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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 7 avril 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Mais que reste-t-il de tous ces beaux discours sur le dévouement et le professionnalisme des salariés lorsqu'on analyse vos actes de plus près ?

Le protocole d'accord prévoit la création d'un nouveau corps des infirmiers, classé en catégorie A, et bénéficiant d'une nouvelle grille indiciaire. Nous y sommes bien sûr favorables : c'est légitime compte tenu des éléments que je viens d'évoquer. La revalorisation salariale liée au changement de statut de la catégorie B à la catégorie A est prévue pour janvier 2011.

Mais que dire des chiffres annoncés en commission des affaires sociales concernant l'augmentation effective des salaires ? Erreur ? Tromperie ? En tout cas, ils sont d'ores et déjà contestés par les premiers intéressés. À partir de 2015, les infirmières devraient être augmentées « de 2 000 euros nets par an en début de carrière, et de près de 4 000 euros en fin de carrière », dites-vous. Mais il n'a pas été précisé que ces sommes correspondent à la création de trois nouveaux échelons que personne n'aura sans doute atteints en 2015... Ainsi, dans cinq ans, il faudra encore attendre neuf ans pour espérer obtenir l'augmentation promise. En résumé, vous dites aux professionnels concernés et à leurs familles que dans quatorze ans, peut-être, ils bénéficieront d'une augmentation de revenus correspondant à leur niveau de diplôme et de qualification.

Et je ne parle pas des inégalités entre les différentes spécialités. Pourquoi ceux qui ont fait la formation la plus longue seront-ils moins augmentés que les autres ? C'est par exemple le cas des puéricultrices ou des infirmiers anesthésistes. Ces derniers cumulent d'ailleurs les injustices : avec un niveau d'étude à bac + 5, ils sont reconnus au niveau d'une licence au lieu d'un master. Déjà classés en catégorie A, vous leur proposez, pour seule évolution, la perte de leurs acquis relatifs à l'exercice en catégorie active et une revalorisation inférieure à celle des autres professions.

À ces chiffres fantaisistes, qui ne trompent pas les professionnels, s'ajoute l'inadmissible et dégradant chantage auquel vous vous livrez. Vous exigez en effet une contrepartie à cette juste revalorisation : le passage de ce nouveau corps de la catégorie « active » – avec possibilité de départ à la retraite à 55 ans – à la catégorie « sédentaire » – avec départ à la retraite à 60 ans et une limite d'âge portée à 65 ans.

Les nouveaux fonctionnaires qui obtiendront leurs diplômes à partir de 2012 passeront automatiquement en catégorie A et seront directement soumis à ce régime.

Pour les personnels en poste, un droit d'option sera ouvert. Ils devront choisir entre le maintien dans l'ancien corps, ce qui revient à renoncer à la revalorisation qui leur est due, et l'intégration dans le nouveau corps, ce qui revient à renoncer aux droits qu'ils ont acquis au cours de leur carrière en travaillant auprès des patients.

Exit alors la possibilité de bénéficier du départ en retraite à 55 ans, pour 15 ans en catégorie active ou parce qu'ils ont exercé dans un corps dont l'âge de départ était de 55 ans.

Exit la majoration de durée d'assurance d'une année par période de dix ans passée en catégorie active prévue par la loi Fillon de 2003.

De surcroît, ils seront sommés de réfléchir vite puisqu'ils n'auront que six mois pour choisir entre la peste et le choléra. C'est du jamais vu ! Lorsqu'il a été proposé aux instituteurs de devenir professeurs des écoles, ils ont pu bénéficier d'un droit d'option ouvert à vie.

Ce n'est pas seulement un marché de dupe : c'est un chantage qui ne vous honore pas et qui laisse entrevoir à tous les agents la manière dont vous appréhendez la pénibilité, voire la souffrance, qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur profession. À l'aube d'une réforme globale des retraites, cette conception nous paraît inquiétante.

Tout se passe comme si le passage en catégorie A faisait disparaître la pénibilité reconnue lors de l'exercice en catégorie B ! On croit rêver !

Vous considérez par ailleurs que l'on peut compenser la fatigue et les effets néfastes de conditions de travail difficiles par de l'argent. Mais c'est faux. Aucune revalorisation salariale ne peut effacer les préjudices de santé liés au travail.

Comment peut-on justifier une telle mesure lorsque l'on sait que, selon les données de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une infirmière sur quatre est en invalidité au moment de son départ à la retraite et 30 % des aides-soignantes sont en invalidité autour de l'âge de 48 ans ?

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