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Intervention de Raoul Briet

Réunion du 6 avril 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

Raoul Briet, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites :

La France présente une singularité : le Fonds a été mis en place dans un pays, dont on ne peut pas dire qu'il avait durablement maîtrisé ses déficits publics. Au contraire, dans les pays auquel nous nous référons – Suède ou Canada –, la mise en place de fonds de réserve s'est effectuée dans des contextes de maîtrise ou d'excédent des finances publiques. C'est cela, la singularité française qui conduit au débat soulevé par M. Dord. Ce débat est également lié à l'histoire française des finances publiques. Le président Méhaignerie connaît bien l'épisode de la « cagnotte », à la fin des années 1990. La création du Fonds a eu, entre autres objectifs, le souci de ne pas renouveler cet épisode – qui n'est pas l'un des plus glorieux de gestion de nos finances publiques. À l'époque, le régime général de la sécurité sociale revenait à l'équilibre et la Caisse nationale d'assurance vieillesse était en excédent pour sept ou huit ans. Mon souci de directeur de la sécurité sociale à l'époque était d'éviter que ces modestes excédents ne soient très vite dilapidés.

Si ce scénario économique s'est fracassé dans le réel à partir de 2002, le Fonds conserve entre autres intérêts pédagogiques celui de rappeler qu'un régime de retraite, même public, se pilote dans un horizon de long terme, ce que notre pays n'a jamais réussi à faire. Or, ne pas y parvenir crée auprès de nos concitoyens de l'anxiété, de l'inquiétude, voire des préoccupations – à mon sens excessives – sur le devenir même du système. Pour moi, disposer pour la gestion des retraites d'un outil qui incarne une dimension de long terme est vertueux.

Depuis 2009, nous avons fait évoluer notre gestion financière. Nous avons élargi les marges de fluctuation de notre allocation stratégique. Si la part des actifs dits de performance – actions, matières premières, immobilier et infrastructures – a été fixée à 55 %, et celles des obligations à 45 %, une marge de 20 % a été instituée autour de ces pourcentages. La part de nos actifs de performance se trouve ainsi placée entre 40 % et 60 %. La flexibilité de notre gestion en est accrue.

La flexibilité, c'est aussi savoir prévoir et prévenir. En 2007 – comme la quasi-totalité des gestionnaires financiers –, nous n'avons pas vu venir l'effondrement des marchés boursiers. Sur ce point, l'année 2008 a été la pire depuis 1928.

Pour nous mettre dans une situation plus réactive et anticipatrice, nous avons élargi notre marge de fluctuation et notre tour de table. En accord avec le président du directoire, M. Augustin de Romanet, nous avons mis en place un comité stratégique d'investissement. Émanation du conseil de surveillance, il accueille cependant deux personnalités extérieures aux équipes du Fonds et de la Caisse des dépôts et consignations : MM. Bertrand Jacquillat et Marc de Scitivaux. Ces personnes nous aident à piloter, avec une meilleure capacité d'anticipation, nos allocations de gestion. Ce pilotage est effectué en concertation avec le directoire et le conseil de surveillance. Il s'agit de nous mettre en situation de réagir plus tôt et plus efficacement aux évolutions.

En 2009, nous avons décidé que notre gestion financière devait nous mettre en mesure, dans la quasi-totalité des scénarii, de produire au moins vingt annuités de 2,3 milliards d'euros, autrement dit – au minimum – de restituer les actifs qui nous ont été confiés, majorés de l'inflation. Ce n'est qu'une fois ce minimum assuré, que nous recherchons une performance qui nous permette un résultat meilleur. La contrainte de restitution a minima des abondements revalorisés de l'inflation est donc tout à fait incorporée dans notre gestion. Sauf catastrophe économique et financière planétaire, aucun souci n'est à craindre dans ce sens.

Les pays qui sont passés aux comptes notionnels l'ont fait sur la base de délais de transition parfois très longs. L'architecture des systèmes de retraite de ceux qui ont le mieux réussi la transition était également moins éclatée, déjà plus unifiée et mieux harmonisée que la nôtre. De plus, un pays comme la Suède a créé son système notionnel sur la base d'un actif net détenu par la collectivité. Au contraire, le système français serait mis en place en présence d'un passif. Le passage aux comptes notionnels ne le ferait pas disparaître. Une fois la structure de défaisance mise en place, l'enjeu resterait le financement de la promesse faite aux générations anciennes. Le contexte à la fois financier, institutionnel et économique qui a permis dans certains pays la mise en place des comptes notionnels, n'est clairement pas le contexte français d'aujourd'hui.

Par ailleurs, le pilotage des structures de comptes notionnels est beaucoup moins automatique qu'on ne le présente. En 2008, devant la nécessité d'expliquer aux Suédois que leurs pensions allaient devoir baisser significativement du fait de la perte de valeur des placements du fonds de réserve suédois – nous n'avons fait ni mieux ni pire que lui –, les décideurs ont mis entre parenthèses l'aspect automatique des conséquences de la diminution des actifs du fonds de réserve. Le pilotage ne peut jamais être totalement automatique.

Enfin, au contraire du système français actuel, et quoi qu'en disent leurs promoteurs, les comptes notionnels sont fondamentalement des régimes à contribution définie. Basculer dans ce type de système, c'est passer dans un système à cotisations déterminées et par lequel on ajuste les prestations a posteriori. C'est un choix politique majeur.

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