Ce sont certes des victoires pour la majorité, mais des victoires à la Pyrrhus, remportées au mépris des droits les plus élémentaires de l'opposition et menaçant la vitalité de notre démocratie.
Ces pratiques manquent singulièrement de la hauteur de vue revendiquée tout à l'heure par M. le ministre Woerth, qui nous appelait à moins de médiocrité, à plus de réflexion de fond, et qui a tout de même fait de la publicité subliminale pour le parti socialiste, qu'il a cité de nombreuses fois.
« Donner c'est donner, reprendre c'est voler », chantonnent les enfants. On a l'impression que le Gouvernement a fondé la réécriture de ce texte sur ce principe fondateur un peu sommaire. Les syndicats ne s'y sont pas trompés, et l'on peut comprendre la colère des organisations signataires des accords de Bercy devant ce marché de dupes. Comment oser parler de rénovation du dialogue social, du fait et du droit syndicaux en faisant passer un texte de manière brutale et autoritaire au mépris d'une réelle concertation ?
Vous ne pouvez pas décemment vous prévaloir de la signature du seul Syndicat national des cadres hospitaliers pour entériner ce protocole d'accord. L'ensemble des syndicats signataires de Bercy, plus les deux centrales non signataires, FO et la CFTC, ont protesté en boycottant le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière chargé d'émettre un avis sur le texte modifiant le statut des infirmiers dans le cadre de la réforme licence-master-doctorat.
Ils ont parlé de « provocation » et de « chantage » pour qualifier cette décision qui détourne le projet de loi pour modifier l'âge de départ à la retraite du personnel infirmier et paramédical.
Ce que vous présentiez tout à l'heure, madame la ministre, comme une offre providentielle se résume à un chantage indigne – indigne de vous, ai-je envie de dire. Les agents bénéficient certes de la catégorie A et d'une augmentation de salaire, mais ils le payent lourdement, leur âge de départ à la retraite étant revu à la hausse. C'est faire fi de la pénibilité du travail infirmier, des débuts de carrière précoces, des responsabilités très lourdes, avec un engagement pour le mieux-être des patients que nous connaissons tous et dont on ne cesse de parler de tous bords.
C'est aussi, malheureusement, la concrétisation de la loi HPST, qui entérine – et on le mesure dans nos départements et nos régions – la notion d'hôpital-entreprise et accentue d'autant la pression sur les personnels, qui voient leurs conditions de travail se dégrader grandement.
Nous connaissons tous des hommes et, en majorité, des femmes qui ont choisi d'embrasser la profession infirmière. Est-il décent, alors que chacun reconnaît la pénibilité physique et morale de leur tâche, la souffrance au travail, qu'il s'agisse des horaires ou des nuits et week-ends de garde, de demander à ces professionnels de prolonger la durée de leur travail pour faire valoir leurs droits à la retraite ?
Mon collègue Gaëtan Gorce a évoqué, lors de l'explication de vote sur le projet de loi relatif aux jeux en ligne, « la République de l'indécence ». Il serait temps de revenir, dans notre république, à la « décence ordinaire » chère à George Orwell. La décence, madame la ministre, commande aujourd'hui de retirer cet article 30 si nous voulons restaurer le dialogue social et réfléchir ensemble sur les retraites à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)