Je ne m'arrêterai pas plus longtemps sur ce que ressentent les infirmières ; je vois bien que nous n'avons ni les mêmes sources ni les mêmes contacts.
Je veux revenir sur la prise en compte de la pénibilité, indépendamment de la question du classement en catégorie active ou sédentaire. Ce qui me préoccupe le plus dans votre réforme, c'est la suppression pure et simple de la majoration de durée d'assurance, introduite par votre propre majorité suite à la loi Fillon. Cette disposition s'est traduite concrètement par une bonification depuis le 1er janvier 2008, si ma mémoire est bonne. Cette réforme, relativement récente, était une première tentative sérieuse pour donner un contenu à la prise en compte de la pénibilité – indépendamment, je le répète, du classement en catégorie active ou sédentaire, qui ne prend que très partiellement en considération la réalité des métiers et leur évolution.
Pour ma part, je fais la différence entre la pénibilité proprement dite et ce qui relève des conditions de travail quotidiennes des infirmières. Nous en débattrons sans doute à l'occasion de la réforme des retraites : je ne crois pas que l'on puisse faire passer sous le vocable « pénibilité » l'ensemble de ce qui relève des conditions de travail. Celles-ci sont plus ou moins difficiles, plus ou moins stressantes. Elles ne peuvent pas toutes rentrer dans la catégorie bien précise de la pénibilité du métier, telle qu'elle a pu ressortir – fût-ce de façon insatisfaisante – de la négociation entre les partenaires sociaux. Des éléments ont été identifiés qui permettent d'apprécier objectivement le caractère pénible ou non d'un métier. Parmi eux, figure la fréquence du travail de nuit, le temps posté, la manipulation de « charges lourdes » – nous parlons en l'occurrence d'hommes et de femmes – ou les horaires décalés. Personne ne conteste le fait que ces éléments caractérisent un travail pénible. Il existe des différences d'appréciation sur la manière de le prendre en charge. Mais, je le répète, je n'ai jamais entendu personne, pas même au MEDEF, contester ces facteurs d'appréciation.
Cela étant, si l'on ne prend plus en compte ces éléments par une majoration de durée d'assurance, sous quelle forme, madame la ministre, allez-vous leur donner une traduction ? Dans le texte que vous nous proposez, vous auriez pu choisir d'en rester à la catégorie active. Cela aurait certes supposé un peu d'habileté juridique, mais il était possible de maintenir un âge de départ à la retraite inférieur à soixante ans. Tel n'est pas votre choix : soit, mais alors pourquoi supprimez-vous la majoration de durée d'assurance ? Vous ne pouvez pas, d'un côté, dire que le travail des infirmières est pénible et, de l'autre, supprimer les deux éléments qui, jusqu'à présent, permettaient précisément de prendre en compte cet aspect. Vous aboutissez ainsi à une situation paradoxale : le métier d'infirmière est reconnu comme étant pénible, mais il est moins compensé que d'autres à cet égard.
Ce n'est pas à vous, madame la ministre, que je demanderai ce que cela signifie pour la réforme des retraites à venir, puisque vous n'êtes pas directement en charge de ce dossier. Mais, de notre point de vue, cela montre que le Gouvernement aborde la réforme des retraites par un biais. Vous nous dites vouloir engager des discussions sur la pénibilité – lesquelles d'ailleurs ont déjà eu lieu, et l'on ne voit pas pourquoi il faudrait les réengager ; vous nous dites vouloir faire de la question de la pénibilité un volet important de la réforme des retraites à venir. Mais votre premier acte consiste à le supprimer, et ce pour une profession dont la pénibilité ne peut être mise en doute.