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Intervention de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Réunion du 31 mars 2010 à 9h45
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Pérol-Dumont :

Monsieur le ministre, il est tout à fait naturel que notre commission soit saisie pour avis sur ce projet de loi car, sans les collectivités territoriales, il n'y aurait pas de politique d'aménagement du territoire. Toute action en ce domaine est conduite en partenariat soit avec l'Europe, soit avec les collectivités territoriales. Cela vaut pour les politiques d'aménagement local comme pour les grandes infrastructures – même si cela ne devrait pas l'être. Or le projet de loi que nous examinons est la mort de ces politiques, du fait notamment de la suppression de la clause de compétence générale.

Les attentes concernant ce projet de loi sont effectivement grandes. Mais le texte n'y répond pas. Il suscite par contre de nombreuses craintes. Je peux vous dire qu'au sein de l'association des départements de France, elles sont partagées par tout l'échiquier politique.

Vous nous avez dit que cette réforme était très demandée par nos concitoyens. En tant qu'élue de terrain, je n'ai encore vu aucun citoyen me demander quand serait mise en place la réforme territoriale. Ils me font part régulièrement de leurs inquiétudes pour l'avenir de leurs enfants, pour l'emploi ou pour leur pouvoir d'achat. Mais aucun ne s'est inquiété de ce que la mise à deux fois deux voies de la route Centre Europe Atlantique soit financée par l'Europe, par l'État, par la région et par le département. Par contre, ils déplorent tous que les travaux n'aillent pas assez vite et ils me demandent quand ceux-ci seront terminés.

Il faut être sérieux, monsieur le ministre. Nos concitoyens se fichent complètement de « qui fait quoi ». Ils veulent que le pays fonctionne et que les chantiers prévus avancent.

Je passerai maintenant en revue les présupposés affichés de la réforme des collectivités territoriales.

La réforme aurait pour but de contenir le coût de la démocratie locale car les élus locaux seraient trop nombreux et coûteraient trop cher. C'est faux. Le coût de la démocratie locale représente 0,3 % des budgets de fonctionnement des collectivités locales.

La dette publique de ce pays serait liée aux collectivités locales. C'est faux. Moins d'un dixième de la dette publique provient des collectivités locales et je précise à l'intention de l'ancien président du conseil général que vous êtes, monsieur le ministre, que la dette des départements ne représente que 3 % de ces 10 %. Le coût de la démocratie locale est donc un faux prétexte.

La réforme permettrait la simplification d'un soi-disant millefeuille territorial. Vous avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, qu'il n'y avait pas plus de millefeuille territorial dans notre pays que dans d'autres Etats d'Europe. La question n'est pas là. J'observe au demeurant que le texte, non seulement ne va rien simplifier, mais va même compliquer le système en rajoutant les métropoles et les communes nouvelles.

La réforme permettrait une clarification des compétences. Le projet de loi que nous examinons ne clarifie aucune compétence puisqu'on fait passer la charrue avant les boeufs. Le texte en question sera examiné après celui-ci.

Comme on le voit, aucun des présupposés de la réforme ne trouve de réponse dans ce texte.

Si l'intercommunalité sort peut-être gagnante de cette réforme – et encore, il faut voir à quel prix –, il y a beaucoup de perdants : la commune, le département, la région et, plus grave encore, la démocratie locale et, au final, nos concitoyens, qui ne s'y trompent pas.

Le Gouvernement a voulu faire croire que ce texte ne concernait que les élus. Nos concitoyens commencent à comprendre que la réforme, ayant des répercussions sur leur vie quotidienne, ils sont concernés au premier chef. Le projet de loi entraîne une perte de capacité d'intervention de leur collectivité locale. La suppression de la clause de compétence générale et la mise sous tutelle financière des collectivités locales enlèvent à ces dernières toute autonomie fiscale et tout pouvoir de décision. La proximité des élus avec leurs administrés est remise en cause par la création du conseiller territorial, qui est un non-sens absolu, une aberration totale tant dans son mode d'élection que dans ses fonctions.

Les « couples à trois » qu'il aurait fallu favoriser, monsieur le ministre, sont, pour l'action locale, l'association communesintercommunalitédépartement et, pour la planification, la prospective et la recherche, l'association régionsÉtatEurope. Voilà une réforme qui aurait été de bon sens. Mais le rapprochement départementsrégion est un non-sens absolu. Les conseillers territoriaux seront des élus hybrides sur un territoire inconsistant. Une autre grande perdante, monsieur le ministre, sera la parité. Or, tout le monde sait que je n'en fais pas mon cheval de bataille.

M. Balladur voulait voir l'évaporation des départements et des communes. C'est ce qui est en train de se passer avec ce texte.

Lors d'une réunion que j'ai organisée dernièrement dans mon département, où étaient invités aussi bien des présidents de conseils généraux et des maires de tous bords que des professionnels et des représentants du monde associatif, le président des maires ruraux – vous êtes également, monsieur Mercier, ministre de l'espace rural – a déclaré que la réforme était nocive pour la ruralité et pour les citoyens en général.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous combattrons cette réforme et présenterons des propositions.

J'observe d'ailleurs avec intérêt que l'examen du texte est repoussé. J'espère que le Gouvernement commence à entendre les voix qui montent de la France, y compris de sa propre majorité. En Haute-Vienne, un grand panneau est accroché sur le site du centre dramatique national afin d'informer sur les risques que fait porter la réforme sur la culture. Les professionnels du bâtiment et des travaux publics se saisissent également du sujet en dénonçant les graves conséquences de la réforme pour nos territoires.

Je vous en conjure, monsieur le ministre, faites en sorte, vous qui êtes attaché aux politiques territoriales, que cette réforme soit profondément amendée. En tout cas, c'est ce à quoi nous travaillerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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