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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 avril 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Bien sûr ! J'écoute le Président de la République pour savoir ce qu'il a l'intention de faire.

Il a reconnu la pénibilité du travail des infirmières et assuré que ce sujet serait discuté avec les syndicats. Il a déclaré, je le cite : « La pénibilité, on en reparlera avec les syndicats, c'est un problème complexe. » Le sujet était en effet si complexe qu'il fallait attendre un peu avant de rouvrir la discussion. À l'issue du sommet social du 15 février dernier, il indiquait ne pas vouloir passer en force sur la question des retraites. On voit ce qu'il reste de ces belles déclarations : rien, absolument rien ! Cela laisse mal augurer de la suite des discussions sur la réforme des retraites ! Autant expliquer d'emblée que les consultations syndicales ne seront que de façade et n'ont pas pour objectif de rechercher un accord, mais seulement d'afficher de très théoriques consultations.

Je voudrais dire à tous ceux qui demandent à la gauche, et en particulier aux socialistes, de jouer la carte du consensus national sur le dossier des retraites, que la recherche du consensus, ce n'est pas demander aux autres d'abdiquer leurs positions pour se ranger sans transiger derrière celles du Gouvernement ! Je voudrais leur dire que la culture du compromis, ce n'est pas de ne pas bouger une seule virgule aux accords proposés, qui sont en fait des accords imposés ! On ne peut pas, d'un côté, tenir un discours sur l'appel à l'union nationale, la volonté que l'ensemble des partis de gouvernement puisse se retrouver sur un certain nombre de mesures et faire en sorte que les mesures proposées le soient pour solde de tout compte.

Je sais parfaitement qu'en cas d'échec des négociations, il est de la responsabilité du législateur d'intervenir. Mais la rapidité de la saisine du Parlement a de quoi surprendre au regard d'exemples passés. Et ce n'est pas un hasard si je prends celui de la négociation sur la pénibilité du travail et sa prise en compte dans les conditions de départ en retraite. Les négociations prévues par la loi d'août 2003, dite loi Fillon, ne se sont engagées qu'en mars 2005. Leur échec a été reconnu en juillet 2008. Au mois de septembre 2008, Xavier Bertrand, alors ministre, annonce, au nom du Gouvernement, un texte de loi pour les prochaines semaines. Nous attendons toujours ce texte. Comment est-il possible d'aller si vite dans un tel domaine – alors que la mesure envisagée revient uniquement à réaliser des économies sur le dos d'un certain nombre de salariés – et de mettre tant de temps à s'engager quand il s'agit de prendre en compte les conditions de travail ? Cette précipitation est d'autant plus suspecte à nos yeux que la réforme des retraites s'annonce et que le calendrier, même s'il n'est pas définitivement fixé, semble se préciser. On nous annonce en effet que la réforme proposée par le Gouvernement pourrait être débattue dès l'ouverture de la session extraordinaire au mois de septembre prochain. Il était donc parfaitement envisageable, sans reporter les réformes aux calendes grecques, d'intégrer la question de la retraite des infirmiers dans un cadre plus général, à moins qu'il ne s'agisse d'annoncer que cette réforme se limitera à un processus d'économies. À tous ceux qui en douteraient, je dirai que le déséquilibre des comptes sociaux et, en particulier, celui des régimes de retraite, appelle, cela va de soi, des mesures énergiques. Ce n'est pas douteux et on se contentera d'observer d'ailleurs que ce constat marque l'échec de la réforme Fillon de 2003, qui devait être définitive et que nous sommes contraints de revoir aujourd'hui. Toutefois, le constat d'un déséquilibre financier ne dicte pas en lui-même la nature des choix à effectuer dans le cadre d'une réforme des retraites. Aucune réforme, que ce soit pour la profession d'infirmier ou pour d'autres professions, ne peut s'engager hors sol, de manière simplement paramétrique. La retraite est l'aboutissement, le prolongement du monde du travail. Parler de la retraite, c'est aussi évoquer les conditions de travail, les conditions de vie, la pénibilité, le stress, mais aussi l'utilité sociale du travail, de sa reconnaissance, de sa nécessité pour construire un parcours personnel et professionnel. Ces éléments doivent être mis en avant. De la même manière, nous devrons nous assurer qu'un financement équilibré et juste sera proposé, question centrale lors de nos prochains débats.

Enfin, il ne peut y avoir de réforme sans prise en compte de l'espérance de vie et de la pénibilité des professions concernées. Or c'est bien là que le bât blesse. Pour ce qui est des infirmières et des infirmiers, cette pénibilité a été prise en compte à deux époques et de deux manières différentes : tout d'abord, par le classement en catégorie active, permettant l'ouverture anticipée des droits, ensuite, très récemment, par le biais d'une majoration de durée d'assurance. C'est en effet seulement depuis le 1er janvier 2008 qu'en application de la loi d'août 2003 une majoration de durée d'assurance égale à un dixième de la période de service a été accordée. À peine deux ans plus tard, vous proposez purement et simplement de revenir totalement sur la prise en compte de la pénibilité de la profession d'infirmier du secteur public, alors que les études disponibles montrent que les cas d'invalidité au moment de la retraite sont plus importants chez les infirmières que dans la population féminine en général. À titre d'exemple, 35 % des infirmiers du secteur public travaillent régulièrement de nuit. Or les effets nocifs du travail de nuit sur la santé, comme l'OMS l'a démontré, favoriseraient le développement d'un certain nombre de cancers, en particulier du cancer du sein. À l'évidence, on ne peut se satisfaire de cette situation et, si la mise en oeuvre d'une politique résolue de prévention est indispensable, elle ne saurait suffire. Certains ont essayé de nous faire comprendre que la remise en cause de la prise en compte de la pénibilité serait juridiquement contrainte, et que le passage en catégorie A imposerait par lui-même la suppression de toute prise en compte de la pénibilité.

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