augmentent pour trois raisons, que M. Raude vous a exposées tout à l'heure : les retraités sont plus nombreux qu'en 1990 (on avait 40 000 départs par an ; on en a 80 000 maintenant, soit 400 000 retraités de plus) ; les pensions sont revalorisées chaque année (non plus sur le point d'indice, mais sur les prix) ; enfin, la pension moyenne continue d'augmenter.
Les dépenses augmentent donc de 4 à 5 % par an en valeur, à peu près au même rythme que le régime général. Cette augmentation s'inscrit dans le budget général de l'État, lequel augmente comme les prix. Comme vous le savez, les dépenses du budget général sont cadrées en euros constants depuis une dizaine d'années. La partie augmentant plus vite que le tout, il est assez naturel que, en proportion, les dépenses de pensions aient augmenté chaque année pour représenter 14,6 % du budget en 2008.
Ces dépenses de pensions reçoivent une traduction budgétaire un peu particulière : le compte d'affectation spéciale « Pensions », prévu à l'article 21 de la loi organique sur les lois de finances. Il s'agit d'une mécanique budgétaire et comptable, qui permet d'isoler les dépenses et les recettes correspondantes correspondant aux pensions.
L'ensemble du compte d'affectation spéciale pèse une cinquantaine de milliards d'euros en recettes et en dépenses, avec trois programmes différents : pensions civiles et militaires ; ouvriers de l'État ; pensions d'invalidité.
Le programme 741, dont M. Raude est responsable, enregistre à la fois :
– en dépenses : les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et des fonctionnaires militaires, ainsi que les allocations temporaires d'invalidité ; les dépenses de compensations démographiques, qui sont des flux vers d'autres régimes de retraites ; les affiliations rétroactives, pour les fonctionnaires qui n'ont pas eu 15 ans de services, et qui sont donc rétroactivement rattachés au régime général ;
– en recettes : les cotisations salariales, ou la retenue pour pension, de 7,85 % sur le traitement indiciaire brut ; les contributions des ministères au taux de 62 % pour les fonctionnaires civils et d'un peu plus de 108 % pour les militaires ; les contributions libératoires de La Poste et de France Télécom, à la fois sous la forme d'un taux de contribution, qui est un taux d'équité concurrentielle, et de versement étalé de soultes ; enfin, d'autres recettes de moindre importance.
La caractéristique importante de ce compte d'affectation spéciale est qu'il est, comme tous les autres, géré à l'équilibre. C'est évidemment une différence fondamentale avec les autres régimes de retraite et, en particulier, le régime général. Le compte d'affectation spécial « Pensions » est équilibré dans chaque loi de finances.
L'année 2009 fut une année très singulière : nous nous attendions à 80 000 départs ; il y en eut 16 % de moins. La baisse a concerné à la fois tous les ministères et la plupart des grands établissements publics. Le diagnostic en est incertain : est-ce que la réforme de 2003 monte finalement en puissance beaucoup plus vite que nous ne l'avions prévu, auquel cas il s'agirait d'un phénomène structurel ? Ou est-on confronté à un phénomène essentiellement psychologique, un phénomène conjoncturel qui ne se reproduirait pas les années suivantes ? Quoi qu'il en soit, la dépense de l'année 2009 a été moins importante que prévue sur le compte d'affectation spéciale. Les départs ont été moins nombreux et, en outre, la revalorisation des pensions a été moindre, en raison d'une inflation inférieure à celle attendue (+ 1 % au lieu de + 2,2 % prévus).
J'en viens aux éléments de projection à moyen terme.
Nous disposons d'abord de ce que nous publions chaque année en annexe au bilan de l'État : une évaluation de l'ensemble des droits à retraite accumulés par les fonctionnaires qui sont aujourd'hui soit en retraite, soit en activité.
Par application de la norme n° 13 de la comptabilité de l'État, qui reprend la norme internationale IAS 19, nous raisonnons en « système fermé », comme si l'on ne recrutait plus de fonctionnaires à l'avenir, en ne calculant que les dépenses à venir ou la somme des droits déjà acquis. Les chiffres sont colossaux : de l'ordre de 1 000 milliards d'euros. Mais il s'agit d'engagements financiers, et non pas de prévision de déficits. Ce chiffre est très sensible aux données économiques que vous prenez pour le calculer, et en particulier au taux d'intérêt ou d'actualisation retenu. Ce fut l'objet d'une discussion que nous avons eue cette année avec le certificateur.
Nous avons établi les projections du besoin de financement actualisé du régime, qui ont été demandées par la Cour des comptes dans le cadre de l'exercice de certification. Les données sont cohérentes avec les précédentes, sauf qu'elles sont exprimées annuellement sur un graphique et indiquent la façon dont les retraites sont couvertes, ou non, à ce stade, par des cotisations salariales (la retenue pour pension), la contribution employeur et la partie « besoin de financement ». Cette fois, nous raisonnons en « système ouvert ».
De quelles hypothèses de besoins de financement, de projections à long terme dispose-t-on aujourd'hui pour commencer à réfléchir sur la réforme des retraites ?
En novembre 2007, le Conseil d'orientation des retraites a émis des hypothèses portant sur : le nombre de cotisants, le montant total de cotisations, le nombre de pensionnés de droit direct (qui est en augmentation), la pension moyenne (en augmentation parce que les nouveaux retraités ont eu à la fois une carrière plus longue et des salaires plus élevés que leur prédécesseurs) et un solde technique, qui se creuse, allant de moins 6 milliards d'euros en 2006, à moins 27 milliards d'euros en 2050.
Le conseil va rendre publiques de nouvelles projections d'ici à la mi-avril. Je n'ai pas de raisons de croire que le profil de cette projection sera fondamentalement changé par rapport à ce que nous avons produit collectivement en 2007.
Revenons sur la réforme de 2003.
Celle-ci a essentiellement joué sur le paramètre « durée d'assurance », en passant progressivement de 37,5 annuités à 41 en 2012, puis probablement à 41,5 en 2020 en application d'une règle de partage des gains d'espérance de vie à 60 ans, à raison de deux tiers pour la vie active et un tiers pour la retraite. On observe depuis 2001 une augmentation de l'âge moyen de liquidation des pensions, régulière pour les catégories actives et un peu plus heurtée pour les catégories sédentaires. Mais, à y regarder de plus près, on aperçoit une baisse en début de période : c'est l'effet de la mise en oeuvre du dispositif « carrières longues », qui a permis à un certain nombre de fonctionnaires de partir de manière anticipée, ce qui a assez naturellement fait baisser l'âge moyen de départ à la retraite. Une fois l'effet de ce dispositif dissipé, on retrouve la tendance de long terme, qui est une tendance au décalage de l'âge de départ à la retraite, repoussé notamment par l'allongement de la durée de cotisations requise pour obtenir le taux plein.
Le dispositif de la surcote et de la décote est par ailleurs monté en charge. Pour la surcote, cela fut assez rapide, puisque celle-ci a été fixée à 3 % par année supplémentaire en 2004, puis à 5 % à partir de 2009. Près d'un tiers des agents partent aujourd'hui avec une pension de retraite surcotée de manière significative, puisque cela représente environ 100 euros par mois, ce qui n'est pas négligeable. La décote monte en puissance de manière beaucoup moins rapide – ce qui était l'effet recherché –, puisqu'elle ne touche que 16 % des agents, pour des montants faibles : de l'ordre de 34 euros par personne.
Un dernier élément de mise en place de la réforme de 2003 est à rappeler : le régime additionnel de la fonction publique. M. Raude en ayant parlé tout à l'heure, je ne m'étendrai pas sur le sujet.