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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 7 avril 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Alors que l'État désigne les dépenses publiques locales comme la source des déficits publics, un tel changement, représentant une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales en termes de coût et de moyens à mobiliser, ne s'impose absolument pas, d'autant qu'il est rejeté par l'ensemble des employeurs locaux qui souhaitent maintenir le statu quo.

Je comprends les fonctionnaires, notamment ceux de l'État, qui souhaitent qu'un rendez-vous électoral se tienne tous les quatre ans – il s'agit d'ailleurs d'un des éléments de l'accord syndical du 2 juin 2008 –, mais les collectivités territoriales ont un autre rythme, et il me semble légitime que le Gouvernement le respecte.

Les élus locaux ont apporté de longue date la preuve de leur attachement au dialogue social, que ce soit au niveau national ou au niveau local. Nier cette spécificité constitue à la fois un retour en arrière et, surtout, le signe d'une volonté forte de reprise en main par l'État d'un pan essentiel de la gestion publique locale.

C'est grave et c'est faire un contresens, car le paritarisme n'est pas un effet d'annonce. C'est une contrepartie au fait que les fonctionnaires sont placés dans une situation statutaire régie par la loi et le pouvoir réglementaire. Ils ne sont pas en mesure de négocier un contrat de travail et de se référer à une convention collective, fruit du dialogue social. C'est la raison pour laquelle, depuis 1946, les partenaires sociaux et les employeurs publics sont consultés pour avis, en amont de la publication des textes législatifs et réglementaires relatifs au statut.

Monsieur le ministre, vous avez cité Maurice Thorez pour nous rappeler que le paritarisme a été introduit pour la première fois en France par la loi du 19 octobre 1946 relative au statut de la fonction publique. Cette loi s'est accompagnée de la mise en place d'instances paritaires de concertation, dont la création constituait une réponse à l'exigence des fonctionnaires de se voir reconnaître des droits, comme tous les salariés. En effet, les missions et les obligations des agents publics sont définies par la loi et des décrets, et non par un contrat dont chaque agent pourrait négocier les termes à son embauche. Le paritarisme est alors l'outil qui leur est reconnu pour qu'ils soient consultés sur leur carrière mais aussi sur l'organisation et le fonctionnement des services. C'est dire combien il est un principe de base de notre fonction publique ; il a d'ailleurs été réaffirmé en 1983 et 1984 en ce qui concerne la fonction publique territoriale.

J'ajoute également que si les accords de Bercy prévoyaient une évolution de la composition paritaire des instances consultatives, en aucun cas la suppression de ce principe républicain n'avait été envisagée dans cette négociation.

Pour la réforme de la fonction publique d'État, bien que le statut et le fonctionnement de la fonction publique territoriale aient été qualifiés d'exemplaires et considérés comme des modèles par les ministres Éric Woerth et André Santini – je m'associe volontiers à l'hommage qui a été rendu au secrétaire d'État, d'autant qu'il est redevenu, du fait de son départ du Gouvernement, l'un de mes sympathiques collègues –, nous assistons à une offensive grave et sans précédent contre le fonctionnement du dialogue social dans les collectivités territoriales et contre les instances paritaires qui en sont le moteur.

C'est pourquoi je crois que cette réforme cherche à atteindre des buts autres que ceux affichés : je pense notamment au contournement de certaines réalités électorales dans les villes, les départements et les régions. En effet, sauf à vouloir étouffer l'émergence d'une représentation collective des employeurs publics locaux, qui vient à peine d'être reconnue par la loi de février 2007, on ne voit pas l'intérêt d'écarter les élus locaux de la concertation paritaire alors qu'ils ont la légitimité naturelle pour assurer cette fonction. D'autant que cette mise à l'écart est contraire au principe constitutionnel selon lequel les collectivités territoriales s'administrent librement.

Priver de droit de vote une des parties représentatives, ce n'est pas « rénover » le dialogue social, c'est revenir en arrière en limitant le dialogue à un seul acteur, l'État, au mépris des quelque 56 000 employeurs publics locaux, qui sont les acteurs de la démocratie sociale dans les collectivités territoriales de notre pays. Au contraire, une rénovation pertinente du dialogue social consisterait à renforcer la représentation collective des employeurs publics locaux, qui n'est pas suffisante ni suffisamment reconnue par le Gouvernement.

Pour conclure, je rappelle que le résultat clair et massif des scrutins des élections régionales des 14 et 21 mars derniers constitue incontestablement un rejet sans appel des réformes engagées par la droite, qui remettent en question la décentralisation et tentent de placer les collectivités territoriales sous la tutelle de l'État, ou plutôt directement sous celle du Président de la République et du Gouvernement.

Il en va de même avec le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui, car dans la fonction publique territoriale, la suppression du paritarisme est un déni et une dénaturation du dialogue social et non une rénovation ou une amélioration, alors même que ce dernier fonctionne.

Mes chers collègues, il y a une incohérence notoire de la part du Gouvernement à vouloir supprimer le paritarisme dans le cadre d'une loi sur le dialogue social. Avouez tout de même qu'il y a antinomie entre les deux ! On va aboutir, si les choses se poursuivent et restent en l'état, à un dialogue social dénaturé et qui n'augure guère de ce fameux dialogue social qui nous tient à coeur dans nos collectivités.

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