Et nous ne rencontrons pas les mêmes salariés.
Ne pas reconnaître le caractère pénible de ces professions qui doivent assurer un service continu, de jour et de nuit, avec de surcroît des conditions d'exercice qui se dégradent tous les jours, est complètement irresponsable. Non seulement les services sont en sous-effectif permanent et les personnels en congé ne sont pas remplacés, ce qui augmente la charge de travail, mais on demande aux personnels non médicaux de faire des gestes nouveaux dans des domaines parfois très pointus, comme l'anesthésie, sans formation spécifique et à la limite de la légalité, sans bien sûr la rémunération qui en découle.
Avez-vous déjà entendu parler du burn out, dans les services ? Connaissez-vous les situations d'épuisement émotionnel, jointes au faible sentiment de compétence et de reconnaissance de l'effort accompli dans le travail ? Nous en doutons.
Toutes ces décisions concernant les fonctionnaires sont graves pour eux et ont un impact sur la qualité des soins. À l'hôpital Trousseau par exemple, le manque d'effectifs et le rythme effréné imposé aux personnels empêchent l'accueil personnalisé des familles dont les jeunes enfants souffrent de maladies très graves mettant en jeu le pronostic vital. Un professeur me disait récemment que cela déshumanisait la prise en charge. Que deviendra l'excellence de l'AP-HP avec 4 000 postes en moins comme vous tentez de l'orchestrer ?
Lorsque vous attaquez les agents de la fonction publique, c'est le service public que vous mettez en cause en dégradant les conditions d'accueil et la prise en charge des patients, au risque de porter atteinte à l'accès aux soins pour tous, et donc à l'intérêt général.
En outre, avec les mesures que vous préconisez, vous prenez à ces personnes ce qui leur reste après la vie professionnelle. La moyenne d'âge du départ en retraite chez les infirmières est actuellement de 56,7 ans. Compte tenu de la pénibilité, qui s'accentue, beaucoup ne pourront atteindre l'âge ouvrant droit à une retraite à taux plein. Le montant de leur pension en sera abaissé d'autant.
Enfin, s'ils ne sont pas tout à fait convaincus de votre cynisme, je conseille aux citoyens et professionnels de regarder attentivement l'étude d'impact qui accompagne ce texte. Selon cette étude fournie par le Gouvernement, l'impact financier de la réforme indiciaire et du classement en catégorie A serait de 100 millions d'euros en 2011 et de 200 millions en 2012. Quant aux « effets retraite » de cette réforme, les économies attendues pour la CNRACL seraient de 90 millions en 2011, de l84 millions en 2012 et de 439 millions en 2015. Autrement dit, la remise en cause de la pénibilité financera la revalorisation salariale annoncée. Les fonctionnaires payeront eux-mêmes leur augmentation de salaire par la baisse de leur pension de retraite !
Je ne suis pas une adepte des excès de langage, mais je dois dire qu'avec cet article 30, vous atteignez le paroxysme du mépris, tant sur la forme que sur le fond. C'est une honte. Ce sentiment est très largement partagé par la profession si j'en juge par les milliers de pétitions que nous avons recueillies et que nous sommes chargés de vous remettre. Vous devez mesurer à quel point ces salariés sont outrés par le marché de dupe qui leur est proposé et la façon dont il a été introduit dans le présent texte.
Vous dites, madame la ministre, que vous négociez depuis plusieurs années et que vous vous félicitez de l'approbation de la profession. Nous ne devons pas voir les mêmes professionnels : ceux que nous avons rencontrés non seulement ne sont pas d'accord, mais sont outrés par vos propositions.
La manipulation et la remise en cause des acquis des personnels non médicaux n'ont rien à faire, en tout état de cause, dans un texte sur le dialogue social dans la fonction publique.
C'est donc pour supprimer l'article 30 que nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)